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► Référence complète : M.-A. Frison-Roche, "Ne pas confondre process de conformité et Droit de la Compliance: les conséquences pratiques", Newsletter MAFR Law, Compliance, Regulation, 5 mai 2024
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► Résumé de la News : Réduire la Compliance à des process de conformité peut être fatal aux entreprises.
La lecture de l'ouvrage de Norbert Alter sur le management dans un double mouvement qui a consisté, selon l'auteur, d'un côté à assécher le fonctionnement des entreprises à n'être plus que process et contrôle et de l'autre côté à injecter des apprentissages d'éthique, de bienveillance, de souci d'autrui, a été néfaste en ce que le premier mouvement a systémiquement détruit le sens, sens qu'il est si difficile ensuite d'inculquer.
Cela est très instructif si l'on reprend cela dans la perspective juridique : en effet, cela correspond à ce qui se passe entre le Droit de la Compliance et les process de conformité.
Dans ce dernier cas, l'on peut même considérer que c'est la "responsabilité" au sens juridique qui est en jeu : l'entreprise engagerait sa responsabilité à la moindre défaillance du process de non conformité, alors que le Droit de la Compliance, branche téléologiquement construite sur les Buts Monumentaux qui en constituent les normes juridiques (préservation des systèmes, par exemple systèmes bancaire, financier, sanitaire, énergétique, numérique, climatique, etc.), n'implique qu'une obligation de moyens. Ce que le Droit de la Compliance impose à l'entreprise n'est pas de suivre à la lettre et aveuglement des process, mais de montrer, selon une trajectoire, les effets déjà obtenus et qu'il est raisonnablement plausible qu'elle obtienne dans le futur. En cela, l'obligation de compliance est essentiellement une obligatoire probatoire.
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📧lire l'article publié le 5 mai 2024 dans la Newsletter MAFR - Law, Compliance, Regulation ⤵️
Sans l'écho qu'en a donné le post de Jean-Philippe Denis, je n'aurais pas pensé à lire ce livre que Norbert Alter, Pour en finir avec le Machin. Les désarrois d'un conseil en management, vient de faire paraître sur les possibles perversités du "management".
Ce n'est pas un "pamphlet", contrairement à ce qu'annonce la couverture : est menée une description de la façon dont on conseille les entreprises pour organiser la façon dont chacun doit y travailler pour que l'entreprise fonctionne bien et que son activité corresponde à ce que l'on attend d'elle.
L'auteur observe deux mouvements qui se détruisent l'un l'autre (comme il a choisi d'avoir le verbe haut, l'on pourrait dire qu'ils se massacrent l'un l'autre) : d'abord un mouvement consistant à assécher tout ce qu'il y a de spontané, en mettant en place des process et des contrôles, puis un mouvement consistant à inventer ou à réinjecter du sens commun, de l'éthique et autre bienveillance, c'est-à-dire tout ce que le premier mouvement a détruit.
L'auteur observe que ce sont généralement les mêmes consultants qui conçoivent les deux mouvements et les appliquent aux entreprises, lesquelles n'en finissent donc jamais de brider et de débrider ceux qui travaillent pour elles.
Dans ce livre étonnant, il montre que réduire le fonctionnement d'une entreprise à des process est une catastrophe. Et qu' "enseigner l'éthique, la bienveillance et le sens du bien commun" n'a guère de succès. Mais que cela devient requis dès l'instant que les process en a détruit l'expression.
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C'est pertinent. Mais, par ailleurs, les entreprises ne s'organisent pas toutes seules et les exemples pris par l'ouvrage d'organisation spontanée et efficace, très illustratifs sont le plus souvent à l'échelle d'un petit élément de l'entreprise. Cela ne remplace pas la stratégie (ce terme est certes récusé par l'ouvrage) globale de l'entreprise.
Sans doute s'agit-il aussi de la façon dont les entreprises appliquent les règles extérieures qui les gouvernent. Car les salariés ne disposent pas entièrement des réglementations et les marges de manœuvres qui leur sont laissées dépendent aussi de celles laissées par la loi aux dirigeants eux-mêmes.
Cela mène sur le terrain du Droit, qui n'est pas celui de l'ouvrage, mais qui, sur la lancée, mérite d'être pris sur le même tracé.
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En effet, l'observation sur laquelle ce livre est construit est instructive si l'on constate ce qui se passe à propos du Droit de la Compliance, qui implique le rapport entre l'entreprise, ce qui est décidé de ce qu'elle va faire pour l'avenir (car même si l'avenir est inconnu, il y a des décisions prises sur celui-ci, en Ex Ante donc) et les lois qui, par nature, visent ce même avenir (ce que dans les entreprises l'on appelle le plus souvent la "réglementation").
Assez souvent, l'on présente aux entreprises la compliance comme l'obligation de "se conformer à l'ensemble de la réglementation qui leur est applicable". C'est le même type d'erreur qui celui décrit par l'ouvrage de management susvisé, et les conséquences pratiques sont analogues.
pour en savoir plus➡️🧱M.-A. Frison-Roche, 📝Compliance et conformité : les distinguer pour les articuler, 2024
En effet, beaucoup confondent cette nouvelle branche du Droit avec ce qui serait la conformité, c'est-à-dire l'obéissance, le contrôle et les process généralisés afin que l'obéissance à toute la réglementation applicable soit obtenue par tous, à tout instant et en tout lieu (ce qui est impossible), sauf à ce que la responsabilité de l'entreprise ne soit engagée (ce qui est donc inévitable) : l'entreprise est ainsi en "risque de conformité" permanent. Elle dépensera toujours pour diminuer ce risquer, tout en maudissant les "réglementateurs".
Puis, les mêmes auteurs ajoute qu'il faut ajouter à cette "conformité", de l'éthique pour qu'il y ait du "sens", de la considération pour les "générations futures", et que des valeurs morales imprègnent chacun.
Ce double mouvement, que l'on observe donc dans les faits dans beaucoup d'entreprises, parfois à la demande des Autorités, fonctionne mal en pratique. Et coûte très cher, avec parfois peu de résultats.
pour en savoir plus➡️🧱Ch. Lapp, 📝La compliance dans l'entreprise : les statuts du process, 2023
En effet, le Droit de la Compliance se distingue de la conformité, qui n'est qu'un de ses outils. Le Droit de la Compliance a pour définition de fixer des Buts, qui sont des ambitions très élevés : préserver la solidité des systèmes (bancaires, financiers, numériques, climatiques, énergétiques, etc.) et les rendre durables. La normativité juridique du Droit de la Compliance est dans ces buts monumentaux.
La vigilance en est la pointe avancée.
pour en savoir plus➡️🧱M.-A. Frison-Roche, 📝Penser et manier la vigilance par ses buts monumentaux de compliance, 2023
Ce que l'on demande à l'entreprise n'est pas de tout contrôler, de tout savoir, de tout anticiper, de réduire les personnes dont elle doit répondre à des agents mécaniques qui, s'ils ne cochent pas toutes les cases, engageraient la responsabilité de l'entreprise (perspective qui serait inévitable, et pourrait être fatale...; le droit de la compliance cessant de se déployant dans un droit économique libéral).
L'entreprise doit tendre vers la réalisation de ces Buts Monumentaux, ayant été choisie comme sujet de droit de la Compliance parce qu'elle est "en position" de concrétiser ces buts-là.
Pour cela, elle choisit les modes qui lui parait le plus adéquats (obligation de moyens) et rend compte de ce que cela produit (obligation probatoire).
pour en savoir plus➡️🧱M.-A. Frison-Roche, 📝Le juge, l'obligation de compliance et l'entreprise. Le système probatoire de la Compliance, 2023
Les conséquences pratiques de la distinction entre le Droit de la Compliance et les process de conformité sont donc essentielles. Elles font écho à la démonstration de cet ouvrage de gestion.
S'il ne s'agissait que de se conformer en tout point à toute réglementation, c'est affaire d'algorithmes (qui peut-être sont apte à cocher toutes les cases) : s'il s'agit de Compliance, alors il faut que compétence juridique et compétence de gestion se rapprochent.
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