MOTULSKY, Henri👤
Référence complète : Motulsky, H., Le droit subjectif et l'action en justice, Archives de Philosophie du Droit, Sirey, 1964, p.215-230 ; repris in Écrits, tome 1, Études et notes de procédure civile, Dalloz, 1973, p.85-100.
Lire ci-dessous le résumé de l'article.
Dans le volume que les Archives de Philosophie du Droit ont consacré au thème du Droit subjectif, Henri Motulsky aborda la question de l'action en justice. Cet article devait marquer l'évolution de la procédure puisque par la suite, à travers la rédaction du nouveau Code de procédure civile, à laquelle il prît grande part, l'article 30 reprit cette conception de l'action en justice comme un "droit" du justiciable.
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Il relève que traditionnellement l'action en justice est l'aboutissement de la concrétisation des droits subjectifs substantiels. Le droit romain l'exprima en posant en premier l'action en justice pour opérer la mise en catégorie des droits subjectifs substantiels;
L'auteur souligne que l'on confond le plus souvent le droit de saisir le juge et l'exercice même de ce droit (c'est-à-dire la demande en justice). Mais l'on s'accorde à dire que l'action en justice vise à faire valoir des droits subjectifs substantiels. Il souligne qu'on ne peut se contenter de dire cela et qu'il faut rechercher si l'action en justice constitue elle-même un droit subjectif.
Motulsky rappelle les théories déjà disposibles. Il en est de subjectivistes, par exemple celle qui estime que l'action en justice est constituée par le droit subjectif substantiel "en état de guerre". Il en est d'objectivistes, qui voit dans la restauration de la légalité l'objet de l'action en justice (Hauriou, Duguit).
Plus récemment, les processualistes ont eu tendance à détacher l'action en justice du droit subjectif substantiel revendiqué par la partie devant le juge. Pour qualifier davantage, l'auteur se réfère à son propre maître, le doyen Paul Roubier, qui dans sa thèse a proposé la notion de "situation juridique", dans laquelle l'action en justice renvoie à un ensemble de prérogative et de devoir, figure du droit subjectif.
Motulsky quant à lui, reprenant sa thèse, désigne comme droit subjectif ce que le droit objectif reconnaît comme tel. Or, le droit organise non seulement les droits subjectifs substantiels, par exemple ceux del'acheteur, mais encore la façon dont celui-ci, par le jeu d'une autre règle de droit que celles de la vente, pourra obtenir un jugement pour protéger ses droits substantiels d'acheteur.
Ainsi, la thèse selon laquelle l'action en justice n'est que le droit subjectif substantiel (ici celui de l'acheteur) en état de guerre, est inexacte, car c'est une autre prérogative que l'acheteur met en oeuvre : le droit objectif procédural lui offre l'accès au juge.
Ainsi, l'action en justice est un droit subjectif processuel, autonome du droit subjectif substantiel dont la personne est titulaire.
Ce droit subjectif processuel existe, selon Motulsky, que la "situation juridique" soit de nature objective ou de nature subjective. Par exemple, si une atteinte à la vie privée a lieu au détriment d'une personne, peu importe qu'il y a une situation objective de responsabilité pour faute ou bien une situation subjective d'atteinte à son droit subjectif substantiel à la protection de sa vie privée, elle aura de toute fois la possibilité d'utiliser son droit de saisir le juge pour être protégée, car elle est en toutes hypothèses titulaire du droit d'action, droit subjectif processuel.
Ainsi, pour l'auteur, sauf dans le contentieux de légalité pure, tous les contentieux sont de nature subjective, même si la situation juridique en cause est objective.
Dans la seconde partie de l'article, Motulsky établit ce qui est selon lui la définition et la qualification adéquate de l'action en justice.
Il affirme que l'action en justice se définit indépendamment du droit subtantiel en cause et indépendamment du succès ou non de la reconnaissance de celui-ci par le juge. De la même façon, la demande en justice se distingue de l'action, car la demande constitue la virtualité qu'est l'action. En outre, l'action ne se confond pas avec l'aptitude à faire fonctionner à son profit le service public de la justice, ce qui est un pouvoir concrétiser par le droit constitutionnel d'accès à la justice.
Ainsi, l'action en justice est, selon Motusky, "la faculté d'obtenir d'un juge un décision sur le fond de la prétention à lui soumise".
Il affirme que l'objet de ce droit est "purement processuel" : obtenir une décision, et qu'il n'existe qu'une "seule catégorie d'action", puisque cette définition peut s'appliquer en toutes matières et à toutes hypothèses.
Cela dit, l'auteur se demande si cette faculté est bien un droit subjectif. Les autres auteurs ont répondu négativement, mais il affirme "qu'un lien juridique s'établit, par le procès, entre les parties et le juge et que "les plaideur est habilité à déclencher l'impératif de la règle de droit à son propre profit".
Il en conclut que "l'action en justice est un droit subjectif, dont le sujet passif est le juge".
L'article se termine par l'affirmation : "la mise en contact du droit subjectif et de l'action en justice se révèle, en définitive, féconde : humble servante du droit subjectif subtantiel, laction conserve son autonomie, au regard de toutes les situations juridiques, subjectives ou objectives, en tant que droit subjectif processuel ; elle illustre par là l'éminente dignité du recours à la justice, garantie essentielle de l'homme vivant en société.".
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On ne peut qu'être frappé de la modernité de cette analyse qui, dès les années 60, posait les bases de tout ce qui allait être ultérieurement le droit positif, notamment par le jeu de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.
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