May 4, 2011

Conferences

Participation à la table ronde "Les industries de réseaux, moteur de la croissance" in "Régulation et croissance"

by Marie-Anne Frison-Roche

Colloque organisé par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), Paris

L’on sous-estime souvent en France la place que le droit prend dans la régulation des industries de réseaux. Symétriquement l’innovation est souvent cantonnée dans le système juridique dans le droit de la propriété intellectuelle, qui est peu conçu comme une incitation à innover.

Pourtant, si l’on considère que les entreprises ont besoin pour innover d’une régulation unifiée mondialement ou au moins au niveau européen, alors le droit est un obstacle tant qu’il est conçu en intimité avec l’Etat, ce qui le cantonne dans des frontières nationales et notamment dans des régulateurs nationaux.

Mais le droit, sous sa forme la plus traditionnelle, peut être aussi une solution, grâce au mécanisme contractuel qui procure la stabilité et la projection dans l’avenir, permettant les investissements. Apparait alors comme corolaire nécessaire le juge. Cette articulation juridique correspond davantage aux traditions anglaises et nord-américaines.

Lire le programme du colloque.

Voir la conférence.

Lire la contribution écrite dans les actes publiés.

Lire ci-dessous le résumé de la contribution.

 

L’idée essentielle de la contribution est de montrer que d’un côté le droit a une grande place dans les régulations des secteurs, et donc des industries de réseaux, ce que souvent l’on sous-estime en France, mais que d’autre part le droit a du mal en tant que tel à prendre en considération l’innovation, laquelle sera mieux appréhendée par des techniques juridiques très classiques, que sont le droit des brevets, le contrat et le contrôle ex post opéré par les Autorités de la concurrence ou les juges.

En effet, lorsque l’on analyse les rapports entre la consommation et la croissance, par exemple l’aménagement de rentes suffisantes pour que s’opèrent des investissements de la part d’opérateurs dans des projets tel que le plan fibre, cela relève de la décision politique dont les textes législatifs ne sont que la traduction et non pas du système juridique en tant que tel. C’est au Politique de faire ces arbitrages et de mener une politique industrielle, laquelle n’est pas entre les mains du droit.

Si l’on examine le sujet d’un point de vue plus juridique, le rapport entre croissance et régulation fait alors apparaître le droit tout à la fois comme un problème et comme une solution.

Il apparait comme un problème parce que le droit traditionnel émane des Etats et sont donc enfermés dans les frontières souveraines, alors que les opérateurs, les marchés et les services sont globaux. Dès lors, alors que chacun s’accorde à poser que la régulation des industries de réseaux et de la convergence numérique devraient être mondiales ou à tout le moins européennes, c’est le droit, par son lien trop intime avec l’Etat, qui constitue l’obstacle premier.

En outre, même si le droit européen économique se construit depuis des décennies, la différence de culture juridique est très forte entre la Grande Bretagne, toujours tentée par l’autorégulation (exemple du secteur bancaire) et le reste de l’Europe, ce qui rend difficile un droit unifié dans ses fondements, n’étant paradoxalement semblable que dans ses détails.

Mais le droit peut constituer aussi la solution dans les relations entre régulation et croissance. Il l’opère par le plus traditionnel de ses instruments, qu’est le contrat, porté à sa perfection dès le droit romain, également naturel au droit de Common Law. Le contrat est une sorte de « petite loi » (expression du Doyen Jean Carbonnier), qui procure à la fois cette stabilité que requiert toute régulation et cette projection dans l’avenir que demande tout investissement.

Certes, dès l’instant qu’il y a un contrat, il peut y avoir exploitation de la partie faible par la partie puissante (Alain Supiot) : c’est pourquoi à tout mécanisme contractuel est associé un juge. Il est ainsi remarquable que la société nord américaine, société avant tout juridictionnalisée, faisant tout autant place au contrat qu’au juge, a abordé en premier la question de la neutralité du Net, mais que la délibération de la FCC prise en la matière a été par la suite annulée par un juge.

Dans une économie mondialisée mais qu’il faut pourtant réguler, on s’aperçoit que c’est à base de contrats qui accueillent plus facilement les innovations et la constitution de rentes que les secteurs peuvent s’organiser, mais sur la surveillance des juges, soit les juridictions , soit les Autorités ex post juridictionnalisées que sont les Autorités de concurrence. Dont acte que cette évolution engendrée par la technologie, l’effondrement des frontières et les comportements sociaux correspond de fait à des conceptions  contractuelles et juridictionnalisées.

 

 

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