25 août 2016

Enseignements : Droit et Littérature, Littérature et Droit

Droit et Littératutre. Littérature et Droit : livret de séminaire (semestre d'automne 2016)

par Éliette Abécassis et Marie-Anne Frison-Roche

Ce séminaire est conduit à deux voix associées :

Ce livret de séminaire expose le contenu et les objectifs du séminaire.

Il explicite les modes de validation du séminaire.

Il indique la charge de travail que la participation au séminaire implique pour l'étudiant qui s'y inscrit.

Il détaille les thèmes abordés lors de chacune des séances.

Il fournit les premiers éléments bibliographiques.

 

 

 

 

Problématique, objet du séminaire

L'Europe vit encore dans une "civilisation du Livre". Les systèmes de droit continental expriment également cette référence révérente au Livre que constitue le Code des juristes : le Code civil de1804. Ce Code qui eût pour nom "Code Napoléon", celui quePierre Nora classa parmi les "mieux de mémoire de la Nation", celui que Carbonnier qualifiait comme la "Constitution civile" de la France, celui que Napoléon considérait comme le chef d’œuvre de sa propre action, plus que ses actions militaires, celui ce que Stendhal désignait comme le livre de chevet de tout amateur de belle langue française doit avoir.

Droit et Littérature n'appartiennent pourtant pas au même "ordre". Le roman, pour prendre la littérature dans sa plus pure expression, est une œuvre de fiction, prenant distance par rapport à la réalité, tandis que le Droit cherche - ne serait-ce que pour la bonne exécution de ses prescriptions - à être au plus près de cette réalité. La Littérature traduit pourtant elle-aussi une société, une culture, une époque - même lorsqu'elle prend place dans le genre "science-fiction", tandis que le Droit prend par volonté distance avec des réalités qu'il réprouve ou qu'il méconnait. La complexité de la filiation tient dans cette distance, plus ou moins possible. Le Droit tient même dans cette tension entre la réalité et la fiction, tension dans laquelle réside sa puissance politique d'imputation soulignée par Kelsen.  En cela, la Littérature ressemble donc au Droit, qui a la même puissance de créer sa propre réalité, les deux créant leurs personnages, racontant leur cas, se développant dans la "narrativité". La technique du "feuilleton" leur est commune. Drames et comédies alternent.Le mouvement d'analyse (plutôt "critique") Law & Litterature souligne que les acteur qui exercent la puissance de "dire le Droit", notamment les juges, racontent après-coup une petite histoire pour rendre admissible leur décision politique : de l'invention on passe alors au prétexte, au "roman" au sens péjoratif de l'expression. 

Si l'on respecte davantage et la Littérature et le Droit, on soulignera à quel point il se sont saisis l'un l'autre;

Historiquement, ce sont tout d'abord la Littérature, sous la forme de pièces de théâtre et de roman, qui s'est saisie du Droit Qui ne connaît Antigone ?

Plus tard, des observateurs ont théorisé le fait que le Droit lui-même se développe comme une histoire racontée (la "narrativité du droit"), voire s'invente pour que ses solutions soient acceptées, le mouvement américain Law & Litterature ayant une forte dimension de critique sociale. Ce qui reste de Critical Legal Studies , mouvement américain des années 1970, a lié fiction, domination et révélation. L'analyse littéraire se transforme alors en analyse sociologique et politique.

Ce mouvement s'est surtout développé à propos des décisions de justice et plus particulièrement celles de la Cour suprême des États-Unis. Il n'est pas certain qu'il ait la même pertinence pour les systèmes juridiques de droit continental, construit sur la hiérarchie des normes, d'inspiration kelsénienne. Il ne prête d'ailleurs pas beaucoup d'intention à la beauté de la langue et de la construction, puisque son objectif est de révéler les stratégies de domination ou de protection. Le "Beau Droit" est vu avec méfiance, voire sarcasme.
 
Il est vrai que la branche du Droit que constitue le Droit de la propriété littéraire et artistique pose son indifférence sur ce qui est "beau" et ce qui ne l'est pas, ce qui rejoint la "technicité du Droit" et la conception "moderne" du design, de l'écriture automatique, etc. Mais la façon dont l'Europe, et plus particulièrement la France, pays dans lequel il est remarquable que ce fût Marivaux qui conçut le "droit de l'auteur" contre le "droit du fabricant et du vendeur du livre", traduit cette conception d'une technique juridique "habitée par l'auteur", alors que le droit américain s'en tient à une œuvre conçue comme un produit.
 
Mais le droit technique dominant est aujourd'hui le droit économique, lui-même pensé davantage par les économistes que par les juristes traditionnels, ici le "droit de la propriété intellectuelle". Or, ce qu'il est convenu d’appeler "l'ère du numérique"  doit traduire ce qui pourrait être la disparition de la distinction entre l'écrivain et le lecteur, l'internaute étant le créateur, tout étant "collaborateur", le poète n'étant donc plus maudit, disparition que Duchamp signalait entre le peintre et le "regardeur". Le Droit de l'économie collaborative le traduirait. Pourquoi pas. Une création sans auteur permettrait à l'industrie de régner dans un monde de machines.Rembrandt peut aller se coucher, si la virtuosité mécanique suffit.
 
Cette fluidité entre Droit et Littérature est dans les romans eux-mêmes. D'une façon ponctuelle, parce que tel ou tel roman aura pris un procès, jouxtant avec le document, comme le fit Truman Capote. Ou parce que l'auteur voulut restituer les grandes affaires humaines, le Droit jaillissant dans toute l'oeuvre de Balzac.
 
Le Droit ne le fait d'ailleurs pas de la même façon selon qu'il s'agisse de la littérature française, ou anglaise, ou allemande, ou russe, ou américaine, etc. L'on dit souvent que la France est un "pays littéraire" ... Et l'on dit aussi qu'il s'agit d'un "pays de lois", tandis que l'Angleterre serait un peuple de grands juges. Est-ce que l'on pourrait retrouve la trace de telles insertions dans la confrontations des Droits et des Littératures des uns et des autres ?

Plus généralement encore, reprenant l’affirmation de Savigny, grand auteur allemand fondateur de l’École historique du droit, selon laquelle le droit exprime "l’esprit d’un peuple", on peut songer qu’il en est de même des représentations que la littérature nationale fait du droit, exprimant à travers cela leur propre esprit juridique, plus ou moins conscient.
 
A l'heure où c'est souvent le cinéma qui fait vivre la littérature, par exemple Guerre et Paix retrouvant une nouvelle vie à travers sa mise en image par la BBC il est d'ailleurs difficile de poser ces questions sans mettre au bout de la troisième pointe du triangle l'art du cinéma
 
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Mode de validation de l'enseignement
 
 
L’enseignement donne lieu à un contrôle continu.

Le travail de préparation des séances et le travail en séance (exposé, participation) correspond à 60% de la note globale.

Il est complété par un contrôle de fin de semestre, dont la note correspond à 40% de la note globale.
Celui-ci prend la forme d’une dissertation à faire sur table, en deux heures, lors de la douzième séance. Le sujet à traiter est à choisir parmi deux sujets.
Le travail est fait sur papier libre. L’usage d'un ordinateur n’est pas autorisé.
Au choix de l'étudiant, le devoir est  rédigé en français ou en anglais.

Ce travail sur table doit être fait  sans documentation extérieure.

Il est conseillé aux étudiants de structurer leur travail et d’appuyer leurs propos notamment sur les livres  qui ont été analysés lors des séances successives, ainsi que sur tous les autres livres qu’ils connaissent, ce type de références pouvant être croisées avec des connaissances et renvois juridiques, sociologiques, politiques, philosophiques, anthropologiques, historiques, etc.
 
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Charge de travail
 
 
La préparation des séances suppose la préparation par tous les étudiants du thème chaque semaine
 
Il est proposer de traiter un thème pour lequel il conviendra de s'appuyer sur des exemples pris dans des livres ou d'analyser un livre ou l'oeuvre d'un auteur à travers une dimension juridique. L'ensemble des étudiants devront avoir lu le livre en en question ou avoir réfléchi au thème qui sera abordé.
 
Par ailleurs, cela correspond à un exposé oral du thème de la séance, exposé à deux, voire exceptionnellement à trois, étudiants.
 
L’étudiant doit faire des recherches et faire des lectures par lui-même. 
 
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Format pédagogique
 
 
Les séances de séminaires sont hebdomadaires, d’une durée de deux heures.
 
Les séances sont construites sur un thème, qui s'appuie sur un livre, sur un auteur ou sur une œuvre, à partir desquels  il s’agit d’élaborer une problématique, soit celle expressément attachée à la séance, soit tirée de celle-ci par l'étudiant.
 
 
Chaque séance commence par l'exposé, avant la reprise du thème par les professeurs. 
 
Certains thèmes peuvent justifier la venue d’un intervenant extérieur. 
 
Suivant les thèmes, il est possible que le sujet ait été travaillé par avance sur le site MAFR dans la rubrique consacré à l'enseignement Droit et Littérature ; Littérature et Droit 

 
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Construction des séances

 
La première séance est une séance de présence et d’introduction du thème général.
 
 
Chaque de ces thèmes, œuvres et livres seront présentés afin que les étudiants puissent mieux les choisir et se les répartir.
 
La dernière séance sera un contrôle final sur table.
 
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Bibliographie et lecturess conseillées
 
 
Consulter le document de Bibliographie qui distingue la bibliographie de base, correspondant aux "lectures conseillés" et la bibliographie approfondie.
 
D'une façon plus générale, il est loisible de consulter la rubrique Droit illustré.
 
 
 
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