Les fiches récentes

10 novembre 2014

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Plus le droit avance, car on ne saurait dire si "avancer", c'est "progresser", plus on passe de l'idée de "chose protégée" à la notion de "être sensible" à la notion de "être conscient".
C'est-à-dire que l'on ne distingue plus l'animal de l'être humain.
En droit, cela signifie la fin de la distinction de la chose et de la personne.
Que des réalités passent du statut de "chose" au statut de "personne" n'est pas dramatique tant que cela n'ouvre pas la porte à l'inverse, à savoir l'entrée d'être humain dans la catégorie juridique des choses. En effet, si cela devait arriver, des êtres humains deviendraient entièrement disponibles à la puissance de personnes. Ce qui distingue une personne et une chose, c'est le rapport qui existe entre les deux : une chose est entièrement disponible à la personne tandis qu'une personne ne peut entièrement disposer d'une autre personne.

Dans une émission du 8 novembre 2014 sur France Culture, la philosophe Florence Burgat, auteur notamment d'un ouvrage en 2012 sur La condition animale et qui vient de publier un autre livre sur Violence et non-violence sur les animaux en Inde, s'étonne qu'on ne progresse pas davantage puisque nous devons prendre acte de la capacité de conscience des animaux, ceux-ci non seulement souffrant mais encore ayant des émotions, du chagrin, du stress, de l'angoisse, etc.

Mais cela renvoie à la part d'arbitraire que contient la règle juridique, toujours brutale puisque générale et abstraite, par rapport à la finesse et à la diversité de la réalité que le droit absorbe avec violence dans ses catégories. Le droit est certes poreux à la réalité dont il se saisit, mais il a aussi sa propre logique.

Admettons que le droit prenne acte non seulement de l'aptitude concrète à la sensibilité, mais encore de l'aptitude concrète à la conscience de bien des animaux, car il devra alors scinder parmi la catégorie jusqu'ici globale de la faune les animaux ainsi dotés et auxquels un régime spécifique s'appliquerait et les autres, l'exception de la tauromachie ayant sans doute du mal à demeurer, si c'est le critère même de la conscience qui s'attache à l'animal, alors l'on voit mal comment l'animal n'accéderait pas au statut de personne juridique.

C'est déjà le cas dans des systèmes juridiques, à travers la catégorie des "sujets de droit non-humain" dont les dauphins font partie.

Le danger tient alors dans la porosité des deux catégories, car si le chemin peut être fait de l'un vers l'autre, il pourrait  être fait de l'autre vers l'un. Ainsi, la philosophe s'émeut des conditions dans lesquelles des vaches sont élevées, réduites à être des "machines à lait". Certes. S'émeut-on beaucoup des "machines à bébés" que sont beaucoup de mères-porteuses" dont les contrats posent qu'elles n'existent pas, puisque les contractants affirment sans frémir que l'enfant n'a pas de mère et qu'une fée leur a donné l'enfant ?

La sensibilité et l'anthropomorphisme expliquent cette évolution sociale et juridique au bénéfice des animaux. Ne produit-elle pas en même temps le chemin que l'on parcourt avec le même allant en sens inverse au détriment des femmes ?

9 novembre 2014

Blog

Vient de sortir le nouveau tome des Archives de Philosophie du Droit.

Il est consacré à La famille en mutation.

Lorsqu'on apprend la sortie d'un livre sur la famille, l'on songe à la phrase célèbre Quoi de neuf ? Molière.

En effet, le droit de la famille paraît le coeur du droit, celui qui est souvent présenté comme le plus facile, puisque le plus familier, parfois appris dès la première année des études de droit. Il y eut toujours un droit de la famille, puisqu'il y eut toujours des familles.

Et de songer au "pilier" que la famille représente et dans la société et dans le droit, tel que cela transparaît dans Flexible droit pour celui qui réécrit dans le Code civil les articles techniques d'un droit qu'il a voulu le plus proche possible des façons de faire de chacun et leur laissant place.

Pourtant le nouveau Volume des Archives de Philosophie du Droit montre que de la famille il reste peu et que le droit de la famille semble à son image du sable filant entre les doigts du législateur et du juge. Le maître du droit flexible craindrait en 1995 un droit "pulvérisé", l'on ne sait ce qu'il dirait aujourd'hui du droit de la famille.

Peut-être que l'impression de cette "mutation" est renforcée par le fait que de nombreuses contributions sont consacrées au contrat de maternité pour autrui, certains favorables, d'autres défavorables. La "mutation" est en tout cas marquée et chacun en prend acte. La question ouverte est de savoir si le droit continuera sur cette lancée-là.

9 novembre 2014

Blog

La Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) a rendu un arrêt le 4 mars 2014, Grande Stevens, affirmant qu'en matière financière, l'État italien ne peut pour un même fait infliger à une personne et une sanction pénale et une sanction administrative.

Le Conseil constitutionnel vient de rendre une décision sur QPC le 24 octobre 2014, M. Stéphane R. et autres (Cour de discipline budgétaire et financière), concluant à la constitutionnalité d'un tel cumul. Par un arrêt du 23 juillet 2014, le Conseil d'État avait estimé que la question était suffisamment sérieuse pour qu'elle lui soit posée.

Les deux Considérants justifiant la solution la motivent ainsi :

Le premier pose "que le principe de nécessité des peine n'interdit pas au législateur de prévoir que certains faits puissent donner lieu à différentes qualifications ; que le principe de proportionnalité des peines ne fait pas obstacle à ce que, lorsque des faits peuvent recevoir plusieurs qualifications ayant un objet ou une finalité différents, le maximum des sanctions prononcées par la même juridiction ou autorité répressive puisse être plus sévère que pour des faits qui ne pourraient recevoir que l'une des ces qualifications ; que les sanctions prévues par les articles L.313-1, ..., du code des juridictions financières ne sont pas contraires aux principes de nécessité et de proportionnalité des peines".

Le second pose que "le principe de la nécessité des peines ne fait pas obstacle à ce que les mêmes faits commis par une même personne puissent faire l'objet de poursuites différentes aux fins de sanctions de nature disciplinaire ou pénale en application de corps de règles distinctes devant leurs propres ordres de juridictions".

Certes, le fait qu'il s'agit d'une des multiples ramifications de ce qu'il est convenu d'appeler L'affaire Tapie a peut-être joué. Mais les deux décisions de justice semblent bien en pleine contradiction. Décidément, les juges dialoguent de moins en moins ... S'il y a "bataille", qui restera sur le carreau ?

6 novembre 2014

Publications

On évoque parfois la "régulation" pour rendre admissible les convention de maternité pour autrui ("GPA").

Mais l'on ne peut leur appliquer le droit de la régulation. En effet, quelle que soit l'hypothèse, on ne peut réguler que des situations licites. Or, ces conventions sont atteintes d'une illicéité absolue, même si l'effet est remis dans un "don magnifique", car le corps des femmes est hors-commerce et les enfants ne sont pas des choses.

Cette nature est gardée par le droit. Celle-ci n'est pas entamée par les techniques de régulation, ni la régulation "éthique", ni la régulation ex ante par une réglementation et une autorité administrative, ni une régulation ex post par un juge. Les droits étrangers le montrent.

Là où le Législateur croit encadrer le mécanisme pour endiguer le trafic, en réalité il incite à la traite des mères et des enfants.

4 novembre 2014

Enseignements : Grandes Questions du Droit, Semestre d'Automne 2014

Techniquement, le contrat peut être vicié lors de sa formation par un vice subjectif du consentement (erreur, dol ou violence) ou par un vice objectif affectant l’objet ou la cause. La nullité frappe alors rétroactivement le contrat. Lorsque le vice affecte l’exécution du contrat, parce qu’il y a inexécution ou faute dans l’exécution, le droit y attache la résolution ou la responsabilité contractuelle, mais aussi de plus en plus l’exécution forcée. Interfère la nature de l’obligation, qu’elle soit de moyens ou de résultats. En outre, des clauses limitatives de responsabilités viennent aménager ex ante ses difficultés qui surviennent dans l’exécution. Le droit des contrats évolue, notamment en ce qu’il intègre désormais le droit constitutionnel et les droits fondamentaux.

 

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3 novembre 2014

Base Documentaire : 03. Décrets, réglements et arrêtés

 Le risque de non-conformité » est « le risque de sanction judiciaire, administrative ou disciplinaire, de perte financière significative ou d'atteinte à la réputation, qui naît du non-respect de dispositions propres aux activités bancaires et financières, qu'elles soient de nature législative ou réglementaire, nationales ou européennes directement applicables, ou qu'il s'agisse de normes professionnelles et déontologiques, ou d'instructions des dirigeants effectifs prises notamment en application des orientations de l'organe de surveillance ».

2 novembre 2014

Blog

Un peintre pratiquant le street art est connu pour peindre sur les murs et tous autres supports urbains des chats jaunes;

De gros, pacifiques et sympathiques chats jaunes.

Mais le statut juridique du street art est bien incertain. Or, tant qu'un phénomène n'est pas entré dans une catégorie établie par le système juridique, par la technique de la "qualification", le phénomène est comme en errance dans le système juridique.

Ainsi, là où la critique voit de l'art, parce que la locution utilise non seulement le mot art , mais encore le mot street , le droit s'accroche à ce terme-ci, pour qualifier le fait comme une dégradation.

Cela ne dérange guère les artistes, indifférents au fait que leur "travail", "oeuvre", "chose", soit effacé. L'éphémère est le lot du street art. Cela chagrine davantage les municipalités ou les entreprises qui supportent le coût du nettoyage.

C'est pourquoi la RATP en a eu assez de payer (et de devoir répercuter sur le coût du billet ou le montant des subventions publiques) les nettoyages. Elle est donc à l'origine des poursuites pénales contre celui-ci qui a dessiné ces gros chats jaunes sur les murs du métro parisien.

Lorsque le Tribunal correctionnel de Paris a déclaré par jugement du 29 octobre 2014 ces poursuites irrecevables, pour vice de procédure, il a reçu l'approbation publique.

Pourquoi ?

Sans doute parce que l'artiste est célèbre et ses chats par ailleurs exposés dans des galeries. Mais aussi parce que le chat est en train de devenir un animal "intouchable", animal préféré d'Internet, Internet sur lequel les internautes trouvent "évidente" la reconnaissance en train de se faire de l'animal comme "être sensible" par une loi nouvelle.

1 novembre 2014

Blog

Le nazisme reste un mystère. Les ouvrages se déversent pour essayer de comprendre.

Notamment de comprendre la part que tant de phénomènes y prirent, par exemple le capitalisme, la culture occidentale elle-même, le nationalisme, la misère, l'humiliation, le Traité de Versailles, le charisme d'Hitler, etc.

Le droit y a aussi sa part.

Carl Schmidt n'a pas compté pour peu dans l'élaboration de la doctrine nazie, pensant le droit comme expression de la pensée, ce contre quoi Kelsen bâtit la théorie du "droit pur", qui met le droit en autonomie du politique et n'en est pas la forme.

Cette dimension juridique du nazisme, dans sa conception tout d'abord, dans sa mise en oeuvre ensuite, est essentielle. En effet, le système nazi était un système légaliste, l'efficacité passe par une multitude de textes et par des méthodes dont la juridicité ne fait pas de doute.

Cela peut paraître paradoxal, voire contrariant, puisque le nazisme est souvent présenté comme l'horreur et la brutalité absolues, c'est-à-dire ce à quoi le droit s'oppose "par nature". En effet, il est courant de définir le droit comme ce qui est doté d'une "force" qui s'oppose à la "force" : la force qui arrête la force. Ils sont en opposition absolue.

Pourtant, non seulement ils ont historiquement fait fort "bon ménage", législateur, juges et professeurs de droit offrant massivement leur service technique. Mais le lien entre nazisme et droit est plus intime encore et instruit sur les risque que le goût pour le droit comprend.

C'est notamment en cela le livre qui vient de sortir, La loi du sang. Penser et agir en nazi, mérite d'être lu.

Ecouter la présentation qui en a été faite sur France Culture le 20 octobre 2014.