La pratique de la maternité de substitution (GPA) donne lieu à des contentieux, qui vont se multiplier.
Les premiers ont concerné la reconnaissance de la pratique par les systèmes juridiques, opposant donc les personnes qui y ont recours et les États qui prohibent cette pratique, les premiers assignant les États pour que ceux-ci confèrent une efficacité juridique à cette pratique à travers un lien de filiation entre l'enfant et ceux qui ont demandé sa venue au monde, même si l'Etat prohibe la convention de gestation pour autrui en tant qu'elle constitue une atteinte à la dignité de la personne de la femme et de l'enfant.
Tandis que ce contentieux continue entre les Etats et ceux qui veulent la légalisation de cette pratique au nom du droit à la vie privée, on observe une série de procès entre les parties à l'arrangement.
Il peut s'agir du couple qui se dispute après la venue au monde de l'enfant car ils ont divorcé pendant le temps que la grossesse se déroule : par exemple l'ex-épouse ne veut plus entendre parler de cet enfant qui n'a aucun lien avec elle et surtout ne veut rien payer pour lui, leur seul lien étant la commande qu'elle en a faite à la mère-porteuse.
Il peut s'agir aussi de l'application de la clause-type d'un contrat de mère-porteuse, selon laquelle c'est le parent d'intention qui décide d'une éventuelle IVG. Quid si la mère-porteuse refuse ? Perd-elle tous des droits, notamment pécuniaires, comme le stipule le contrat ?
En Californie une mère-porteuse saisit le juge et invoque la Constitution pour échapper aux stipulations contractuelles :
Dans un contrat les parties sont libres de prévoir leurs obligations respectives. Certes, la femme qui porte l'enfant et qui est donc sa mère, au minimum sa mère biologique, a le pouvoir de fait de décider si elle interrompt ou si elle n'interrompt la grossesse, même si les cocontractants ont pris le seul titre de "parents de l'enfant" : si ceux-ci veulent que l'embryon devienne un enfant et que la femme décide de recourir à une IVG ou s'ils veulent qu'ils y ait une IVG et qu'elle ne le veut pas, ils pourront se prévaloir de tout l'appareillage juridique imaginable, rien ne pourra aller contre le pouvoir de fait, souvent souligné par Françoise Héritier, de la femme sur son propre corps, qui faisait qualifier l'enfant par le Droit romain comme pars mulieris.
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L'affaire se passe en Californie. Un homme seul décide d'avoir un enfant. Il prend donc les services d'une femme, qui fera office de mère-porteuse. Comme cela est courant, et comme celle-ci est déjà âgée pour engendrer (46 ans), 3 embryons fabriqués à partir du sperme du client et d'ovocyte d'une jeune donneuse, sont donc implantés. L'enfant va lui coûter 33.000 $.
Mais il se trouve que les trois embryons se développent. Le cocontractant demande donc une réduction embryonnaire. Mais la mère-porteuse refuse. Pourquoi ? Celle-ci affirme que c'est par conviction, excluant tout avortement et proposant d'adopter à la naissance ce troisième enfant non désiré. Cela pourrait être également par appât du gain, car à chaque enfant supplémentaire, elle touchera 6000 $ de plus. Ainsi, pour une seule grossesse, à la "délivrance", elle touchera 30.000 +6.000 +6.000 = 42.000$.
La bataille judiciaire prend de l'ampleur, puisque les avocats de la mère-porteuse affirme que la loi californienne qui organise les conventions de gestation pour autrui n'est pas conforme à la Constitution américaine, tandis que les avocats du père biologique se prévalent alors du contrat qui le lie à la mère-porteuse, pour la contraindre à procéder à cette réduction embryonnaire. Il y a urgence, car l'IVG est autorisé en Californie jusqu'à la 20 ième semaine et la mère a fait connaître son refus à la 17ième semaine.
Les avocats ont des arguments juridiques pour infléchir le pouvoir de fait que la mère-porteuse a sur son propre corps, car une clause du contrat de gestation pour autrui stipule que si elle ne procède pas à l'IVG demandé par le "parent d'intention", alors non seulement elle ne recevra plus aucune rémunération mais encore elle pourra être poursuivie en justice pour que soient mis à sa charge tous les frais engendrés par la venue au monde de l'enfant non-désiré.
Ces dommages et intérêts contractuellement prévus sont effectivement logiques puisque cela sera bien de son fait que l'enfant sera à la charge de son père biologique. Or, ici celui-ci avait demandé à être l'heureux père d'un ou deux enfants et non de trois. Il subit donc un dommage contractuel, dont l'exercice par la femme de son droit de disposer d'elle-même est la cause.
Devant le juge californien, les deux parties à la convention de gestation pour autrui se disputent désormais. Non plus pour obtenir de la mère-porteuse qu'elle obtempère - car les délais légaux pour l'IVG sont dépassés -, mais pour la question des dommages et intérêts, c'est-à-dire l'application du contrat, et pour l'attribution des droits parentaux.
En effet, depuis ce premier incident les trois enfants sont nés le 22 février 2016.
La mère-porteuse a demandé en justice qu'on lui reconnaisse les droits parentaux sur ceux-ci et non pas au "père d'intention", estimant qu'on ne peut pas qualifier de "père d'intention" quelqu'un qui a demandé l'élimination de l'un des trois enfants qu'il a reçus, tandis qu'elle a tout fait pour les préserver.
Le père biologique quant à lui a demandé à être qualifié comme père des trois enfants et que la mère-porteuse n'ait aucun contact avec les trois enfants, puisqu'elle n'est rien à leur égard.
Le juge californien a accordé la qualité de parent à l'homme à l'égard des trois enfants. L'avocat de la mère-porteuse a immédiatement fait appel du jugement.
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A travers ce cas, l'on mesure qui agit et comment les avocats alimentent les contentieux.
C'est ici la mère-porteuse qui agit.
En effet, le père biologique reste dans le droit des contrats dont il demande l'application, tout d'abord en demandant à la mère-porteuse, cocontractant, de respecter son engagement, en se soumettant à une réduction embryonnaire, puis devant le refus de celle-ci, en lui indiquant qu'elle ne recevra pas sa rémunération, là encore en application des stipulations contractuelles ;
C'est la mère-porteuse, aidée par son avocat, qui saisit le tribunal, c'est elle qui saisit la justice pour échapper aux effets contraignant à son égard de la loi californienne dont elle allègue le caractère anticonstitutionnel ;
C'est encore elle qui saisit la justice pour être déclarée "mère légale" des enfants avant leur naissance (comme cela est usuel en droit californien).
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