Cour de Cassation, chambre commerciale
La Manufacture de Sèvres a organisé en partenariat avec la galerie Malboroug la fabrication de vases par un artiste, vases exposés d'une façon temporaire dans le Musée Guimet, puis remis à la galerie qui les a vendus. Une galerie concurrente de celle-ci, la galerie Navarra estime être victime d'un comportement anticoncurrentiel, du fait que la première galerie a bénéficié d'une publicité qu'elle n'a pas pris en charge.
Elle saisit non pas l'Autorité de concurrence mais le juge judiciaire par une action en responsabilité afin d'obtenir réparation de son préjudice. Pourtant, pour obtenir réparation, elle se prévaut non pas du droit commun mais du droit spécial, en se prévalant des règles du droit de la concurrence (article L.410-1 et suivants du Code de commerce). En effet, le juge de droit commun peut faire appliquer du droit de la concurrence.
La Manufacture de Sèvres et le Musée Guimet soulèvent par exception l'incompétence du juge judiciaire, en affirmant que seul le juge administratif est compétent pour connaître de leur comportement.
L'exception est rejetée par le juge de la mise en état du Tribunal de grande instance de Paris, par une Ordonnance du 1ier juillet 2011. Les deux établissements publics interjettent appel. La Cour d'appel de Paris confirme l'Ordonnance par un arrêt du 18 octobre 2012.
Les juges du fond fondent leur décision sur l'article L.410-1 du Code de commerce qui soumet toutes les activités de production, de distribution et de service, à la compétence de l'Autorité de la concurrence sous le contrôle du juge judiciaire. L'exception n'en est faite pour que les actes d'organisation du service public.
Or, la production de céramique, suivie de leur exposition et de leur mise en vente, ne relève pas de l'organisation du service public, pas plus qu'elle ne relève de l'exercice de la puissance publique. La compétence du juge judiciaire est donc justifiée.
Les deux établissements publics forment alors un pourvoi qui est accueilli favorablement par la Chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, qui rend un arrêt de cassation le 8 avril 2014.
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En effet, l'arrêt débute par un double visa. En premier lieu, c'est la Loi des 16 et 26 août 1790 qui est visée, ainsi que le Décret du 16 fructidor an III, qui sont visés. Le premier texte pose l'interdiction du juge judiciaire de faire des injonctions à l'administration, le second précise que tout jugement qui y procéderait serait en conséquence nul. Puis, le visa se réfère aux articles L.410-1 et L.464-7 et L.464-8 du Code de commerce, qui posent le principe comme quoi toute activité de production, de distribution et de vente.
Suit un attendu de principe qui pose qu'il résulte de la loi et du décret visés que "le juge administratif est, hors les matières réservées par nature et par la loi au juge judiciaire, seul compétent pour statuer sur la responsabilité d'une personne publique lorsque le dommage qui lui est imputé résulte d'une activité de service public à caractère administratif ; ... que s'il résulte (du Code de commerce) que les personnes publiques peuvent être l'objet de décisions de l'Autorité de la concurrence agissant sous le contrôle de l'autorité judiciaire, ce transfert de compétence se limite au seul contentieux ainsi visé, relatif aux décisions rendues par cette Autorité en matière de pratiques anticoncurrentielles".
Dès lors, la Cour d'appel, en statuant ainsi, a "excédé sa compétence" et son arrêt est donc cassé.
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