↵Les étudiants peuvent bien sûr prendre leur distance par rapport à ces conseils. Simplement, c’est alors prendre davantage de risques et il convient alors d’être plus sûr de soi, avoir davantage de connaissances, développer plus encore d’opinions personnelles, etc.
Il est vrai que plus le travail est original et plus la note monte ; il est vrai que moins on suit les règles communes et plus on peut obtenir 19 ou 20/20. Mais suivre les règles ordinaires permet simplement de ne pas s’exposer à des reproches. Car parfois l'on trouve être "original" alors qu'on redécouvre la lune, ou bien on ne prend pas en considération d'autres règles qu'on ne connait pas et qui rendent non pertinents les propos affirmés parfois trop péremptoirement.
La "prudence" est aussi un bon conseil. De la même façon, l'exposé des connaissances n'est pas à négliger, car il est vrai que le Droit n'est pas composé que de règles techniques, mais sa dimension technique le constitue également. Il faut trouver un équilibre entre un exposé de technique juridique et des remarques sur le droit à partir d'autres perspectives, ce qui donne une respiration, de l'élégance et une plus grande pertinence au propos. Il faut essayer de ne pas tomber dans les deux excès : soit se limiter à une récitation des textes et décisions juridiques, soit s'envoler dans un discours sur le Droit dont le lecteur se met à soupçonner que l'étudiant ne connait rien.
Ce qui suit ne constitue donc pas des consignes, encore moins l’énoncé de contraintes, mais l’exposé de la construction ordinaire d’une dissertation juridique.
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Tout d'abord le plan.
Le plan est apparent. Le juriste a besoin de comprendre et de se faire comprendre. Le plan est lĂ pour guider le lecteur. Celui-ci devrait comprendre le propos mĂŞme s'il ne voyait que le plan.
D’ordinaire, les dissertations sont construites en deux parties.
Les titres des parties sont apparents. Il n’y a pas de verbes conjugués dans les titres. En Droit, on ne titre pas par une phrase coupée en deux qui se prolonge d’un titre à l’autre.
Chaque partie est construite elle-même en sous-parties, elles-mêmes titrées (I.A/I.B puis II.A/II.B.). On peut aller plus loin, en insérant dans ces sous-parties des 1. et des 2.
L’introduction est obligatoire, la conclusion ne l’est pas.
Lorsqu’il n’y a pas de conclusion, c’est le II.B. qui a la fonction "d’ouvrir" le sujet (par exemple vers le futur, ou vers un aspect plus sociologique, ou vers une comparaison vers un autre système juridique, etc.).
Ainsi, dans la matière qui nous occupe, le Droit économique, le II.B. pourrait très bien constituer des considérations plus techniques ou plus politiques ou d'actualités internationales, alors que le reste de la dissertation aurait été jusque-là à contenu juridique.
Dans le corps de la dissertation, il est usuel que le I.A. soit la description de la façon dont "on en est arrivé à l’état où en est le Droit positif". C’est alors souvent la chronologie du Droit, si vous la connaissez, ou l’évolution sociale et économique, etc. Cela dépend de vos connaissances.
Le I.B. est, avec le II.A., le cœur de la dissertation. Ces deux parties vont développer le sujet posé, donner les arguments justifiant l’état du Droit positif, confronter certains éléments du Droit positif avec d’autres, formuler des appréciations sur ceux-ci, arguments que l’on trouve dans les décisions qui souvent ne manquent pas de prendre position les unes contre les autres, placer les appréciations de la doctrine et surtout exprimer des appréciations par vous-même (le Droit positif n’a pas toujours "raison" et il peut n’être légitime que dans une certaine perspective et pas dans une autre, etc., perspectives que vous pouvez essayer de hiérarchiser, etc.).
Il faut bien sûr s’adapter au sujet. Si la question est entièrement résolue, le sujet est "froid" et il s’agit donc avant tout de le "comprendre". Si le sujet est "chaud" et que le Droit ne fait que commencer à bouger, il faut essayer d’anticiper et surtout de prendre une position plus encore personnelle et moins rétrospective (mais le Droit est toujours en mouvement et son passé est toujours vivant, comme notre enseignement vise à le montrer, en montrant que le droit est ancré dans des cultures et traditions nationales), en prenant en considération les arguments des uns et des autres, en pondérant et en choisissant, tout en justifiant votre choix.
Ainsi, en tant qu'auteur de la dissertation vous parvenez à vous détacher d'un exposé de connaissances, lequel reste tout de même le cœur de l'exercice, surtout s'il ne s'agit que du galop d'essai puisque vous n'avez pas encore la vision d'ensemble de la matière, et plus la dissertation sera réussie. S'il s'agit d'une dissertation à faire en dehors d'un contrôle sur table, le contrôle des connaissances acquises jouant moins et le temps de la réflexion et les recherches extérieures étant loisibles, et plus cette distance par rapport à un exposé de connaissances est accessible.
Si la dissertation démontre à la fois la capacité de synthèse (surtout s'il s'agit de la dissertation de fin de semestre) et la capacité d'analyse (le travail approfondissant un ou deux exemples particulièrement pertinents ou paradoxaux), l'exercice atteste alors l'agilité d'esprit de la personne qui l'a réalisée.
Ainsi, la dissertation est satisfaisante si vous arrivez à présenter d'une façon organisée et articulée les connaissances pertinentes, voire à les présenter d'une façon dynamique (par exemple en les présentant autour d'une problématique, autour d'une interrogation, autour d'une évolution, autour d'une contradiction, etc.).
Mais la dissertation devient très réussie si vous arrivez à ajouter à cet exposé des connaissances pertinentes, une vision personnelle, une opinion, par exemple une opinion que vous pouvez formuler sur le Droit que vous avez appris et compris, opinion que vos connaissances acquises dans d'autres disciplines vous permettent de forger.
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Une fois cette construction faite, il faut mentalement "scanner" tout ce que vous avez vu en cours magistral et en conférence, voire vous souvenir de ce que vous avez étudié les années précédentes ou dans d’autres matières, et insérer vos connaissances dans le plan.
Essayez de ne pas partir de vos connaissances et de ne recourir à celles-ci qu’après avoir construit le plan.
N’ayez pas d’a priori. Par exemple, une décision de justice du début du siècle peut venir en fin de dissertation si c’est elle qui exprimait la sagesse du Droit et si elle conserve sa pertinence, etc.
Le lecteur juriste n’aimant pas être surpris (mais toute règle est là pour supporter des exceptions, si vous êtes très sûr de vous, surprenez votre lecteur, il sortira de l’ennui de la correction de sa énième copie...), il faut que toute partie soit précédée d’une "annonce" simple, comme par exemple : "Cela a conduit le législateur à poser que ... (A), ce qui a amené en réaction la jurisprudence à ... (B).
Ainsi le lecteur sait oĂą il va.
Il faut toujours aider son lecteur, et le correcteur est un lecteur comme un autre.
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L’introduction est un moment très important dans une dissertation. En effet, c’est la première impression que vous faites au correcteur, et la première impression est presque toujours la bonne.
Il y a deux façons de construire une introduction. On peut tout d'abord concevoir très librement une introduction, mais là encore cela suppose que vous soyez alors très sûr de vous, savant, etc., car ce qui est dit dans l’introduction (en droit comparé, par exemple), ne pourra pas être redit dans le corps de la dissertation. Il faut donc faire attention à ne pas vider la dissertation de sa substance pour faire une "belle" introduction, mais il ne faut pas non plus que celle-ci soit trop réduite, car c’est souvent sur elle que vous êtes jugés.
La première façon, dite "libre", de construire une Introduction est en "entonnoirs". Il s'agit de partir de loin et d'arriver vers le sujet exact, puis de repartir de loin et d'arriver de nouveau vers le sujet exact. Si vous faîtes cela deux fois, l'Introduction est en double entonnoir. Si vous pouvez, il est très élégant de construire l'introduction en triple entonnoir. Une fois cette construction faite, il suffit de faire l'annonce de plan.
La seconde façon de construire une introduction est plus plate, mais plus sûre. En effet, vous pouvez construire "mécaniquement" votre introduction. Il est sage de le faire en dernier. S'il s'agit d'une dissertation réalisée dans le cadre d'un contrôle sur table, la rédaction de l’introduction peut se faire directement sur copie alors que le corps de la dissertation aura été construit sur plan et notes brèves sur brouillon. Mais la règle générale est la même : l’écriture de l’introduction vient après ce travail précité sur le corps de la dissertation.
La construction mécanique de l'Introduction est donc la suivante.
Il faut tout d’abord définir les termes du sujet. Littéralement, grammaticalement, faire attention au singulier ou au pluriel, être attentif à la ponctuation, aux majuscules ( une introduction pourrait n’être construite que sur cette analyse littérale).
Il faut ensuite définir ce qui n’est pas dans le sujet : le "hors-sujet", qui est sanctionné lorsqu’il est situé dans le corps de la dissertation, est valorisé lorsqu’il est situé dans l’introduction. Le hors-sujet est vaste (le sujet est une île, le hors-sujet est la mer, vous pouvez laisser aller votre imagination).
Puis, vous allez dans les "sciences auxiliaires", en tout cas celles que vous n’exploiterez pas dans le corps de la dissertation.
Dans la matière qui nous occupe, il est évident que la finance, l'économie et la politique sont des matières qui se prêtent particulièrement bien à une utilisation en introduction (si elles ne sont pas utilisées en conclusion, ou en II.B.). De la même façon, le Droit comparé (par exemple le Droit britannique ou nord-américain) peut être exploité en introduction, sauf si le sujet appelle son traitement dans le corps des développements. Par exemple si vous avez une connaissance précise de ces perspectives, alors il faut mieux les mettre en valeur dans le corps de la dissertation, mais si vous n'en avez qu'un aperçu, il est plus efficace d'en faire une mention dans l'introduction, le lecteur ne pouvant pas alors mesurer le degré de votre maîtrise, ce qu'il pourrait faire plus aisément dans le corps du travail.
Puis, vous définissez une "problématique" : c’est la véritable difficulté, car il faut la faire sortir du sujet et l’introduction cesse d’être savante ou d’être une répétition du cours, pour devenir un exercice d'intelligence. Normalement, les précédentes étapes vous ont suffisamment familiarisé avec le sujet pour que vous arriviez à cet exercice personnel de mise en problématique du sujet, ce qui vous permettra de passer de 14 à 19, car une dissertation ne devrait pas être un simple contrôle de connaissances ordonnées.
Afin, et c’est impératif, vous faites une "annonce raisonnée du plan", c’est-à -dire que vous indiquez la construction du corps de la dissertation, en justifiant cette construction en la mettant en perspective de la problématique que vous venez de dégager.
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