June 22, 2021

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🚧 The Judge-Judged ; articulating words and things in the face of the challenging conflict of interests born by Compliance Law

by Marie-Anne Frison-Roche

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Full Reference: Frison-Roche, M.-A., The Judge-Judge ; articulating words and things in the face of the challenging conflict of interest born by Compliance Law, Working Paper, June 22, 2022.

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🎤 This Working Paper had been made to prepare a conference (done in French).

This conference took place in the Academic Colloquium, L'entreprise instituée Procureur et Juge d'elle-même par le Droit de la Compliance, in Lyon, the 23rd  June 2021.

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📝this Working Paper is the basis of an article to be published 

📕 in its French version in the book La juridictionnalisation de la Compliance, in the Series 📚 Régulations & Compliance

📘 in its English version in the book  Compliance Juridictionnalisation, in the Series 📚 Compliance & Regulation

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► Working Paper Summary: Puisque le thème de cette réflexion générale sur L'entreprise instituée Juge et Procureur d'elle-même par le Droit de la Compliance porte sur un ensemble d'autres réflexions soucieuses de l’ajustement des mots et des choses, la façon dont le rapport entre les uns et les autres évoluent, ce travail va porter sur la question de savoir si cette évolution est radicale ou pas, lorsqu'on parle de "juge".

Car, "juger" c'est un mot que le Droit a disputé à d'autres discipline!footnote-2090s, mais qu'il s'est approprié pour non pas tant avoir davantage de pouvoirs, par exemple celui de surveiller et de punir, mais au contraire s'imposer des limites, puisqu'à celui qui juge il a mis aux pieds les chaines de la procédure, ce qui rend supportable pour l'autre un tel pouvoir exercé!footnote-2091. C'est pourquoi ceux qui veulent le pouvoir de juger voudraient souvent n'en avoir pas le titre, car avoir de jure  le titre de juge c'est être soumis au régime corrélé, c'est se soumettre à l'exactitude procédurale.

Le Droit repère qui juge et oblige ce si-puissant à la procédure. Mais il a aussi le pouvoir d'instituer juge et tous les personnages du procès. Il le fait d'ordinaire avec clarté en distinguant les uns des choses. C'est si important que ce conseil a valeur constitutionnelle. Ainsi, non seulement celui qui juge doit être nommé ainsi mais l'appareillage procédurale qui va avec le personnage et qui constitue à la façon une façon de faire et des droits fondamentaux, ne sont pas "concédés" par bonté ou dans un second temps : c'est un bloc. Si l'on ne voulait pas avoir à supporter les droits processuels, il ne fallait vouloir être juge. Certes on pu en conclure que la procédure serait donc devenue "substantielle" ; par cette élévation, il s'agit plutôt de dire que la procédure ne serait plus une "matière servante": c'est une sorte de déclaration d'amour pour la procédure, tant qu'on affirme qu'à l'acte de juger, d'enquêter ou de poursuivre, sont "naturellement" attachées les droits pour celui qui risque d'en être l'objet.

Le Droit de la Compliance, à la recherche d'alliés pour atteindre les Buts Monumentaux pour l'atteinte desquels il a été institué, va requérir, voire exiger d'entreprises privées qu'elle aillent elles-mêmes rechercher, c'est-à-dire enquêter, des faits susceptibles de lui être reprochés. Le Droit de la Compliance va aussi exiger qu'elles poursuivent les personnes ayant commis ces faits. Il va encore exiger qu'elles sanctionnent les faits que des personnes ont commis en son nom.

On le comprend bien du point de vue de l'efficacité Ex Ante. La confusion est souvent très efficace. Par exemple il est plus efficace que celui qui poursuit soit aussi celui qui instruise et qui juge, puisqu'il connait bien le dossier. D'ailleurs il est plus efficace qu'il prenne aussi les règles, ainsi il connait mieux que quiconque "l'esprit" des textes. Cela fut souvent souligné en Droit de la Régulation.  Mais tout cela ne va pas de soi.

Pour deux raisons, l'une extérieur et l'autre intérieure. 

La première raison, extérieure, tient que l'on ne pourrait pas "nommer" juge qui ne l'est pas. Cela serait trop facile, car il suffirait alors de désigner quiconque, voire de le faire soi-même pour s'approprier le régime qui va avec, pouvoir notamment d'obtenir qu'autrui obéisse alors même qu'il n'est pas subordonné ou qu'il transmette des informations, alors même qu'il serait concurrent : il faudrait alors rappeler seul le juge pourrait se nommer juge ! et dans ce temps nouveau, voilà que des entreprises seraient juges, procureurs, enquêteurs ! Les temps seraient donc si graves et en si grand désordre qu'il faudrait en revenir à cette tautologie là... !footnote-2092 Mais sommes-nous dans une telle radicalité ? D'ailleurs, les juges ont-ils "l'apanage" du jugement et le Droit n'admet-il pas cela depuis longtemps ? Dès l'instant que la procédure est là en Ex Ante et le contrôle du juge en Ex Post ?  

La seconde raison, interne à l'entreprise, tient à ce que l'entreprise enquête sur elle-même, se juge elle-même, se sanctionne elle-même. Or, la personne morale n'exprimant sa volonté qu'à travers soit ses organes, l'on souligne en pratique les difficultés pour un même être humain de formuler des griefs, en tant qu'il est le mandataire de la personne morale, à la personne physique qu'il est lui-même. Les deux intérêts des deux ne sont pas les mêmes, sont souvent opposés, et comment les secrets de l'un peuvent être tenus à l'égard de l'autre. C'est tout le mystère, voire l'artifice de la personnalité morale qui apparaît et l'on comprend mieux que le Droit de la Compliance ne veut plus utiliser cette notion étrange. Car toues les règles de procédure ne peuvent masquer que se poursuivre soi-même n'a pas plus de sens que de contracter avec soi-même. Ce conflit d'intérêts est impossible à résoudre car nommer un même individu x puis le nommer y, en déclarant ouverte la dispute entre eux n'a pas de sens. 

Ce dualisme impossible à admettre dès l'instant qu'il s'agit de faire jouer ces fonctions à l'égard des mandataires sociaux peut retrouver vie en instituant des tiers de confiance qui vont porter les secrets et les oppositions.  Par exemple par la désignation de deux avocats distincts par l'être humain mandataire et l'être humain dirigeant, chaque avocat pouvant avoir des secrets l'un pour l'autre et s'opposer l'un à l'autre. Ces espaces de reconstitution des oppositions si "naturelles" en procédure entre celui qui juge et celui qui est jugé peuvent aussi avoir prendre la forme technologique des plateformes : là où il n'y a plus personne, là où le process a remplacé la procédure, il n'y a plus non plus de jugement humain. L'on mesure ainsi que la crainte des conflits d'intérêts est si forte que l'on se résigne à dire que seule la machine serait "impartiale", dérisoire conception de l'impartialité contre laquelle il convient de lutter.

Cela permet alors d'aboutir à une dernière question : l'entreprise peut-elle prétendre exercer le pouvoir juridictionnel de poursuivre et de juger et d'enquêter sans même se prétendre ni procureur, ni juge d'instruction, ni tribunal ? L'avantage serait de pouvoir se soustraire au régime juridique que le Droit classique attache à ses mots-là, principalement les droits de la défense, les droits d'action et le principe de publicité de la justice.  Quand Facebook dit "réagir" à la décision du 5 mai 2021 adoptée par ce qui ne serait qu'un Oversight Board pour décider pourtant "en conséquence" une suspension de 2 ans du compte de Donald Trump, l'art des qualifications semble être utilisé afin d'éviter toute contrainte de régime.  Mais cet art de l'euphémisme est bien ancien. Ainsi les Etats, lorsqu'ils voulurent accroître la répression, présentèrent la transformation du système comme un adoucissement de celui-ci à travers la "dépénalisation" du Droit économique, transféré des tribunaux correctionnels aux AAI. L'efficacité en fût grandement accrue, puisque les garanties de la procédure pénales ont cessé de s'appliquer. Mais 20 ans plus tard, les mots retrouvèrent leur chemin vers les choses : sous le Droit pénal, dormait la "matière pénale", qui requière la même "impartialité". Un juge un jour l'affirma et tout fut changé. Attendons donc ce qu'en diront les Cours, puisqu'elles sont les maîtres des qualifications, comme le dit l'article 12 du Code de procédure civil, qu'écrivit Motulsky. 

1

Archives de Philosophie du Droit, Le jugement, ...

Kant, etc.

2

La procédure est ainsi ce qui fonde le procès de Nuremberg, lui-même berceau de la Justice internationale, alors même que l'Ordre juridique international n'existe pas. 

3

Confucius affirmait que la seule mais suffisante façon de rappeler l'ordre dans le Royaume est de nommer "mère" la mère et "fils" le fils.

Pour traiter ce sujet, il convient de rappeler préalablement six éléments. Qui sont simples et dont, pour certains, il convient de ne pas dévier. Sauf à changer de système juridique et peut-être faut-il le faire. L'accumulation des réglementations et des cas divers parfois nous masque la simplicité de ces éléments. C'est sans doute là le plus grand danger : perdre de vue ces éléments, que peut-être les réglementateurs n'ont jamais eu en tête mais que les juges gardent et que le Droit, dans sa simplicité, conserve.

Le premier est la définition du Droit lui-même.

Puis 3 de ses principes ont trait à la procédure et à l'office du juge. Et là encore, sauf à renoncer à l'idée même d' "Etat de Droit", ne faut-il pas changer de principes. 

Enfin 2 ont trait à la personnalité morale, dans son rapport à l'entreprise. Et là sans doute, faut-il changer de principe, ou si l'on ne trouve pas d'autre principe remplaçant celui-là, faut-il trouver une solution praticable.

Or, lorsqu'on demande à une entreprise de devenir juge et procureur d'elle-même et des autres, l'on mêle les mécanismes. Cela peut bien fonctionner car les branches du Droit (art pratique) sont conçues pour s'articuler en pratique entre elles. Mais cela peut aussi ne pas bien fonctionner si ces différents principes, pourtant si anciens sont contraires. Les principes liés à la personnalité morale sont d'ailleurs beaucoup récent que ceux liés à la nature du Droit et à la procédure dans son rapport à l'activité de juger. Si l'ajustement des six principes ne fonctionne pas bien, l'on peut faire comme si les principes n'existaient pas et résoudre les difficultés au cas par cas en attendant la difficulté ponctuelle de demain pour prendre une réglementation ponctuelle demain.

C'est sans doute ce que l'on est en train de faire. Sans doute est-ce relativement peu satisfaisant pour l'esprit et peu efficace en pratique.

Soit on regarde en face les principes, leur formulation simple, la difficulté fondamentale à leur articulation et des solutions de principe qu'il faut énoncer. 

En premier lieu, reprenons le principe qui exprime ce qu'est le Droit lui-même. Puis les trois principes  sur la façon "naturelle" de l'exercer". Puis ce que l'on dit depuis la fin du XIXième siècle sur la "personne morale"(➡️📔!footnote-2108). 

🔴 En premier lieu, reprenons le principe qui exprime ce qu'est le Droit lui-même dans un système démocratique. Dans un Etat de Droit, c'est le Droit qui dispose des mots et fait le lien entre les mots et les activités, ce ne sont pas les personnes qui, souverainement, auraient le pouvoir de dire "je suis juge", pas plus qu'elles auraient le pouvoir de dire "je ne suis pas juge"(➡️📔!footnote-2109).

🔴 En deuxième lieu, prenons les trois principes suivant qui tiennent à l'activité de juger avec les mécanismes procéduraux. Tout d'abord, il convient de rappeler que toute "façon de faire", c'est-à-dire la "procédure"(➡️📔!footnote-2104) a pour fonction  de bénéficie, soit celui qui juge, soit celui qui est jugé. Parfois les deux, parfois pas.

🔴 Ensuite, il convient de rappeler que la procédure fait bloc avec l'activité de juge, ce ne sont pas les entités, si puissantes de fait soient-elles qui en décident, qu'elles soient les parties impliquées ou qu'elles soient la personne qui juge.  La procédure et l'activité de juge "fait bloc".

🔴 Enfin, il convient de rappeler qu'au cœur de tout dispositif procédural, demeure en permanence et en préalable le principe de l'Impartialité. Si celui qui juge n'est pas effectivement impartial, alors rien n'a de sens, la procédure n'étant qu'une mascarade et toute l'activité de jugement perd de droit toute pertinence et toute légitimité.

🔴 Passons en troisième lieu au principe de la "personnalité morale"; En troisième lieu, il convient de rappeler que "l'invention" de la personnalité morale que l'on retourne dans tous les sens, pour savoir si c'est une réalité ou une fiction, un instrument institué par l'entreprise, etc., complique, voire mène dans l'impasse : car si l'on "croit" le Droit en posant que l'entreprise ou la personne morale existe de jure , elle est donc distincte des personnes qu'elle poursuit, soit une personne morale, même si elle la contrôle entièrement (sa filiale à 100%), soit une personne physique, même si celle-ci est son mandataire. Mais nul n'a jamais compris ce qu'était une personne morale.... Les milliers de pages n'éclaircissent pas ce mystère, sauf à dire que ce n'est qu'un "instrument". Mais le Droit de la Compliance qui se méfie de tout ce qui paraît "artificiel" va tout au plus écarter la personnalité morale .... 

🔴 Or, et c'est là où la violence du heurt entre les principes se referme, si le Droit écarte la personnalité morale, ce que fait le Droit de la Compliance d'une façon quasi-systématique, alors il faut bien dire que l'on se pourchasse soi-même, qu'on se réprimande soi-même et qu'on se condamne soi-même. Cela est concevable, mais pas dans l'ordre du Droit : c'est dans l'ordre de la Morale où l'on se condamne soi-même d'avoir "mal fait" et que, saisi de remords, l'on promet de ne plus recommencer, "promis, juré, craché, si je mens je vais en enfer". L'on trouve de nombreuses traces de cela dans les engagements et points de contact avec l'éthique des affaires. La question est alors : cet élan moral est-ce crédible ?

Et plus encore, la personne morale qui jure ses grands dieux que jamais non jamais elle ne recommencera pas, comment fait-elle pour se poursuivre elle-même si l'Impartialité est par définition le cœur indissociable de la procédure elle-même indissociable de l'activité de juger ?

L'on commence à penser que tout cela ne serait soit que pure morale (et donc le Droit n'aurait rien à y faire, ce que disent souvent ceux qui conseillent les entreprises) soit que pur mensonge (et à écouter les juges, les procureurs ou les autorités de régulation et de supervision, c'est un soupçon de "pur discours" contre lequel les entreprises ne pourraient pas lutter).

C'est donc l'objet même de ce travail de trouver comme faire pour trouver une voie entre les deux.

En développant tout d'abord un peu plus les principes sur lesquels cette étude repose.

 

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I. PENSER A TRAVERS DES PRINCIPES LA PRATIQUE DE L'ENTREPRISE INSTITUEE COMME JUGE ET PROCUREUR D'ELLE-MEME PAR LE DROIT DE LA COMPLIANCE 

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A. PREMIER PRINCIPE LIE A LA NATURE DU DROIT DANS UN ETAT DE DROIT : LE DROIT, MAITRE DES MOTS

C'est le Droit qui dispose des mots, pas les sujets de droit

C'est le même auteur qui, dans ce qu'il désignait comme un "projet global"(➡️🎤!footnote-2110),  publia Les mots et les choses (➡️📔!footnote-2097), puis Surveiller et punir(➡️📔footnote-2098). Et l'on souligne souvent par ailleurs que le Droit tient son pouvoir sur le monde, et son autonomie par rapport à celui-ci, en ce qu'il institue des "actes de langage(➡️📔!footnote-2102), c'est-à-dire qu'il fabrique des mots et des phrases qui constituent des réalités qui n'existaient pas avant et qui, à l'instant même, s'insèrent dans le monde. Par exemple, en disant "La séance est ouverte", si celui-ci qui le dit a été institué par le Droit, alors la séance s'ouvre et ce qui y sera dit aura une portée juridique.

C'est pourquoi ce même auteur, dans sa leçon inaugurale sur L'ordre du discours (➡️📔!footnote-2099) , considère que le Droit n'est pas de l'ordre de la vérité, diffère en cela du discours scientifique qui a pour souci de l'atteindre, mais, comme le discours politique, pose son empreinte dans la Cité pour y établir l'ordre et le juste. Les mots qu'il choisit sont donc autonome du réel, car ils n'appartiennent pas au même ordre que le discours scientifique. Il est vrai que de très nombreux auteurs ont, avant ou après, écrit sur cela. Mais pas aussi clairement que ne l'a fait Michel Foucault. 

Il ne faut d'ailleurs pas se délecter de trop d'érudition, ni se perdre dans celle-ci. L'essentiel que le monde entre dans une grande confusion (➡️📝!footnote-2095) si l'on ne peut s'assurer que ce "jeu", au sens où il y a effectivement des "marges" entre le mot exact qui décrit une activité, par exemple celle de demander des comptes ("poursuivre"), celle d'apprécier ("juger"), celle de punir ("réprimer"), et les mots qui décrivent dans l'ordre du Droit ceux qui les exercent (Procureur et Juge) sont trop grandes. 

Si l'on regarde les cas concrets, la difficulté vient lorsque l'on "joue sur les mots". Car il y a tant de pouvoir dans le lien qui est fait entre les mots et les choses. Ce jeu de mots (➡️📝!footnote-2093) peut aller dans les deux sens. Soit que des personnes exercent  une activité qui appelle un mot mais qu'elles n'utilisent pas celui-ci pour échapper aux conséquences ; soit que des personnes se drapent dans un mot, alors qu'elles n'exercent pas l'activité auquel renvoie ce mot.

Dans ce jeu de pouvoir, il s'agit dans le premier cas d'échapper à la contrainte que l'exact rapprochement du mot et à la chose engendre. Par exemple par ce que la puissance du juge est entravé par les droits de la défense, celui qui exerce la puissance de juger affirmera qu'il n'est pas "juge", afin de n'être pas contraint par la procédure. Le Droit peut-il admettre cette soustraction ?

Non. Car si l'acte de juger est bien distinct de la procédure qui le précédé, il ne peut pas être pris sans avoir été précédé par celle-ci (➡️📔!footnote-2096).  Car les marges que le Droit admet dans l'usage des mots et le pouvoir de ne pas en utiliser exclut qu'on ait l'activité de juger sans utiliser ce mot avant de ne pas suivre la procédure qui doit entourer cet acte de puissance.

 

B. DEUXIEME JEU DE PRINCIPES TENANT AU RAPPORT ENTRE L'ACTIVITE DE JUGER ET LA PROCEDURE DANS UN ETAT DE DROIT

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1. La procédure comme instrument couplé du bien-jugé et comme protection des personnes jugées 

L'on distingue parmi ces règles de procédure celles-ci qui bénéficient à la fois aux parties et à celui qui juge, en ce qu'il est éclairé dans son exercice de jugement - notamment le mécanisme du "contradictoire"(➡️📔!footnote-2103) et ceux qui sont des privilèges des droits fondamentaux des personnes, notamment les "droits de la défense", qui peuvent aller à l'encontre de l'efficacité de l'activité de jugement. Les deux se croisent souvent mais parfois pas.

En fonction de la conception que l'on a de la procédure, dans ce triangle constitué par le procès, dont la base est constituée par les parties et le sommet par le juge, l'on fera prévaloir ce qui profite aux trois à travers la prévalence du principe du contradictoire associée à une puissance procédurale étendue d'un juge actif, soit l'on considérera que le procès continue d'être guidé par le principe dispositif et dans la bataille entre les parties ce sont les droits des personnes qui prévalent sans souci de l'effet éventuellement entravant sur le juge.

En Droit processuel, la conception de l'efficacité conduit à articuler un juge puissant qui organe et mène un débat, notamment probatoire, qui l'instruit. Cette conception motulskienne qui associe un office inquisitoire du juge avec le principe du contradictoire. 

Dans le second cas, symétrique, l'on passe du silence à l'excès de parole. En effet, dans ce qui apparaît comme une confusion, le Droit de la Compliance va exiger des entreprises qu'elles agissent sur des personnes "dont elles font elles-mêmes répondre", même si elles n'ont pas de liens directs avec elles. 

 

2. Dans un Etat de Droit, en cas d'opposition entre les deux fonctions, dans un Etat de droit, la protection de la personne implique l'emporte

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3. Dans un Etat de Droit, la procédure fait "naturellement bloc" avec l'activité de juger"

sss qu'elle soit méthode du juge ou florilège de droit processuel de la personne "concernée", la procédure fait bloc avec l'activité de juger

Les droits des personnes à se défendre, à ne pas dénoncer, à ne pas se dénoncer ne sont pas "accordées" par celui qui juge : c'est "naturellement" attachées à l'activité de juger.

Jurisprudence constitutionnelle.

 

C. TROISIEME JEU DE PRINCIPES TENANT A LA PERSONNALITE MORALE

Ils sont moins liés à l'Etat de Droit. La personnalité morale est d'ailleurs plus difficile à comprendre.

1. L'autonomie de la personnalité morale permet qu'elle poursuive des personnes juridiquement distinctes d'elle-même.

2. disti

 

 

 

 

II. DEMASQUER DES ENTREPRISES PRETENDANT N'ETRE PAS "JUGE" AFIN D'EXERCER  POURTANT DE GRE OU DE FORCE L'ACTIVITE DE JUGER SANS ETRE LIEES PAR LES CHAINES PROCEDURALES

Etre "juge", c'est une qualification qui oblige. C'est pourquoi lorsque le Droit oblige une entité ou une personne à juger, d'un seul bloc il oblige aussi celle-ci à respecter au bénéfice personnes qui sont affectées par ce jugement une procédure. L'on distingue parmi ces règles de procédure celles-ci qui bénéficie à la fois aux parties et à celui qui juge, en ce qu'il est éclairé dans son exercice de jugement - notamment le mécanisme du "contradictoire"(➡️📔!footnote-2103) et ceux qui sont des privilèges des droits fondamentaux des personnes, notamment les "droits de la défense", qui peuvent aller à l'encontre de l'efficacité de l'activité de jugement. Les deux se croisent souvent mais parfois pas. En fonction de la conception que l'on a de la procédure, l'on fera pr

 

A. LA CONFUSION DES ROLES "IMPOSEE" PAR LE DROIT EX ANTE DE LA COMPLIANCE

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1. L'obligation des enquêtes, des évaluations des risques, des redditions de comptes et des sanctions

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2. La part d'obligations imposées de l'extérieur et la part  d'expression de volonté propre à l'opérateur économique "responsable"

Le contrat ou les conditions générales n'engendrent pas d'obligations processuelles

"ce qui est fait peut être défait"

Ce qui est imposé par autrui ne peut être reproché à "l'exécutant"

 

B. LE POUVOIR EX POST DE LA QUALIFICATION PAR LES JURIDICTIONS

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1. L'apanage du juge dans la qualification, contrôle du rapport entre les mots et les choses

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2. Vers un modèle juridictionnel, plaçant le Droit de la Compliance dans la continuité du Droit de la Régulation

Si les juridictions redonnent aux activités de l'entreprise les mots qui leur conviennent exactement, c'est-à-dire "poursuivre, instruire et juger", alors cela conforte la définition du Droit de la Compliance comme prolongement et accroissement du Droit de la Régulation(➡️📝!footnote-2094).

Si le modèle juridictionnel doit l'emporter, alors le principe majeur qui s'impose est celui de l'impartialité.

C'est bien au nom de l'impartialité objective que les juridictions ont exigé que ce ne soit pas les mêmes personnes qui instruisent et qui jugent. Mais aujourd'hui au nom de l'efficacité et sous l'emprise du principe "d'efficacité" si fortement inscrit dans le Droit de la Compliance, le Parquet européen, nouvellement établi, convie à la même personne, le "procureur européen" l'activité de poursuite et l'activité d'instruction. D

Dès l'instant que l'on considéra que l'activité ainsi imposée ou ainsi endossée volontiers, voire choisie volontairement par l'opérateur est bien une activité appelant la qualification de "poursuite" et de "jugement", que l'entreprise est bien, quels que soient les mots qu'elles a pris soin de choisir, "juge" et "procureur", parce que la procédure est indissociable de l'acte de poursuivre et de l'acte de juger, l'enjeu majeur est celui de son impartialité.

Or, comment peut-on être impartialité envers soi-même ?

Car dans le Droit de la Régulation, jamais l'on n'a demandé à une Autorité administrative indépendante de se juger elle-même.   

 

III. PERMETTRE AUX ENTREPRISES DE SE POURSUIVRE ET SE JUGER SOI-MEME D'UNE FACON IMPARTIALE ?

 

C'est à première vue un mystère si l'on renonce à l'hypothèse de "l'héroïsme éthique"...

Et pourtant il est raisonnable d'y renoncer. 

 

PREALABLE : RENONCER A L'HEROISME ETHIQUE

 

 

A. RECHERCHER ET UTILISER TOUTES LES DISTANCES JURIDIQUES ENTRE LA PERSONNE ET CELUI QUI L'ENGAGE 

 

Il convient de définir préalablement qui sont les personnes qui "engagent" la personne morale. Au sens juridique classique de l'engagement, tel que notamment rappelé par Geneviève Viney(➡️📝!footnote-2105) et Alain Supiot(➡️📝!footnote-2106). De la façon la plus classique qu'exprime le "Droit des obligations", branche du Droit qui embrasse à la fois le contrat et l'extra-contractuel pour trouver ce qui engage : la "source" des obligations. 

1. La distinction parmi les personnes dont la personne morale répondent entre ceux qui ne la représentent pas et ceux qui juridiquement la représentent

Or, une personne peut être "engagée" par ce qu'elle a dit ou fait "elle-même" ou bien par les personnes dont elle doit répondre. Cet engagement du fait d'autrui est pour un esprit occidental plus difficile à admettre que l'engagement en raison de l'expression de sa libre volonté, de son "consentement", ou son fait personnel. "Répondre" du fait d'autrui serait encore admissible si l'on a une "raison forte" de le faire : parce qu'il s'agit de son enfant, de son employé, de son cocontractant. 

Mais "répondre", c'est-à-dire être "responsable" de quelqu'un avec lequel l'on n'a pas de rapport ne relèverait pas d'une "responsabilité du fait d'autrui" : c'est la leçon de la décision du Conseil constitutionnel de 2017 sur la notion de vigilance. Devoir être vigilant sur un autre opérateur économique avec lequel l'on n'a pas pourtant pas de relations contractuelles ne relève pas d'une "responsabilité du fait". Mais c'est parce que la Loi" l'a voulu, et le Législateur peut bien asséner de telles obligations sur la tête des "entreprises donneuses d'ordre"....(➡️🎤!footnote-2107).

Mais répondre de ce que font les personnes en relations économiques régulières, c'est une "responsabilité" et être condamné pour ne pas l'avoir fait effectivement, c'est tirer les conséquences de cette "responsabilité". 

Le Droit des obligations oblige donc toute "personne" à répondre à tout le moins de soi-même. Mais en cela, la personne morale est elle-même responsable à travers ses organes et ses dirigeants sociaux. 

L'on doit donc distinguer parmi les personnes dont la personne morale doit "répondre", c'est-à-dire dont elle est "responsable", ceux qui ne la représentent pas et ceux qui la représentant. Ceux qui ne 

 

2. Les situations de distance suffisante entre l'entreprise et celui dont elle répond pour accueillir l'impartialité

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Pas de problème si l'entreprise, même dans son expression juridique de la personnalité morale, expression dont elle fait désormais de plus en plus l'économie, notamment en Droit de la concurrence, Droit de la régulation et Droit de la compliance(➡️📝!footnote-2101), est en distance par rapport à la personne dont elle doit répondre. 

3. La difficulté nouvelle engendrée si le Droit de la Compliance élimine la notion de "personnalité morale" au profit de la notion de "lien": retour vers Michel Foucault et la fin du discours de la "personne"

Définition de la modernité par Michel Foucault!footnote-2100

4. L'impasse de la conception organique du système, encore exprimée par le Droit des contrats, le Droit pénal et le Droit des sociétés

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B. RESTAURER LE PRINCIPE D'IMPARTIALITE, NECESSITE D'UNE CONCEPTION PROCEDURALE METTANT A DISTANCE LES INTERETS OPPOSES

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1. Le mirage des machines "impartiales" à travers la "déontologie de la conformité"

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2. Prendre modèle sur les Autorités de Régulation : instaurer des entités fonctionnellement autonomes

L'exemple de l'Oversight Board

3. Les tiers humains : auditeurs et avocats

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1

Même la notion de "personne morale" puise dans le Droit romain, comme l'a montré notamment Jean-Pierre Baud, dans son ouvrage L'histoire de la main volée (1993). C'est ainsi plutôt le rapport entre l'entreprise et la personnalité morale, notamment à travers la technique de la société de capitaux, tel que cela fût notamment décrit par Ripert (....).

2

Même dans une perspective contractualiste du monde, où les personnes qui "s'accordent" peuvent faire ce qu'elles "veulent", comme l'a montré François Terré, les mots qu'elles choisissent, pour déclencher le régime juridique qu'elles désirent, bénéficient d'une présomption d'exactitude, dans l'attente d'une requalification ultérieure par le Juge (..., 1951).

3

Sur la "façon de faire", comme élément de la "Justice", v. Baranès, W. et Frison-Roche, M.-A. La justice. L'obligation impossible, ...., not. ....

4

En 1983, Michel Foucault, avant de débuter son cours annuel au Collège de France, consacré cette année-là au thème Le gouvernement de soi et des autres, rappelle l'ambition de son projet général étant d'établi une nouvelle histoire des "expériences" pour cerner les "foyers d'expertises", par trois directions : la première étant les "formations de savoirs possibles", la deuxièmes étant les "matrices normatives" (les techniques de "gouvernementalité"), la troisième étant les "modes d'existences du sujet" (par l'auto-institution du sujet par lui-même, par sa "subjectivité", notamment par la technologie.). La "folie", la "criminalité" ou la "sexualité" sont des expériences qui sont pris comme foyers d'expertises dans ses trois axes dégagés pour bâtir ce projet général. 

Dans un tel projet, le rapport entre le vrai et le faux ainsi "déplacé" par les pratiques discursives est déplacé par le mécanisme de la "véridiction". 

5

Foucault, M., Les mots et les choses, 1966. 

7

V. par exemple Amselek, P., Le Droit et les actes de langage, ....

8

Foucault, M., L'ordre du discours, leçon inaugurale Collège de France ; pour une description retrospective, écouter le début du cours Le gouvernement de soi et des autresCours 1982, l'ambition de son travail étant de cerner les "foyers d'expertises", par trois directions : la deuxièmes étant les "matrices normatives" (les techniques de "gouvernementalité"), la troisième étant 

9

V. ci-dessous la leçon politique de Confucius. Plus près de nous à propos du mot "citoyen", v. Poignant, B., Citoyen : du mauvais usage d'un mot, Commentaire, été 2021.

10

Comme Carbonnier évoquait les "jeux de lois" ; cf in Flexible Droit , ....

11

Frison-Roche, M.-A., Généralités sur le principe du contradictoire , 1988 ; réédition 2014.

12

Frison-Roche, M.-A., Généralités sur le principe du contradictoire,....

13

Frison-Roche, M.-A., Généralités sur le principe du contradictoire,....

14

Frison-Roche, M.-A., Du Droit de la Régulation au Droit de la Compliance, 

15

Viney, G. La responsabilité, Archives de Philosophie du Droit, ... ; Frison-Roche, M.-A., La responsabilité Ex Ante, in La responsabilité , Archives de Philosophie du Droit, à paraître. 

16

Supiot, A., introduction, in Delmas-Marty, M. et Supiot, A., Prendre la responsabilité au sérieux, 2015. 

17

C'est une explication très courte que de renvoyer au pouvoir discrétionnaire du Législateur souverain que d'expliquer ainsi les choses. V. L'obligation de vigilance, à paraître. 

18

Frison-Roche, M.-A., Compliance et Personnalité, 2020.

19

A partir de son analyse de l'article Kant sur "qu'est-ce que la Philosophie des Lumières ?", in  Le gouvernement de soi et des autresCours Collège de France 1983.

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