Publication : participation dans une publication juridique collective
Référence complète : FRISON-ROCHE, Marie-Anne, La construction du marché intérieur, expérience d'affrontement dialectique entre le droit international privé et le droit de la régulation, in Conflits de lois et régulation économique, coll. "Droit et Economie", LGDJ, 2008, p.261-273.
Le droit international privé et la construction d’un marché intérieur européen s’opposent à première vue, car le premier est un gardien des frontières tandis que le second suppose leur disparition. En outre, le droit international privé se veut neutre, alors que l’Europe s’est construite d’une matière concrète, sur des objets économiques et en s’appuyant sur un dessein politique. La montée en puissance des marchés, leur ouverture de force par la mondialisation, leur mise en concurrence par celle-ci, signerait donc le déclin du droit international privé. Mais il y a plutôt dialectique. En effet, cette branche du droit a quitté son giron procédural pour s’imprégner de l’objet substantiel sur lequel il porte. En outre, tant que l’espace européen n’est pas plein, parce que les valeurs sociales, culturelles ou de politiques économiques ne sont pas protégées, il est bon que le droit international privé demeure le gardien des frontières nationales.
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De l'ensemble des contributions, il se dégage comme point commun l'idée d'une régulation conçue comme mode d'équilibre d'intérêts pour construire un espace commun. Or, le droit international privé et le droit de la régulation s'affrontent dans cette perspective car le premier droit est un droit de système qui ordonne en préférant un droit à un autre, alors que le droit de la régulation met en équilibre instable des intérêts, des principes, des disciplines. Pour créer un espace commun, c'est la régulation qui est requise, faute d'harmoniser, c'est-à-dire d'illusoire d'unicité, et non pas une préférence qui s'imposerait.
On constate que tous les auteurs, parce que l'objet commun était le marché intérieur, ont cherché les fondamentaux de celui-ci, ce sur quoi il peut se construire. Il peut soit s'agir d'une Europe politique dont l'Europe économique n'aurait été que le faux-nez, soit une Europe pleinement économique, donc aussi industrielle, pour exister et lutter dans la concurrence mondiale. En cela aussi, le droit international privé, droit procédural, n'est pas de grand secours, en ce qu'il se veut neutre par rapport aux objets.
Malgré la science et la multiplicité des articles, demeurent bien des interrogations. Cela tient au fait que nous avons une connaissance de plus en plus fragmentée du droit, alors que nous ne nous rapprochons guère de l'économie. Il est ainsi difficile d'avoir une vision politique de l'espace européen, alors que la notion de marché intérieur est avant tout une notion politique.
Mais l'on peut espérer non plus un affrontement entre droit international privé et droit de la régulation, mais une dialectique, si la première branche du droit devient moins neutre par rapport à son objet, caractère concret qui le rapproche de la seconde branche du droit. Dans le marché intérieur, tout est mis en concurrence, les systèmes sociétaires, l'aptitude à rendre des jugements adéquats et efficaces.
Mais il est vrai que tant que cet espace reste à demi-construit, notamment parce qu'il ne protège pas les valeurs, sociales, culturelles, le droit international privé, en ce qu'il protège les frontières, les préserve de ce vide marchand. De la même façon, pour l'instant, il pallie l'absence de construction de l'Europe des risques.
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