4 juin 2021

Compliance : sur le vif

📧 La "numéronasse" : le risque de l'économie numérique et le choix à opérer pour le Droit de la Compliance

par Marie-Anne Frison-Roche

 Compliance et "numéronasse": le grand choix.

La "numéronasse" remplace la paperasse : c'est bien vu et bien nommé. Yannick Meneceur approuve cette étude de Florence Maraninchi. Elle soutient que ceux qui construisent les plateformes pour tout simplifier et tout résoudre se contentent de remplacer la paperasse par la "numéronasse". Oui, qui ne vit celle-ci l'enfer de cette gestion des codes (souvent volés contre rançons, par ailleurs mais cela est une autre histoire ...).

Plus profondément, cet engouement vient de l'erreur de dénomination consister à nommer les machines "intelligentes". Les voitures roulent : on ne les disait pas "intelligentes", qu'elles "savaient" rouler. On les dit aujourd'hui "intelligentes" parce qu'elles sauraient être "autonomes" par le traitement d'informations de contexte par de la technologie, constatant rétrospectivement qu'elles roulent plus vite que ne vont les chevaux et calculent désormais plus vite que les humains. Elles seraient donc plus "intelligentes" que tout le monde. L'on comprend que les marchés déversent tant d'argent sur Tesla...

Mais les machines ne sont pas "intelligentes", le calcul ne fait pas le projet, comme le développe Alain Supiot dans "La gouvernance par les nombres".

Si l'on continue, puisqu'un algorithme a déjà réussi un examen d'entrée à l'Université, un autre sortir d'une "école de droit", l'un nous condamnera (c'est déjà fait), l'autre nous défendra (cela viendra). Les humains devront se taire. Devenus machines, ils n'auront pas droit à la parole. La guerre juridique des qualifications est en cours, mais cela est une autre histoire.

Cette "numéronasse" a déjà atteint le Droit de la régulation : la "régulation par la donnée" prétendue faire sortir la règle de l'accumulation des "normes" mises en corrélation par la machine, sans décision humaine : moins il y a d'humain, moins cela serait "discrétionnaire". La destruction des marges de discrétion serait une victoire. Surtout pas de politique... ; surtout pas d'humain ... La "Compliance by design" porte aussi ce rêve de la "machine juste", puisque non faillible : v. ➡️📝 Samir Merabet, La morale by design, in ➡️ 📕 Frison-Roche, M.A., "Les outils de la Compliance", 2021) Si nous voulons une Compliance humaniste, il faut écarter cela. Et avec force. Les outils de la Compliance, si puissant, doivent servir une conception humaniste de la Compliance, et pas l'empire de la "numéronasse" (v. ➡️📝Frison-Roche, M.A., Un droit substantiel de la Compliance, appuyé sur la tradition humaniste de l'Europe, in ➡️ 📕 Frison-Roche, M.A., "Pour une Europe de la Compliance", 2019).

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