Nov. 25, 2015
Teachings : The person between law and economy
"Le fœtus, le bébé, l’adolescent, le vieillard" : une liste.
A partir de cette observation, commençons à nous poser quelques questions.
Nov. 5, 2015
Teachings : The person between law and economy
La peau. Titre d'un livre de Malaparte, qui décrit la marque de la Guerre à la fin de celle-ci. L'horreur de la guerre marqué à fer guerre sur la peau, titre agressif et impudique, reproche en tant que tel : comment avez-vous pu laisser les êtres humains dans cet état, seul et sans défense, avec leur seul peau, plus même que l'on évoque leur ossature (la peau et les os), non seulement la peau.
Pourtant le mouvement philosophique qu'est le dandysme attaque une grande attention à cet objet qu'est la peau, la poudre, l'observe, apprend mille manières dans l'art par lequel les peaux se frôlent dans les menuets et autres manières de salons. La peau, c'est l'art des villes au regard des viriles ossatures des faucheurs des campagnes.
Ainsi, lorsqu'on réfléchit sur la peau et ses plis, reprenant les réflexions du juriste Leibniz, l'on est confronté à autant de paradoxes que de retournements. C'est un sujet que l'on ose toucher, car la peau est un sujet intouchable. Sans doute parce que la peau est une réalité si importante pour l'être humain qu'elle n'est l'objet de presque aucune étude juridique, la pensée occidentale dans sa mise à distance du corps rejetant au loin la peau alors que celle-ci est ce par moi la personne se donne à voir en premier, ce par quoi l'on perçoit son âge, ce que l'on appelle souvent sa "race", etc. Plus un élément est important et plus il est convenu qu'on le taise.
Mais le Droit traduit dans ses principes et dans ses cas, par exemple ce que l'on a appelé la "greffe de visage" alors qu'il ne s'agissait que d'une greffe de peau, les contradictions et l'attention que chacun a sa peau : "que chacune sauve sa peau !", s'exclamera l'égoïste. Pourtant, la société elle-même est concernée par la peau, qui devient collective si l'on se met à revendiquer la "peau noire" comme marque d'identité : l'identité, quoi de plus juridique ? En cela, la peau est un élément par lequel la personne s'exprime (I). Mais cette façon de s'exprimer ne cesse d'évoluer. La peau est aussi une si belle chose, ce par quoi l'être humain apparait, en lui-même mais aussi paré de la peau des autres, fourrures et peaux animales précieuses. De la valeur économique des peaux aussi, le Droit se mêle (II).
Oct. 14, 2015
Teachings : The person between law and economy
Les systèmes de Civil Law sont construits sur des distinctions de base, selon la technique de la summa divisio. Chaque terme en est défini d'une façon abstraite et la technique de l'opposition est à la base de tout le système. Cette méthodologie des systèmes de Civil Law les oppose aux systèmes de Common Law qui accumule des solutions concrètes à des difficultés et questions concrètes, les juges à l'occasion ou la doctrine (qui n'est pas nécessairement universitaire) dégageant de cet humus des principes explicatifs ou corseteurs.
Parmi les oppositions majeures qui forment l'ossature du système juridique romano-germanique, figure la distinction de base entre les personnes et les choses, les personnes étant "sujets de droits" et les choses étant "objets de droit". Mais cette distinction est aujourd'hui très incertaine. En effet, la notion de "personne" paraît artificielle, créée par le droit et donc disponible. En effet, est une "personne" ce qui est désigné par le droit comme un "titulaire de droits et d'obligations" (sujet de droits), comme peut l'être tout groupe accédant à la personnalité morale. Il est vrai que le droit va essayer de dépasser cette abstraction pour rapprocher cette notion de personne des êtres humains concrets qui sont jeunes ou vieux, hommes ou femmes, malades, etc. Mais on en reste à la distinction. Or, il est si efficace d'être une "personne", ne serait-ce que pour disposer des phénomènes qui sont mis par le droit dans la catégorie "chose" qu'il y a aujourd'hui de multiples prétendants pour accéder au statut juridique de personne. C'est le cas des animaux, ayant déjà gravi l'échelon de "l'être sensible", mais aussi la nature, les organisations étant depuis très longtemps des personnes morales (États, entreprises, etc.). Paradoxalement, c'est l'être humain qui fait les frais de cette évolution qui brouille pour l'instant la distinction entre les personnes et les choses, sans arriver à la remplacer par une nouvelle. En effet, l'être humain n'apparaît que très difficilement comme une catégorie autonome et suffisante du droit. Le masque de la personnalité étant tombé, le corps humain apparaît et sont remis en cause l'identité puisque l'apparence devient un critère, pour être aussitôt contestée au titre de l'identité sexuelle. En outre, la personne cessant d'être son corps, le droit se la représente comme ayant un corps, lequel devient une chose, dont elle dispose à volonté. Il s'agit tout d'abord de sa volonté, la personne disposant de son corps comme elle le veut. Puis, son corps, distancié d'elle-même, devient disponible, dès l'instant que la personne y consent (le consentement n'étant pas une notion assimilable à la volonté). Le corps se "décompose". Non seulement son fonctionnement devient une "prestation", la maternité devenant cessible, mais l'identité même se pulvérise devient un amas de "données" que le Droit tente de protéger. Dès l'instant que la Personne se pulvérise, autrui peut alors en disposer par le consentement qu'en fait le "titulaire du corps". Le marché des corps, des prestations corporelles et des données s'organise ainsi. Les enjeux de l'avenir de ce qui fût la distinction entre les personnes et les choses sont donc cruciaux.
Consulter les slides sur le thème.
Oct. 7, 2015
Teachings : The person between law and economy
Le mot "valeur" est amphibologique. En droit, il montre la proximité de celui-ci avec la morale : évoquant les "valeurs" du droit, on se réfère le plus souvent à ce qui en forme les principes fondamentaux, dont le caractère essentiel justifie qu'on n'ait même plus à les justifier. Ainsi, tout être humain est une personne. En tant que telle, elle a une valeur égale à celle d'une autre personne. En tant que telle, corrélativement et inversement, elle a une valeur incommensurable avec tout ce qui n'est pas une personnes, les choses et les biens, qui "valent" toujours moins d'une personne. Tout vaut moins qu'une personne.
Une fois cela dit, ces belles affirmations principielles dites, l'être humain qui constitue par sa seule existence une personne n'est pas désincarnée. Ainsi et par exemple, elle travaille. Selon la pensée anglaise, c'est même par son travail qu'elle est libre. Les prestations qu'elle assure lui seraient donc à ce titre indissociable. D'autres observent que la personne qui travaille, le "travailleur", est certes une personne, mais elle offre sa "force de travail" sur un espace : le "marché du travail" sur lequel des demandeurs - les entreprises, les employeurs, les exploiteurs - peuvent puiser dans cette force collective rendue disponible par ces offreurs.
Plus encore, alors que l'entreprise était définie classiquement comme un groupe de personnes ayant un projet pour la réalisation duquel elles se réunissent (entrepreneurs), la conception actuelle représente l'entreprise plus volontiers comme un "nœud de contrats" ou comme une réunion d' "actifs" (assets) : le capital financier et le "capital humain". Les personnes qui apportent leur talent, leur temps, leur énergie, etc. sont des actifs de l'entreprise, laquelle est elle-même un actif, côté.
Nul ne conteste que l'entreprise ait une "valeur", c'est-à-dire un chiffre, un nombre, résultant d'une "évaluation" de ce qu'elle représente pour les autres, ceux qui veulent potentiellement l'acheter, c'est-à-dire pour le marché lui-même. En effet, les mots "valeur" et "évaluation" et "valorisation" appartiennent à la même famille sémantique.
C'est ainsi que l'on est passé de la morale pure à la finance pure.
Aujourd'hui, c'est autour du désir, de la volonté et du consentement que la question de la valeur de la personne se réorganise. Par exemple en matière de pratique de maternité de substitution (GPA).
Sept. 30, 2015
Teachings : The person between law and economy
Le Droit n'est pas le reflet de la réalité concret dans sa diversité et la multitude de ses situations. Par nature, il les subsume dans ces catégories qu'il pose a priori, même s'il peut être adéquat qu'il y ait correspondance entre le contours des mécanismes juridiques et cette réalité multiples, faites de mille points et changeantes.
Ainsi le droit a construit la summa divisio de la Personne et des choses.
Cela signifie que toutes réalités doivent être soit l'une, soit les autres. Les droits n'ont pas à entrer dans ces deux catégories puisqu'ils sont eux-mêmes des inventions juridiques, nés dans l'ordre du Droit, ne se mouvant pas dans l'ordre des réalités a-juridiques.
C'est pourquoi les animaux ont du mal à trouver leur place dans cette summa divisio. Il est possible que l'inconfort de la subsomption soit devenue telle qu'il est peut-être temps de remettre en cause la summa divisio et de donner à l'animal accès à une catégorie juridique qui lui soit propre, ce qui implique un régime juridique qui lui soit propre.
Pour l'instant on ne le fait pas. En effet, si le Législateur français a affirmé que les animaux sont des "êtres sensibles", cela n'a pas de conséquences puisque c'est pour immédiatement rappeler que le régime juridique des choses corporelles leur est applicable. On en reste à l'état du droit où les animaux, petits chatons mignons ou araignées vénéneuses, sont soumis aux mêmes règles en droit français. Ce n'est pas qu'on puisse les traiter comme un objet. En cela, la pétition "Les chats ne sont pas de chaises" reposait sciemment sur une inexactitude juridique : depuis des décennies, l'animal est protégé des traitements barbares et des souffrances inutiles. C'est un délit que d'infliger de tels traitements. Mais cela n'en fait pas une Personne, titulaire de droits et d'obligations. D'autres systèmes juridiques ont franchi le pas, en conférant à certaines espèces, le dauphin par exemple, le statut de "personne non-humaine". Il n'est pas impossible que la corrida soit dans un jour prochain remise en cause.
Cette évolution peut produire un effet pervers. En psychologie sociale, l'attachement de plus en plus fort aux animaux dit "familiers"ou d'une façon plus juridique l'adhésion aujourd'hui assez fréquente aux idées antispécistes font accorder un intérêt avec anthropomorphisme, à moins que l'être humain ne soit lui-même considéré comme un animal ordinaire. Cela favorise alors la réification des êtres humains car, sauf à trouver les critères de la catégorie tierce et unifiée dotée d'un régime juridique qui serait "l'animal", soit l'animal devient une personne (avec des droits et des obligations - avec un patrimoine pour en répondre), soit l'être humain devient disponible pour que son corps tombe dans le régime des "choses disponibles", la conception occidentale du corps y ayant logé l'animalité.
Sept. 9, 2015
Teachings : The person between law and economy
Le droit est un système posé les êtres humains, qui édictent des règles et les appliquent : il est "artificiel". Les êtres humains sont des êtres biologiques, qui naissent, e développent et meurent, dans un continuum avec les autres espèces qui peuplent la terre.
Si l'on prend la notion de "personne", la première question à se poser est de savoir si elle relève de l'ordre de la "nature", c'est-à-dire du fait, ou de l'ordre de la construction, la personne étant alors une "invention juridique". A ce titre, la "personnalité" ne serait pas vraiment différente qu'il s'agisse de la personnalité attachée aux êtres humains ou de la personnalité attachée aux organisations, comme l'État ou les sociétés commerciales. La dispute autour de la réalité ou de la fiction des personnes morales présume trop aisément la naturalité des personnes civiles ...
Mais si l'on va au fondamental, l'on observe la personne se définit dans l'ordre du droit en ce qu'elle est un "sujet de droit", c'est-à-dire un titulaire de droits et d'obligations. Cette titularité est-elle "imputée" par la puissance du droit, de sorte que ce qui a été offert par le droit peut être retiré par celui-ci ? Cela signifie que la personne est non seulement une invention, mais encore une invention proprement juridique, dont le siège est en Occident.
Si par ailleurs, l'on affirme que la personnalité est une invention, mais qu'il s'agit d'une invention politique, l'on pourrait soutenir qu'il s'agit d'une invention insécable de l'être humain. Si l'être humain n'est pas naturellement une personne, nul ne pourrait ôter à l'être humain cette seconde nature que lui confère la personnalité. En cela, la personnalité signerait que tout être humain est d'une façon égale un être de culture, que ce masque de culture, nul ne peut l'arracher à l'être humain.
Il ne s'agit pas d'une dispute vaine, même s'il s'agit d'une discussion théorique. En effet, si le masque de la personnalité devient détachable de la personne, alors celle-ci peut être "dégradée" en autre chose. C'est pourquoi les procureurs et juges du Procès de Nuremberg ont posé que l'enjeu de ce procès était de restaurer la notion juridique de personne que le nazisme avait foulée.
Intervenant extérieur : Olivier Meyer
June 17, 2015
Teachings : The person between law and economy
La "personne" n'est pas une notion immédiate. C'est une idée construite par l'Occident, par la pensée occidentale qui l'a inscrite dans le Droit. Aujourd'hui et sans doute pour la première fois, cette idée est remise en cause. Par la technologie et par l'économie.
C'est l'un des plus grands bouleversements de société, voire de civilisation, qui est à l'oeuvre, peut-être le plus grand.
Il faut le mesurer. Il faut en penser quelque chose, tout un chacun.
1ière séance (2 septembre) : méthodologie
2ième séance (9 septembre) : naturalité ou artificialité de la notion de personne
3ième séance (30 septembre) : l’animal comme personne
4ième séance (7 septembre) : la valeur de la personne
5ième séance (7octobre) : la personne est-elle une notion sacrée ?
6ième séance (14 octobre) : la summa divisio des personnes et des choses
7ième séance (28 octobre) : la peau
8ième séance (4 novembre) : le robot
9ième séance (18 novembre) : l’homme et la femme
10ième séance (25 novembre) : le fœtus, le bébé, l’adolescent, le vieillard
11 séance (30 novembre) : le mort
12ième séance : contrôle final sur table