Jan. 25, 2010

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Les Cours suprêmes en matière économique : perspectives d'avenir, in "Le rôle des Cours suprêmes en matière économique"

by Marie-Anne Frison-Roche

Conseil Economique, Social et Environnemental, Paris

Référence complète : FRISON-ROCHE, Marie-Anne, "Les Cours suprêmes en matière économique : perspective économique", in Le rôle des Cours suprêmes en matière économique, colloque de The Journal of Regulation (JR), Conseil Économique, Social et Environnemental, Paris, 25 janvier 2010.

Lire le  programme.

 

Il faut d’abord se demander si l’économie gagne à disposer d’une Cour suprême.

En effet, ce que l’économie requiert avant tout d’un système juridique, c’est la sécurité juridique que celui-ci peut lui apporter. La Cour suprême a cette fonction, en stabilisant les grands principes, face à une législation proliférante et incertaine.

Mais alors se pose la question de quel type de Cour suprême l’économie a plus particulièrement besoin. Si l’on se réfère à l’organisation nord-américaine, la Cour suprême est certes une sorte d’organe politique, mais elle renvoie pourtant les questions de politique économique aux législateurs nationaux, seuls légitimes à les poser. Pourtant, les Cours suprêmes doivent intégrer dans leur raisonnement les théories économiques, notamment l’analyse économique du droit.

 

Lire une présentation plus détaillée ci-dessous.

 

Tout d'abord, l'économie gagne-t-elle à disposer d'un Cour suprême ?

En effet, l'économie requiert des instruments (contrat, droit de propriété), des institutions (juridictions, administrations, institutions politiques) et des principes, dont le tout premier est la sécurité juridique. En cela, la Cour suprême des États-Unis, car elle seule répond vraiment aux critères d'une Cour suprême, a un impact direct sur la régulation économique par sa jurisprudence, même s’il est vrai qu'en France, par l'adoption de la question prioritaire de constitutionnalité, il n'est pas exclu que le Conseil constitutionnel devienne une Cour -suprême, tandis que le Conseil d’État et la Cour de Cassation peuvent demeurer Cour suprême chacun dans leur ordre. Ce sont pour l’instant des hypothèses. L’avenir choisira de les valider ou non.

Ainsi, alors que la législation, même si elle naît de la souveraineté politique, est source d'insécurité, tandis que l'économie attend d'une Cour suprême qu'elle réduise cette insécurité, même si sa démarche est casuistique et ex post, l’économie inclinerait davantage vers un système à Cour suprême.

Mais le second ensemble de questions vise à se demander, dans ces conditions, de quel type de Cour suprême l'économie a plus particulièrement besoin.

On bute alors très vite sur ce qui parait être des apories : la casuistique et l'imprégnation culturelle du droit, alors que les théories économiques prétendent volontiers à l'universalisme. Sur un mode plus politique, sauf à admettre, comme Posner, que la Cour suprême est un organe politique, il faut que la Cour renvoie les questions de politiques économiques au législateur, car lui seul est légitime à disposer des marges d'appréciation que celles-ci impliquent.

Mais les Cours suprêmes ont tendance à aller plus loin, à procéder à des raisonnements téléologique, à apprécier les politiques publiques directement, lorsque ces Cours évoluent dans des régimes politiques non démocratiques. Cela dépend donc : si la Cour suprême est dans un système politique démocratique, elle n'ira pas jusque là ; si elle est dans un système politique non-démocratique, elle peut aller jusque là.

Dans sa méthode, les Cours suprêmes adéquates à l'économie procèdent par justification non-empathique à base de rationalité économique, et non politique, dégagée et explicitée à travers un raisonnement judiciaire, respectueux du cœur démocratique du droit.

Ainsi, la Cour suprême doit avoir conscience des effets de sa décision, qu'ils soient « coup de hache » ou « dentelle ciselée », en maniant des études d'impacts, en considérant des calculs d'efficacité de Pareto, etc.

Enfin, il faut que la Cour dépasse ce qui peut paraitre une opposition aporétique entre l'abstraction des jugements d'une Cour suprême et le pragmatisme requis, en ayant conscience que même dans la casuistique, il y a et doit y avoir une doctrine juridique, qui relaye une doctrine économique.

La Cour doit expliciter l’une et l’autre, que cela aussi participe aussi à la sécurité juridique dont l'économie est avant tout demanderesse.

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