Le Droit n'est pas le reflet de la réalité concret dans sa diversité et la multitude de ses situations. Par nature, il les subsume dans ces catégories qu'il pose a priori, même s'il peut être adéquat qu'il y ait correspondance entre le contours des mécanismes juridiques et cette réalité multiples, faites de mille points et changeantes.
Ainsi le droit a construit la summa divisio de la Personne et des choses.
Cela signifie que toutes réalités doivent être soit l'une, soit les autres. Les droits n'ont pas à entrer dans ces deux catégories puisqu'ils sont eux-mêmes des inventions juridiques, nés dans l'ordre du Droit, ne se mouvant pas dans l'ordre des réalités a-juridiques.
C'est pourquoi les animaux ont du mal à trouver leur place dans cette summa divisio. Il est possible que l'inconfort de la subsomption soit devenue telle qu'il est peut-être temps de remettre en cause la summa divisio et de donner à l'animal accès à une catégorie juridique qui lui soit propre, ce qui implique un régime juridique qui lui soit propre.
Pour l'instant on ne le fait pas. En effet, si le Législateur français a affirmé que les animaux sont des "êtres sensibles", cela n'a pas de conséquences puisque c'est pour immédiatement rappeler que le régime juridique des choses corporelles leur est applicable. On en reste à l'état du droit où les animaux, petits chatons mignons ou araignées vénéneuses, sont soumis aux mêmes règles en droit français. Ce n'est pas qu'on puisse les traiter comme un objet. En cela, la pétition "Les chats ne sont pas de chaises" reposait sciemment sur une inexactitude juridique : depuis des décennies, l'animal est protégé des traitements barbares et des souffrances inutiles. C'est un délit que d'infliger de tels traitements. Mais cela n'en fait pas une Personne, titulaire de droits et d'obligations. D'autres systèmes juridiques ont franchi le pas, en conférant à certaines espèces, le dauphin par exemple, le statut de "personne non-humaine". Il n'est pas impossible que la corrida soit dans un jour prochain remise en cause.
Cette évolution peut produire un effet pervers. En psychologie sociale, l'attachement de plus en plus fort aux animaux dit "familiers"ou d'une façon plus juridique l'adhésion aujourd'hui assez fréquente aux idées antispécistes font accorder un intérêt avec anthropomorphisme, à moins que l'être humain ne soit lui-même considéré comme un animal ordinaire. Cela favorise alors la réification des êtres humains car, sauf à trouver les critères de la catégorie tierce et unifiée dotée d'un régime juridique qui serait "l'animal", soit l'animal devient une personne (avec des droits et des obligations - avec un patrimoine pour en répondre), soit l'être humain devient disponible pour que son corps tombe dans le régime des "choses disponibles", la conception occidentale du corps y ayant logé l'animalité.
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