18 novembre 2024

Conférences

Conférence

🎤Les spécificités à concevoir dans l'audience publique des contentieux systémiques de vigilance, in 🧮Le Droit processuel de la Vigilance

par Marie-Anne Frison-Roche

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► Référence complète : M.-A. Frison-Roche, "Les spécificités à concevoir dans l'audience publique des contentieux systémiques de vigilance", in Le Droit processuel de la Vigilancein cycle de conférences-débats "Contentieux Systémique Émergent", organisé à l'initiative de la Cour d'appel de Paris, avec la Cour de cassation, la Cour d'appel de Versailles, l'École nationale de la magistrature (ENM) et l'École de formation des barreaux du ressort de la Cour d'appel de Paris (EFB), sous la responsabilité scientifique de Marie-Anne Frison-Roche, 18 novembre 2024, 11h-12h30, Cour d'appel de Paris, salle René Cassin

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🎤Lire aussi la présentation de l'autre intervention que je prononce précédemment dans cette conférence, intervention sur le thème : "Choix et embranchement de compétence lorsqu'un enjeu de vigilance est allégué". 

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🕴️Intervient également à cette conférence Natalie Fricero, Professeure émérite de l'Université Côté d'Azur

🧮consulter le programme complet de cette manifestation

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⚙️Cette manifestation a été conçue comme un élément du cycle de conférences-débats "Contentieux Systémique Émergent", organisé à l'initiative de la Cour d'appel de Paris, avec la Cour de cassation, la Cour d'appel de Versailles, l'École nationale de la magistrature (ENM) et l'École de formation des barreaux du ressort de la Cour d'appel de Paris (EFB), sous la responsabilité scientifique de Marie-Anne Frison-Roche.

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► Résumé de cette intervention : Les réflexions sur la façon dont l'audience doit être spécifiquement conçue lorsque le cas porte sur un contentieux systémique de vigilance. Elles ne développent pas ce qui lui est commun à toutes les audiences mais ont pour objet ce en quoi précisément cette audience-là pourrait se distinguer des autres audiences, en ce que le cas de vigilance sur le case l'audience se déroule, en ce qu'il est de nature systémique, est de nature différente des autres cas contentieux.

L'intervention de 10 minutes est construite en 4 points, qui s'articulent progressivement les uns avec les autres. Le premier point porte sur la nécessité de tenir compte procéduralement dans la tenue de l'audience de la dimension médiatique du contentieux systémique de la vigilance. Le deuxième point porte sur la nécessité de faire place dans l'audience aux parties à l'instance au-delà des parties au litige, car les parties à l'instance fait faire comprendre les enjeux systémique et formuler les besoins des systèmes, notamment les besoins futurs. Le troisième point porte sur la détermination des personnes apte à parler à l'audience au nom des systèmes et à la détermination de qui invite celles-ci. Le quatrième point porte sur la menée de l'audience, en ce qu'elle pourra se démarquer des autres audiences, et notamment emprunter à des techniques pour l'instant développées dans les audiences d'arbitrage international. 

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🔓Lire ci-dessous les lignes de force de la conférence⤵️

I. TENIR PROCÉDURALEMENT COMPTE DE LA DIMENSION MÉDIATIQUE DU CONTENTIEUX SYSTEMIQUE DE LA VIGILANCE DANS LA TENUE DE L'AUDIENCE

Ces contentieux systémiques sont fortement médiatiques, les stratégies des demandeurs consistant ouvertement à concevoir le procès "juridique" comme venant en appui à une demande plus générale de reddition des comptes qui se déroule ailleurs, par exemple sur la scène politique, dans les médias et les réseaux sociaux.

C'est pourquoi le caractère public de l'audience est essentiel, parce que le contentieux de Vigilance est un "contentieux public", du début jusqu'à la fin. Les portes doivent en être ouvertes.

La menée doit en être pédagogique puisque l'audience dépasse les personnes physiquement présentes : les "cercles pérelmaniens" sont actifs.

Les Régulateurs ont l'habitude de cette dimension pédagogique de leur office. Les juges spécialisés des contentieux systémiques émergents doivent aussi l'intégrer.

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II. DANS L'AUDIENCE, FAIRE PLACE AUX PARTIES A L'INSTANCE AU-DELÀ DES PARTIES AU LITIGE

Corrélé au premier point,  parce que le système impliqué est au cœur, l'audience doit faire place aux "parties à l'instance" au-delà des parties au litige. Il faut ici revenir à la définition même du contentieux systémique, dont la vigilance est un champ : c'est un cas dans lequel un ou des systèmes sont impliqués, dans un état présent et/ou futur (cf. 1ière conférence du cycle sur la définition du Contentieux systémique émergent).

C'est pourquoi ils doivent être présents. Il doivent être présents à l'audience. Comme un système, par exemple le système, qui constitue "l'arrière-litige" (céfinition donnée par Thibault Goujon-Béthan, notamment dans la conférence du cycle portant sur les techniques probatoires),  peut-il être présent à l'audience ?

Chaque partie au litige va prétendre, l'une et l'autre, qu'elle le représente. Par exemple qu'elle représente les "générations futures", en subjectivisant le système. C'est un point essentiel parce que les systèmes sont plutôt "taisants". Or, comment et qui parle pour les systèmes, surtout s'il ne s'agit pas que des systèmes régulés, s'il s'agit aussi des systèmes sociaux, s'il s'agit des systèmes sociaux des pays dans lesquels les infrastructures contestées se déploient ?

L'expression des demandes du système économique et social est l'affaire du ministère public. Pour l'instant il est taisant. Sans doute parce qu'il est davantage dans le Droit pénal. Alors que les causes systémiques, parce qu'elle relève du Droit processuel, même si elles sont portées devant le juge civil, ou commercial, appelle sa présence.

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III.LA DÉTERMINATION DES PERSONNES APTES A PARLER AU NOM DES SYSTÈMES ET DÉTERMINATION DE QUI LES INVITE À L'AUDIENCE

Même si l'on en admet le principe et plus concrètement, encore faut-il déterminer ceux qui peuvent venir parler à l'audience publique d'une façon pertinente pour les systèmes impliqués afin d'expliquer les besoins de ces systèmes (un seul peut être impliqués, ou plusieurs - systèmes énergétique et climatique et bancaire et social), apparaissant ainsi comme parties à l'instance, comme experts, comme amis du Tribunal.

Il y a immédiatement beaucoup de candidats. Plus le juge a de pouvoirs et plus il a d'amis.

Les réflexions n'en sont qu'à leurs débuts sur ce point et l'expérience américaine n'est pas forcément un bon guide parce que l'étude des pratiques a montré que si le juge ne tient pas le choix, alors le mise en débat des opinions ne suffit pas à compenser cette absence initiale de maîtrise des "invitations".

Les parties au litige prétendent, l'une et l'autres, être les mieux placées pour exprimer les besoins du systèmes et des personnes qui y sont ou y seront situées. Cela peut être vrai, car avoir un intérêt dans le litige ne signifie pas que l'on ait de ce seul fait tort. Mais cela n'est pas un gage incontestable de pertinence.

C'est davantage la différence d'objet qui distingue la partie au litige et la partie à l'instance car le litigant veut gagner alors que celui qui connaît le système peut expliquer celui-ci. Le système n'est pas que technique, comme l'exprime l'intitulé de la Chambre Régulation économique, sociale et environnementale et une question ouverte est celle de savoir qui parle pour le pays dont la "société civile" est peu audible.

Dans l'usage procédural des amici curiae auquel cette ouverture de l'audience mène, l'attitude du juge est déterminante : doit-il accueillir les candidatures spontanées, les filtrer ou être le maître des invitations ? Dans une conception où le juge est maître de l'audience, il devrait avoir vocation à être maître des invitations, dans un modèle qui s'ouvre à ce débat au-delà du litige mais qui ne laisse pas les parties maîtresse d'une instance où le sort des systèmes est en jeu.

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IV. LE MODELE CONTRE-INTUITIF DE L'AUDIENCE DE L'ARBITRAGE INTERNATIONAL

Si  l'on admet la nature même de ces contentieux de vigilance en tant qu'ils sont des contentieux systémiques guidés par les buts monumentaux sur lesquels les textes sont basés (rétablir l'équilibre climatique, protéger les êtres humains qui sont dans les systèmes technologiques et les chaines mondiales d'activités) en comprenant ces dimensions humanistes et globales, le juge arrivant à les comprendre et à les faires comprendre, l'audience étant un élément essentiel pour cela, en ce qu'elle est publique, longue, orale, construite sur le débat contradictoire, techniques procédurales permettant que des solutions puissent éventuellement se dégager (des médiations sont toujours possibles, des engagements sont toujours possibles),

c'est sans doute dans les techniques de l'arbitrage international que l'on peut trouver des solutions spécifiques. Cela peut paraître contre-intuitif puisque  l'arbitrage international se déroule plutôt dans l'isolement d'un contrat, dans la confidentialité, tandis que la vigilance peut prétendre prendre en charge avec éclat le destin du monde.... 

Mais la chambre 5-12 de la Cour d'appel de Paris est en miroir de la chambre internationale. Il faudrait ainsi non seulement admettre que le débat porte aussi sur l'interprétation du Droit, que les avis en Droit ne soit pas seulement par des portes qui demeurent bien étroites des consultations mais soient exposées en public, la prohibition des legal opinions étant préjudiciable dans une branche du Droit en construction,

l'absence de questionnement des consultants par le Tribunal et les 2 parties l'étant également. Les avis devant pouvoir porter sur toute question, afin que la technicité de la situation, qui a justifié la spécialisation des juges, via la création des chambres spécialisées, puisse être non seulement exposée et discutée. 

Il faudrait ainsi que des avis puissent être demandés par le Tribunal sur les effets systémiques (économique, social et environnemental), sur les effets futurs car son office portant sur le futur de tels avis exposés et discutés en public serait d'un grand appui pour lui.

Puisqu'aujourd'hui c'est le Juge qui est au centre, lui-même ne s'y attendait pas, mais cela ne fait que commencer.

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