Publications [761]

5 novembre 2018

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Sous l'égide de la Banque Mondiale, tous les deux ans, se réunit l' "Alliance des chasseurs de la corruption".

Les 25 et 26 octobre 2018, la rencontre se déroulait à Copenhague. 

L'on pouvait suivre en direct les travaux de cette rencontre, qui demeurent ainsi disponibles. 

L'on peut faire trois observations.

1. Tous stakeholders ! Sur le fond, l'on soulignera que, comme y a insisté au nom de la Banque Mondiale Pascale Dubois, elle-même en charge des politiques d'intégrité lors de la mise en place des programmes dans les pays, les actions contre la corruption bénéficient de plus en plus de l'action des entreprises, qui aujourd'hui voient leur réputation impliquée, réputation qu'elles perçoivent comme un actif à préserver ce qui justifie leur participation active à cette "Alliance". Cela renvoie à l'idée d'un "cercle de confiance" sur lequel repose la Compliance, même lorsqu'il y a contrainte exercée sur les entreprises, l'oratrice ayant abondamment parlé des programmes de compliance. 

2. Une "Alliance" plutôt qu'un Ordre international inefficace !  Entre la forme et le fond, et bien que l'on puisse trouver grâce aux sites les précédentes rencontres biennales, le terme commun d' "Alliance" dans l'intitulé même d' International Corruption Hunters Alliance a de quoi retenir l'attention. En effet, dans l'ordre international ce sont les institutions internationales qui se rencontrent selon des formes codifiées, avec des textes, voire des accords, qui en résultent. Ici, nous avons des personnes "impliquées", à tous les titres : Etats, organisations publiques mais aussi entreprises et organisations non-gouvernementales. Comme le reflètent ce terme sans cesse utilisé par ces travaux de stakeholders, terme qui a la caractéristique pratique de pouvoir inclure tout le monde.

Il est vrai que la corruption est un fléau mondial qui concerne le particulier, les entités et les systèmes dont les institutions sont gardiennes : chacun peut donc à la fois en dire quelque chose et agir. Cette "Alliance" marque simplement le recul assumé d'un "ordre international" qui sans doute n'a pas pu se constituer à temps, alors que la criminalité trouve dans la globalisation un espace naturel, utilisant la fragmentation territoriale des Droits comme un bouclier que l'impératif de lutte ne semble plus pouvoir tolérer...

3. Tous "chasseurs" ! ou l'archaïsation du Droit de la Compliance. Le terme de "chasseurs" (hunters) est sur la forme plus encore remarquable. Cela rappelle le temps des "chasseurs de prime". Et c'est d'ailleurs parfois à ceux-ci que l'on compare les "moniteurs" dont l'efficacité est requise dans les techniques de programmes de compliance, leur exploits qu'ils relatent sur leur site étant parfois comparés à un "tableau de chasse" à la vue des entreprises terrassées. Cela n'est pas critiquable en soi. L'idée est qu'il faut pourchasser un fléau (la corruption étant implicitement comparée à une sorte de bête sauvage qui ravage tout).

Face à ce but, chacun est chasseur, l'entreprise comme l'ONG comme le tribunal comme le Gouvernement. Cela est de fait d'autant plus pertinent que sous un angle mondial la corruption s'étant infiltrée dans chaque catégorie, il convient sans doute de revenir à un tableau plus simple et plus archaïque : un fléau bien identifié (la corruption) et tout intéressé à l'éliminer dans une chasse "collective" (les intervenants ayant tous insisté sur ce caractère collectif). 

Si on l'analyse du point de vue du droit, cela signe une nouvelle fois le mouvement d'archaïsation très fort du Droit de la Compliance, puisque les catégories juridiques s'effacent (par exemple la distinction entre l'entreprise privée et l'Etat) pour privilégier l'efficacité au regard d'un but.  

Dans ce droit, dont Alain Supiot souligne notamment le caractère régressif et guidé par le principe de l'efficacité (qui n'est qu'un principe procédurale), pondéré par le principe de proportionnalité (qui n'est lui-aussi qu'un principe procédural), le Droit de la Compliance apparaît comme un Droit nouveau, dont il ne faut sans doute se contenter de viser comme seul principe l'efficacité.  

En effet, et comme cela a été bien exposé à Copenhague, les criminels corrupteurs et corrompus ne connaissent plus les frontières dans leur activité mais les redécouvrent, utilisant la territorialité du Droit en défense lorsque des comptes leur sont demandés. La réponse du Droit est pour l'instant dans l'extraterritorialité des règles, les Etats se disputant alors, tandis qu'ils ne semblent s'accorder que dans l'informel des "alliances". 

Tout cela montre l'urgence technique de concevoir d'une façon plus substantielle un Droit de la Compliance. 

 

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1 juillet 2018

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The Economist a publié un article le 28 juin 2018 pour montrer que Netflix va révolutionner la télévision, dans ses usages, ses techniques et son économie.

Prenons le phénomène du côté du Droit.

Netflix n'est pas une entreprise de média. C'est une entreprise technologique qui capte des données.

Du point de vue du Droit, nous ne savons pas comment le qualifier.

Cela est perceptible en Droit de la concurrence et en Droit de contrôle des concentrations (qui appartient plutôt au Droit de la Régulation). 

Pour l'instant nous ne sommes que dans la "réaction" : les autorités américaines "réagissent". Leur "réponse" consiste à ne plus mettre  de freins aux concentrations dans les médias...

C'est tout d'abord une réponse faible et non-autonome, l'idée étant que si l'on laisse grandir Disney, alors Disney et Netflix pourront mieux s'entredévorer et le consommateur sera bien servi. C'est d'ailleurs ce qu'explique Netflix en affirmant que le consommateur a tant d'argent à affecter à ses loisirs et de temps à passer devant ses écrans qu'ils peuvent bien se le partager. Propos qui devraient glacer des autorités en charge de contrer les ententes....

C'est d'ailleurs une réponse qui peut avoir des conséquences graves car sans doute motivée par cette impuissance elle a donné le signal à d'autres, par exemple dans l'industrie pharmaceutique comme quoi avec un tel précédent il n'y avait donc plus de barrière pour de méga-fusions....

C'est ensuite une absence totale d'action.

Certes l'on peut adopter un point de vue américain : c'est aux entreprises d'agir et non pas aux Autorités publiques ou au Droit. C'est ainsi que l'innovation se développe, en laissant les entreprises libres, et c'est ainsi que la Silicon Valley a inventé le monde nouveau des données. Mais les données ont toujours existé puisque ce ne sont que des informations sur nous-mêmes, nous-mêmes et ce que nous donnons à voir de nous-mêmes ayant toujours existé. C'est l'idée même de les monétiser après les avoir pulvériser et reconstruite dans d'autres blocs (méta-données) qui les a transformées en or. C'est ce que démontre West Word, série magnifique produite par ... une industrie de média, HBO, pour répondre à Netflix. 

Mais si l'on croit que le Droit sert encore à quelque chose, par exemple à "réguler les plateformes" car il s'agit de cela, il faudra mieux que nous "agissons", c'est-à-dire que nous pensions ce "cas Netflix", ou/et à travers lui  l'industrie prodigieuses des données.

Elle a créé de l'or approprié à partir d'un commun disponible depuis toujours. Le génie a consisté à créer une industrie de la donnée indifférente à ce qui nous est donné en échange, ici un film, une série, une jeu. Contre lesquels l'industrie des films, des séries et des jeux ne peuvent pas grand chose car celle-ci vend les films, les séries et les jeux et ne peuvent pas les vendre à prix négatif, alors que Netflix ne les cèdent qu'en supplément de ce qui est acquis : l'information que nous donnons sur nous-mêmes. Ils peuvent donc nous offrir le film qui n'est qu'un "cadeau-bonux". C'est pourquoi la "personnalisation" extrême que Netflix fait de ses produits, aux différents pays devrait nous alerter. C'est pourquoi la haute-couture de séries faites que pour moi me donne l'information que je suis moi-même le plat principal du repas de roi ainsi servic. 

En cela Netflix est économiquement beaucoup plus proche de Facebook qui nous donne tout gracieusement puisque nous nous donnons à lui que de Disney ou de HBO ou de Warner qui doivent encore prétendre nous demander un peu d'argent puisqu'ils prétendent encore avoir pour objets la production de films, de séries, de personnages, de scénarios, de jeux, etc.

La puissance du modèle tient dans la reconstruction par la technologie des données pour de très multiples usages. Par exemple la prévision de l'avenir. En échange, les sous-jacents que sont les personnes reçoivent pour l'instant une série sur la reine d'Angleterre. Mais pourquoi pas un bouquet de fleurs ? Ou un repas ? Ou un habit ? Ou une voiture ? 

En effet, l'industrie des données a neutralisé le sous-jacent. Par exemple le média. Mais Uber apporte les repas. Netflix peut apporter un costume. Qui a quelque chose à "redire" ?

Face à cela, le Droit ne dit rien. 

Sans doute parce qu'il est dépassé dans ses catégories et lorsque le Droit ne conçoit pas, ne qualifie pas, il ne peut rien "dire". Il a fallu que les juges voient dans les personnes qui roulent dans les voitures des "salariés" d'UBER pour qu'un peu d'ordre revienne. C'est donc dans les marques de la qualification que le Droit doit se retrouver. 

Le Droit doit d'abord remettre en cause la notion de "gratuité" et de "don". 

Le Droit ne pense toujours pas le gratuit, réduit à être l'absence d'échange d'argent, alors que je me donne moi-même. Et quand je me donne moi-même, le Droit appelle cela de "l'altruisme"..., alors que le Droit commercial ancien dans sa sagesse interdisait l'acte gratuit dans les affaires car l'on sait bien que l'on ne se donne pas contre rien. Le gratuit n'existe pas et le discours altruiste n'est pas inconcevable si c'est l'entreprise qui devient altruiste et peut le prouver (RSE) il devient très étonnant si ce sont les personnes qui se donnent elles-mêmes aux entreprises : le "discours du don" et l'appel au "consentement altruiste" n'ont jamais autant prospéré dans un système où l'unité de compte est celle du milliard de dollars. 

Le Droit doit ensuite remettre en cause la notion d'espace, pour qualifier les "plateformes".

Pour l'instant l'on connaît peut-être la plateforme comme un fait, mais en Droit l'on ne sait pas ce que c'est. Un marché ? Une place ? Un point d'intersection ? Il est possible que l'on puisse réduire la plateforme à être un marché, au sens le plus traditionnel du terme, la place du marché où chacun peut se rencontrer et se dire avant tout bonjour, se regrouper en communautés. Une place de village plutôt qu'une place financière. Peut-être qu'il existe plusieurs sortes de plateformes, non pas selon les objets concrets qu'on vient y chercher ou y proposer car la plateforme se repère plutôt par celui qui la tient mais plutôt : par la technologie utilisée ? par le degré de connaissance de la personne qui y entre ? par le degré de civilisation qui y règne ? 

Ces espaces que sont les places, les moteurs de recherches ou les réseaux sociaux sont-ils en Droit réductibles à une seule notion, de sorte qu'on puisse leur appliquer le même régime ? Lorsque les entreprises croisent leurs données, par exemple entre un média et un réseau, étant propriétaires des deux, le Droit appréhende la situation différemment suivant qu'il y voit deux espaces qui communiquent ou qu'un seul espace déjà en fusion. 

Admettre en Droit que nous avons beaucoup à concevoir pour  "réguler les plateformes". 

 

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30 juin 2018

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Ce working paper sert de base à un article paru dans le Recueil Dalloz.

Il est également disponible en version anglaise (en cliquant sur le drapeau britannique).

Le Droit de la Compliance est une branche du Droit si récente que certains doutent encore de son existence-même!footnote-1272.

Il ne s'agit pas ici de reprendre cette question, ni celle si souvent évoquée de la "définition" de la Compliance et du Droit qui va avec ou de la traduction qui lui est adéquat.

L'objet de la réflexion est plutôt d'observer le mouvement qui est parti des exigences de Droits sectoriels précis, comme le Droit financier, le Droit bancaire, qui correspondent indéniablement à des "secteurs", le Droit de la Compliance étant ainsi le prolongement du Droit de la Régulation!footnote-1270, prolongement qui métamorphose celui-ci, pour s'étendre désormais au-delà des secteurs régulés!footnote-1271.

 

LES CONSÉQUENCES SUR LES ENTREPRISES D'UN DROIT DE LA COMPLIANCE

AU-DELA DU DROIT DE LA REGULATION

 

Lire la suite en dessous.

 

1

Frison-Roche, M.-A., Le Droit de la Compliance, 2016.

2

Frison-Roche, M.-A., Du Droit de la Régulation au Droit de la Compliance, 2017, et les références citées. 

3

Frison-Roche, M.-A., Compliance : avant, maintenant, après, 2017.

22 mai 2015

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Le Conseil constitutionnel vient de rendre une décision sur QPC, UBER, le 22 mai 2015.

Par une loi du 1ier octobre 2014, souvent appelée "Loi UBER" tant il s'agissait d'une loi ad hoc, le Parlement avait voulu réserver aux seuls taxis le droit de pratiquer l'activité de transport de personnes à titre onéreux dans un véhicule de moins de 10 personnes par la technique dite de la "maraude", c'est-à-dire en roulant ou en stationnant sur la voie publique, en allant à la rencontre du client, sans réservation préalable ou contrat avec le client final.

Parvenu jusqu'au Conseil constitutionnel par plusieurs QPC, articulées sur des moyens plus ou moins solides, UBER se prévalait notamment de la liberté d'entreprendre et de la liberté d'aller et de venir.

En effet, comment le Législateur peut-il ainsi porter atteinte à ces deux libertés constitutionnelles majeures ? Un entrepreneur ne peut-il pas circuler dans une ville en attendant qu'un client l'appelle, sans avoir à se soumettre à la procédure administrative d'autorisation de stationnement ? N'exerce-t-il pas la liberté constitutionnelle d'entreprendre ?  De la même façon, sur un terrain moins économique, c'est la liberté d'aller et de venir, formulation de la Déclaration de 1789, que l'on désignerait  aussi comme la "liberté de circulation" dans le vocabulaire de l'Union européenne, qui fonde juridiquement cette technique de la "maraude".

Pour admettre ces deux atteintes faite par la Loi à ces deux libertés constitutionnelles, il fallait donc une justification par un "ordre public en rapport avec l'objet de la Loi".

Et là, le lecteur de la décision n'est pas déçu ...

27 mars 2015

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La question du coût de la régulation est une question récurrente.

On peut s'en plaindre concrètement, lorsque les entreprises protestent à propos du "coût de la régulation" ou qu'on le prenne comme objet d'études, à travers le calcul coût/avantage.

Une question pratique de grande importance est de savoir s'il s'agit d'une "question juridique" ou non.

La "juridicité" d'une question se définit par le fait qu'en discuter a un effet sur la solution d'un litige devant un juge. Cette définition concrète, partant du pouvoir du juge, liant la nature de la règle (ici la balance entre le coût et l'avantage) à l'efficacité de sa décision devant le juge, à sa prise en considération par celui-ci dans la décision qu'il prendra, a été proposé en France par Carbonnier. Elle s'oppose à une définition du droit par la source, par l'auteur de la règle, qui repère le droit par exemple à travers la loi, puisque celle-ci est adoptée par le Législateur, source répertoriée du droit.

La première définition, plus sociologique, plus souple, donnant la part belle au juge, correspond mieux à un droit qui donne plus de place à l'Ex post et au juge. Il est logique qu'on en trouve davantage de manifestations dans les systèmes de Common Law.

Or, la question du coût/avantage est actuellement débattue devant la Cour suprême des États-Unis, à propos de la dernière réglementation environnementale, adoptée par l'Environment Protection Agency (EPA). Elle est une question de droit. Elle est sous l'empire du juge.

Car c'est sous cet angle que le Président Barack Obama en novembre 2014 a demandé une régulation très coûteuse,  et c'est sous son impulsion que l'Environmental Protection Agency a conçu des textes. En effet, la pollution de certaines centrales électriques est la cause d'asthme et il a posé en impératif de santé publique de lutter par une Régulation qui se traduit par un coût direct sur les producteurs. Les régulations adoptées en 2012 leur coutent 9 millions $, celles à venir pouvant se traduire par des milliards portant directement sur les entreprises. Le Président a insisté en affirmant que la santé des enfants n'avait pas de prix.

En contestant celles de 2012 devant la Cour suprême, dans le cas Michigan v/ EPA, c'est les autres que les Etats conservateurs et les entreprises ont en tête car c'est le principe qui est posé : un Régulateur a-t-il le droit d'adopter des mesures très "coûteuses" lorsque l'avantage, si acquis soit-il, est de faible ampleur au regard des coûts ?  La Cour suprême qui, ayant choisi de traiter le cas, a écouté le 25 mars 2015, les arguments des uns et des autres.

Il s'agit d'intégrer dans la notion constitutionnelle de "nécessité de la loi" le calcul "coût/avantage". C'est un point essentiel car la notion de "nécessité de la loi" est une notion commune aux Constitutions de nombreux pays.

Or, non seulement les juges dits "conservateurs", comme le juge Antonio Scalia, a pris position a estimé qu'il était fou de pas "considérer" le coût des nouvelles régulations par rapport aux bienfaits attendus sur la santé, mais encore le juge Stephen Breyer, dit "progressiste", a estimé "irrationnel" que le Régulateur environnemental ne se soit pas arrêté à un tel déséquilibre entre le coût et l'avantage.

Il est vrai que Justice Breyer avant d'être juge était professeur de droit de la concurrence à Harvard.

L'arrêt sera rendu en juin.

18 février 2015

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Article publié dans The Journal of Regulation.

Le 17 février 2015, comme pour le précédent "Contrat de Régulation", l'entreprise Aéroport de Paris (ADP) a mis sur son site à disposition de tous "pour consultation" le projet de "Contrat de Régulation Économique" pour la période 2016-2020.

Publié dans la foulée de la réunion du Conseil d'administration d'ADP, le texte est présenté comme un outil en "faveur de la place de Paris", et plus particulièrement en faveur du transport aérien.

Cela montre que le document s'adresse avant tout aux investisseurs et aux marchés financiers, le document étant placé sur le site de l'entreprise dans la rubrique destinée aux "investisseurs".

Cela illustre l'évolution depuis les traditionnels "contrats de plan". Mais dès lors, qui sont les parties à ces types de contrat ?

En effet, l'expression même de "Contrat de régulation" est nouvelle. Elle paraît la modernisation du "Contrat de plan". Mais celui-ci, dont la nature contractuelle fût finalement reconnue par le Conseil d'Etat, n'avait pour partie que l'Etat et l'entreprise en charge d'un service public.

Parce qu'il est de "régulation économique", le projet de contrat ouvert à consultation publique exprime plutôt de la part de l'entreprise, ici celle qui assure la gestion des aéroports parisiens, sa vision pour le futur du développement de l'infrastructure essentielle qu'est l'aéroport comme coeur du développement mondial du transport aérien.

L'entreprise au coeur du contrat (plutôt que l'Etat), dans la fixation des objectifs des 4 années qui viennent correspond à la lettre et à l'esprit de la Loi du 20 avril 2005 relative aux aéroports, qui a mis le dispositif de ce Contrat de Régulation Economique en place.

En cela, le gestionnaire d'infrastructure est placé par la loi comme un "régulateur de second degré", comme peut l'être une entreprise de marché financier. L'entreprise qui gère et développe les aéroports parisiens entre sans conteste dans la catégorie des "entreprises cruciales", puisqu'elle dispose ainsi de l'avenir du secteur, et contribue à conserver à la France une place dans le monde.

Plus encore, A.D.P. se comporte effectivement comme un régulateur, puisque c'est elle qui procède à la "consultation publique", le document de consultation élaboré par elle.étant placé sur son site et développant ses ambitions pour le secteur et pour la France. Mais A.D.P. s'exprime aussi comme un acteur économiques et financières, soulignant le contexte de concurrence réclamant au passage plus de stabilité et de lisibilité dans la régulation dans laquelle elle se meut ...

Mais le mécanisme de consultation prévu par les texte ne peut être que plus complexe. En effet, ADP ne peut être juge et partie. C'est pourquoi si le projet suscite des observations, celles-ci doivent être formulées non pas auprès d'ADP mais auprès des ministères chargés de l'Aviation et de l'Economie, dans un délai d'un mois, lesquels en communiquent la teneur à ADP.  Puis, la Commission consultative aéroportuaire sera consultée.  C'est au terme de ce processus que le Contrat de Régulation Economique sera signé.

A voir la fin du processus, l'on demeure dans la logique des contrats de plan, puisque ce Contrat de Régulation Economique reste signé entre l'Etat et le gestionnaire de l'infrastructure essentielle. Mais le processus de consultation montre qu'en premier lieu les investisseurs à l'égard d'une entreprise par ailleurs privatisée et présentant son projet avant tout en terme de développement concurrentiel et international et qu'en second lieu les compagnies aériennes qui utilisent quotidiennement les services de ces aéroports, que le célèbre arrêt ADP a soustrait au droit de la concurrence, sont pourtant également directement concernés.

Les compagnies aériennes protestent contre l'augmentation de l'argent qui va leur être demandé. Cela va leur être imposé, puisqu'il s'agit de "redevance" et de "politique de tarification". Nous sommes bien dans l'unilatéral. Mais c'est bien un "prix" qu'elles ont l'impression de payer, entendant par ailleurs un discours faisant référence à la concurrence dans ce qui est présenté comme un "contrat".

Mais dès lors, ne faudrait-il pas admettre que ces "contrats de régulation économique" se font non pas entre deux parties que sont l'Etat et ce régulateur de second degré qu'est le gestionnaire de l'infrastructure, mais doivent se faire à trois, l'Etat, le gestionaire de l'infrastructure et les "parties prenantes", que sont ici principalement les compagnies aériennes ?

Cette difficulté pratique tient beaucoup au fait que la qualification de "contrat" a du mal à se justifier dans un mécanisme où prévalent des mécanismes unilatéraux.