April 22, 2016

Publications

Les conséquences régulatoires d'un monde repensé à partir de la notion de "donnée", in "Internet, espace d'interrégulation"

by Marie-Anne Frison-Roche

Référence complète : Frison-Roche, M.-A., Les conséquences régulatoires d'un monde repensé à partir de la notion de "donnée", in Frison-Roche, M.-A. (dir.), Internet, espace d'interrégulation, série "Régulation", Journal of Regulation - Dalloz, 2016, p.183-207.

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Il est à corréler à un article publié dans le même ouvrage : Penser le monde à partir de la notion de "donnée".

 

Cet article s'appuie sur un working paper : lire le working paper.

La première conséquence régulatoire tient au fait que ce que l'on désigne souvent comme "l'objet" de la donnée (la personne, l'entreprise pour la donnée financière, l'économie pour le rating, etc.), n'est que sa source, son "sous-jacent", la donnée étant fabriquée par une entreprise ou par l’État  tandis que son objet est bien plutôt l'usage pour lequel cette donnée a été construite et articulée à d'autres.  La donnée est donc autonome de son sous-jacent, est mise en masses affectées, prend une valeur économique en fonction des désirs qu'en ont ses utilisateurs et ses acheteurs, devient disponible hors du temps et de l'espace dans le numérique. Cela implique une interrégulation spécifique.

Mais la donnée est aussi le Janus du numérique, car, nouvel or noir, pur instrument financier, par nature immatérielle, la donnée conserve pourtant la trace des personnes. Elle la conserve, la met en exergue et en danger. Le Droit peut alors établir de force une indissociabilité entre la donnée et son sous-jacent, pour protéger celui-ci, notamment s'il s'agit d'une personne, ou pour atteindre celui qui utilise l'information.  Cette double-face de la donnée entraîne des chocs de régulations dans Internet. Le cas Safe Harbor l'illustre.

En outre, tout Internet ramène vers l'internaute, dans lequel l'on verrait volontiers "Le Grand Interrégulateur". Mais est-ce si adéquat, légitime et efficace ? Le "consentement," auquel renvoie l'interrégulation assurée par l'internaute lui-même, fait naître le doute. En revanche, sous le vocable déplacé de "droit à l'oubli" se dissimule une arme efficace qui peut frapper ceux qui accaparent les données dans une économie numérique qui semble se constituer dans un mécanisme anté-marché, c'est-à-dire dans une régression qui pulvérise l'autorégulation marchande elle-même pour remplacer les actes juridiques d'échange par des actes juridiques conjonctifs, organisation que pour l'instant le Droit et la Régulation ont bien du mal à appréhender, faute des qualifications juridiques pour ce faire.

Le "droit à l'oubli" requalifié à travers la catégorie des actes conjonctifs serait un premier pas pour satisfaire un objectif de la régulation, assurant à la fois la protection de l'innovation et la protection des personnes, dans un futur qui doit rester toujours ouvert et que nulle puissance économique ou politique ne peut s'approprier.

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