La Cour européennes des droits de l'Homme a condamné la France par deux arrêts du 26 juin 2014, Mennesson c/ France et Labassées c/ France. Certains en ont immédiatement déduit que la France devait transcrire sur l'état civil une filiation entre l'enfant issu d'un contrat de maternité pour autrui (que beaucoup appellent G.P.A.) et les personnes qui l'ont commandité (qui se désignent eux-mêmes comme "parents d'intention" et que d'autres appellent "acheteurs de bébé").
Pour l'instant, l'Etat français n'a pas fait appel.
Mais a-t-on prêté attention à l'arrêt rendu moins de 15 jours plus tard, à propos de l'Etat belge ?
Dans l'arrêt du 8 juillet 2014, D. et autres c/ Belgique, la Cour semble prendre le contrepied de ce qu'elle a elle-même dit. Il faut dire que cela n'est pas la même section qui a rendu la décision. Mais ici, la décision est définitive.
L'arrêt, qui ici rejette la requête formée contre l'Etat belge par le couple ayant commandé le bébé à une jeune ukrainienne, est au contraire extrêmement sévère pour les commanditaires et pour l'enfant !
Comment comprendre cela ?
Alors que les arrêts du 26 juin 2014, Mennesson c/ France et Labassée c/ France, rendus une autre section de la même Cour ont condamné l'Etat français en donnant satisfaction au couple qui avait commandé le bébé à une jeune californienne ...
Une Cour schizophrène ?
Il faut tout d'abord noter qu'il ne s'agit pas de la même section de la C.E.D.H.
En effet, les deux arrêts qui ont condamné la France le 26 juin 2014 pour avoir refusé de tenir compte de la situation de l'enfant en raison du fait qu'il était issu d'un contrat de maternité de substitution ont été rendus par la 5ième section.
Ici, l'arrêt du 8 juillet 2014 émane de la deuxième section.
Certes, l'on peut s'étonner que sur un sujet aussi délicat et aussi important que le contrat de maternité pour autrui, les deux sections ne se concertent pas.
En tout cas, cela laisse à penser que l'Etat français, qui a encore jusqu'au 26 septembre pour former appel devant la Grand Chambre de l'arrêt de la 5ième section qui l'a condamné peut réfléchir à cette perspective...
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Pourtant, à lire avec attention l'arrêt du 8 juillet 2014, l'on est frappé de la similitude de rédaction avec les arrêts du 26 juin 2014, alors même que les solutions semblent inverses.
En effet, les deux arrêts formulent de la même façon la "marge d'appréciation" dont les États signataires de la Convention disposent sur cette "question controversée" qu'est le contrat de mère-porteuse.
Ils reconnaissent tous deux la légitimité pour les États d'interdire dans leur législation nationale de tels contrats, comme contraire à l'ordre public, tandis que d'autres États préfèrent les valider et veiller à ce qu'ils n'interviennent sur leur sol que dans des conditions acceptables.
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Mais plus encore, le fond entre les deux arrêts est commun.
En effet, ce qui a conduit les magistrats de la 2ième section de la C.E.D.H. à valider l'attitude très violente de l'État belge est l'absence de démonstration de lien biologique entre l'homme et l'enfant.
En effet, parce qu'il n'apparaissait pas nécessairement que, dans le couple partie au contrat, l'homme avait été le donneur et était donc le "père biologique" et non pas seulement le "père d'intention", tant que cela n'était pas établi, l'Etat belge pouvait être d'une grande intransigeance : refuser tout titre de transport à l'enfant, tout en obligeant le couple à rentrer en Belgique, puisque leur visa était expiré, ce qui expédia le très jeune enfant dans un orphelinat en Ukraine, son pays de naissance.
Le couple eût beau en appeler à "l'intérêt supérieur de l'enfant", les juges de la C.E.D.H. considèrent que celui-ci n'est pas entravé par le pouvoir légitime de l'État de "procéder à des vérifications juridiques avant de laisser rentrer sur son territoire l'enfant".
Ainsi, tant que le lien biologique n'était pas établi, le couple ne put voir l'enfant que deux fois en visite à l'orphelinat.
En revanche, et si on lit à contrario et l'on retrouve alors les arrêts du 26 juin 2014 rendus par la 5ième section, dès l'instant que l'homme arrive à montrer qu'il y a un "lien biologique" entre lui et l'enfant, la voie royale est ouverte, l'enfant peut venir sur le territoire, revendiquer peut-être une filiation, en tout cas certainement des papiers, un passeport, etc.
C'est en quelque sorte le quitte ou double : pas de lien biologique = rien / un lien biologique = tout.
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Quelle déraison ...
Parce que cet homme n'arrivait pas à faire parvenir des preuves par A.D.N. suffisamment convaincantes, cet enfant est resté des mois dans un orphelinat. Et l'on écarte d'un revers de main l'argument lié à son intérêt ou la circonstance de la séparation qu'il subit lorsque le couple est obligé de quitter le territoire. Où est "l'intérêt concret de l'enfant" ?
A l'inverse, lorsque le "lien biologique" est établi, alors rien ne peut lui arriver. Et au nom d'un "intérêt supérieur de l'enfant" bien abstrait, l'on pose que la reconnaissance juridique de ce lien est dans son intérêt. L'on n'examine pas pendant un seul paragraphe son intérêt à connaître sa mère qui l'a porté, car celle qui porte l'enfant est sa mère, y compris au sens biologique du terme. L'on n'examine pas pendant un seul paragraphe l'intérêt supérieur d'un enfant de n'être pas vendu par avance.
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Ces arrêts mis face à face, ceux du 26 juin et celui du 8 juillet, montrent à quel point la tyrannie du biologique engendre un droit inhumain.
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