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📝Le droit processuel, prototype de l'Obligation de Compliance, in đŸ•ŽïžM.-A. Frison-Roche (dir.), 📕L'obligation de Compliance

par Marie-Anne Frison-Roche

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â–ș RĂ©fĂ©rence complĂšte : M.-A. Frison-Roche, "Le droit processuel, modĂšle de l'Obligation de Compliance", in M.-A. Frison-Roche (dir.), L'obligation de ComplianceJournal of Regulation & Compliance (JoRC) et Dalloz, coll. "RĂ©gulations & Compliance", 2024, Ă  paraĂźtre

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📕lire une prĂ©sentation gĂ©nĂ©rale de l'ouvrage, L'obligation de Compliance, dans lequel cet article est publiĂ©

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â–ș RĂ©sumĂ© de l'article : Des rĂ©flexions commencent Ă  ĂȘtre disponibles pour dĂ©crire les relations Ă  construire entre le Droit processuel et l’Obligation de Compliance, ne serait-ce que pour rendre compte du contentieux Ă©mergent en matiĂšre de compliance, le Droit de la Compliance se juridictionnalisation. Mais cela ne nous apprend rien de spĂ©cifique car tout ce qui est happĂ© par un procĂšs est de ce fait mĂȘlĂ© de droit processuel.

Il apparaĂźt mĂȘme qu’à premiĂšre vue le Droit de la Compliance n’engendre aucune obligation processuelle, puisqu’il est conçu pour se dĂ©velopper en Ex Ante, Ă©vitant Ă  l'entreprise le juge, la compliance by design devant perfectionner cet allĂ©gement, la prĂ©sence de tout procĂšs n’étant qu’un Ă©chec, en soi et par les dĂ©lais et les incertitudes qui y soient par nature associĂ©s. C'est mĂȘme souvent dans l'espoir d'ĂȘtre Ă  l'abri de tout procĂšs que les entreprises affirment pouvoir "se conformer" Ă  toutes les rĂ©glementations, Ă  tout instant, en tous lieux, Ă  travers toutes les personnes dont elles rĂ©pondent. Cela est Ă©videmment impossible. Si cela Ă©tait, les entreprises seraient alors condamnĂ©es par avance Ă  l'occasion de tous les procĂšs possibles, leurs sanctions Ă©tant demandĂ©es par chacun, procureur public ou procureur privĂ©. Mais c'est confondre Droit de la Compliance et la "conformitĂ©", laquelle n'est qu'un outil de cette nouvelle branche du Droit. 

Il ne suffit pas de dire qu'il convient alors de respecter les droits de la dĂ©fense et l'accĂšs au juge, ce dont nul ne prĂ©tend, ou devrait prĂ©tendre, se dĂ©faire.

L'objet de cette Ă©tude est plus de mesurer en quoi le contentieux lorsqu'il porte sur le Droit de la Compliance, c'est-Ă -dire la charge pour les grandes entreprises de participer Ă  la concrĂ©tisation de buts monumentaux en alliance avec les autoritĂ©s Ă©tatiques, ce dont l'obligation de vigilance est la pointe avancĂ©e, est transformĂ© de ce fait, crĂ©ant des obligations processuelles non seulement nouvelles mais d'un nouveau type Ă  la charge des uns comme des autres.

En effet, pour l'instant l'on admet comme Ă  regret la logique processuelle, la prĂ©sence des juges, et non pas seulement des organes de poursuite (procureurs et collĂšges des AutoritĂ©s de rĂ©gulation et de supervision), et des avocats en dĂ©fense et non pas seulement en nĂ©gociation, pour respecter l'Etat de Droit, sorte de tribut que l’on verse, dose d’inefficacitĂ© dans l’efficacitĂ©, dressant alors les disciplines les unes contre les autres, ici le Droit d’un cĂŽtĂ©, l’Economie et la Gestion de l’autre. Le plus souvent, on en reste lĂ , soit pour l’admettre et faire un Ă©quilibre, soit pour le regretter et attendre de savoir quelle logique l’emportera, entre les droits et obligations processuels d’une part et les droits et obligations de compliance d’autre part.

Il convient au contraire de récuser cette logique de vases communicants.

En effet, le Droit de la Compliance est le prolongement du Droit de la RĂ©gulation, qu’il dĂ©ploie au-delĂ  des secteurs et des frontiĂšres, dont la normativitĂ© est ancrĂ©e dans les Buts Monumentaux fixĂ©s par les AutoritĂ©s politiques et publiques qui visent Ă  ce qu’à l’avenir les systĂšmes ne s’effondrent pas, voire s’amĂ©liorent pour que les ĂȘtres humains qui en dĂ©pendent n’en soient pas broyĂ©s mais au contraire en bĂ©nĂ©ficient.

Il en rĂ©sulte un « contentieux systĂ©mique de la compliance Â» dont il rĂ©sulte des principes processuels spĂ©cifiques. Il convient tout d’abord de prĂ©ciser ce qu’est une « cause systĂ©mique Â», notion que j’ai proposĂ©e en 2021, et Ă  laquelle correspondent les cas qui sont aujourd’hui portĂ©s devant les tribunaux. La spĂ©cificitĂ© de ces contentieux systĂ©miques Ă©mergents de compliance, qui sont des contentieux objectifs, proches de ce que connaĂźt le contentieux administratif, ce qui justifie notamment pleinement la prĂ©sence du ministĂšre public et pose la question de savoir s’il existerai un « juge naturel Â» de ce contentieux systĂ©mique de la compliance, ont des consĂ©quences processuelles majeures, notamment sur les droits et obligations processuels : notamment le droit d’ĂȘtre partie Ă  l’instant, mĂȘme si l’on est partie au litige, ce qui est le cas des parties prenantes.

Il en rĂ©sulte une nouvelle alliance entre l’Obligation de Compliance et le Droit processuel, qui engendre des obligations de compliance de nature processuelle au sein mĂȘme du Droit de la Compliance. Il convient en effet de ne plus scinder l’Ex Ante et l’Ex Post, mais d’emprunter des principes de compliance pour les insĂ©rer dans les procĂ©dures juridictionnelles, comme le conçoit le Haut Conseiller François Ancel (passage de l’Ex Ante vers l’Ex Post), tandis qu’il convient d’insĂ©rer des principes processuels dans les obligations de compliance au sein des entreprises (passage de l’Ex Post vers l’Ex Ante), comme l’a montrĂ© l’ouvrage sur La Juridictionnalisation de la Compliance. Cela est particuliĂšrement illustrĂ©  Ă  propos de l’Obligation de Vigilance, pointe avancĂ© de l’Obligation de Compliance.

Cela est particuliĂšrement pertinent Ă  propos de trois Obligations processuelles qui dĂ©sormais doivent structurer les obligations de compliance dans les comportements des entreprises et des parties concernĂ©es indĂ©pendamment mĂȘme de tout procĂšs, le juge Ă©ventuellement saisi devant vĂ©rifier leur accomplissement de part et d'autre et les favoriser, ce qui engendre pour lui un office Ex Ante : l’obligation de discuter (principe du contradictoire), l’obligation d’information (systĂšme probatoire) et l’obligation de dĂ©montrer (principe de la motivation).

Dans cette Ă©volution non seulement l'obligation processuelle de donner accĂšs, d'organiser des voies de recours, d'Ă©couter l'autre, obligation processuelle qui peut ĂȘtre rĂ©ciproque surtout lorsqu'il s'agit d'Ă©couter l'autre et de prendre en considĂ©ration ce qu'il dit, trace devant en ĂȘtre trouvĂ© dans la motivation (par exemple du plan de vigilance), l'obligation processuelle trouve alors sa nature profonde : le prototype de l'obligation de compliance.

Cette alliance change Ă  la fois le Droit de la Compliance et le Droit processuel, puisque cela change plus largement l’office du juge, qui doit veiller Ă  l'effectivitĂ© de ces obligations processuelles dans un continuum entre l'Ex Post et l'Ex Ante. Mais cette question de l’office du juge est l’objet d’une contribution autonome.

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