Référence complète : FRISON-ROCHE, Marie-Anne, L’art législatif requis par les nouvelles régulations économiques, in Règles et pouvoirs dans les régulations économiques, Série "Droit et Économie de la Régulation", Presses de Sciences Po – Dalloz, 2004, p.154-170.
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La régulation économique renouvelle l’art législatif car la loi ne peut plus s’imposer hiérarchiquement à des assujettis : elle doit convaincre des opérateurs qui en acceptent la pertinence par la démonstration qui en est faite. Ainsi, l’autorité par la rationalité a remplacé la notion classique de souveraineté. Ces nouvelles qualités du discours législatif, permet à l’auteur de la norme, notamment le régulateur de participer au "concert de la régulation". Ce nouvel art législatif doit par ailleurs tendre à accroître la cohérence interne de la régulation et l’on peut songer à une loi-cadre dans ce sens, surtout concernant les Autorités de régulation
Dans le droit applicable aux secteurs économiques régulés, on perçoit tout à la fois une nostalgie de la loi, comme si la loi classique n’y avait plus sa place et un étouffement sous le nombre des lois. Cela tient sans doute à une pvers ce qui serait un éloignement de la conception traditionnelle de la loi, principalement hiérarchique et nationale, pour aller vers un nouvel "art législatif", profondément dialogique et n’ayant plus la même intimité avec la souveraineté.
La structure pyramidale des normes s’applique mal à la régulation car les textes s’appliquent souvent par avance, les opérateurs ayant la puissance de se soustraire à la règle. Il faut alors que le système développe une nouvelle conception de l’autorité, en rechange de la souveraineté car les opérateurs ne se soumettent désormais à des règles qu’acceptées. C’est alors emprunter à des théories politiques telles que celle d’Hanna Arendt la notion d’autorité. Le législateur national, pour obtenir cette autorité, doit dès lors convaincre les opérateurs, justifier ses décisions : il devient rationnel.
Dans une distinction qui s’efface entre l’émetteur du discours et son récepteur, entre le législateur et l’assujetti, dans un "concert de la régulation", le discours législatif doit avoir de nouvelles qualités.
Avant tout, parce que le principe hiérarchique s’efface, le législateur doit se faire comprendre, rendant intelligible ce qu’il a décidé et démontrant l’utilité du dispositif pour ceux auxquels celui-ci s’applique.
Le législateur, devenant quasiment un agent stratège comme un autre, cesse de disposer dans l’instant et hors du temps pour anticiper sur les effets produits par ses dispositions, telle que le montre l’analyse économique du droit.
Cette méthode d’anticipation se fait d’une façon collective ("concert"), les Livres Verts de la Commission européenne en étant un parfait exemple.
Ce nouvel art législatif doit alors apparaître comme étant le garant de la cohérence de la régulation.
Tout d’abord la loi pourrait garantir la cohérence interne de la régulation et l’on pourrait concevoir une loi-cadre sur les régulations économiques. Dans un système juridique qui fait aujourd’hui place au principe constitutionnel d’accessibilité de la loi, cela permettrait un accès à la connaissance du système. En outre, détachant le droit de la régulation de la technicité de chacun des secteurs particuliers dont il est né, cela favoriserait son unicité d’ensemble. Une telle loi-cadre unifierait principalement le coeur institutionnel de la matière, à savoir les Autorités de régulation.
En outre, le nouvel art législatif national pourrait prendre part dans la cohérence interne communautaire de la régulation. En effet, il faut accroître la cohérence entre les différents niveaux géographiques, entre les industries de réseau et les régulations bancaires et financières. Cette cohésion permettrait de mieux mettre en lumière un élément essentiel de la régulation, à savoir l’organisation et la protection des investissements à long terme.
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