Publication : participation dans une publication juridique collective
Référence complète : FRISON-ROCHE, Marie-Anne, Le droit à un tribunal impartial, in , CABRILLAC, Rémy, FRISON-ROCHE, Marie-Anne et REVET, Thierry (dir.), Libertés et droits fondamentaux, 18ième éd., Dalloz, Paris, 2012 p. 557-570.
L’État de Droit n'a de sens que si les tribunaux sont impartiaux, afin que les citoyens y aient la garantie de leurs droits, comme le reflète l’article 6 de la Convention Européenne des droits de l’Homme. Dès lors, le juge doit donner à voir sa neutralité, n’être pas en conflit d’intérêts, encore moins corrompu. Mais cela contredit la tendance vers une justice toujours plus humaine et personnalisée. Pour avoir les moyens de ce luxe nécessaire de l’impartialité, le système juridique doit organiser l’indépendance du juge à l’égard de l’État,dans l’acte de juger et dans sa carrière.
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L'exigence d'un juge impartial, qui paraît aujourd'hui aller de soi, enseignée comme socle du droit processuel, ancrée dans le droit positif par l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme et la Constitution, ne va pourtant pas de soi, en ce qu'elle demeure paradoxale.
En effet, il est certes acquis que la protection de la personne dans un État de droit implique que celle-ci puisse prendre la figure du justiciable pour que ses droits soient garanties par l'accès à un juge sans préjugés, faute de quoi "il n'y a point de Constitution".
Le droit positif n'a cessé d'aller de plus en plus loin dans cette exigence, notamment en passant de l'affirmation de l'impartialité subjective des juges à celle de l'impartialité objective des organismes qui jugent, les États ne pouvant se réfugier derrière le subterfuge juridique consistant à ne pas qualifier de "tribunal" un organisme qui sanctionne, par exemple une administration, pour ne pas la soumettre à l'article 6 de la CEDH.
Mais dans le même temps, tout le mouvement social de la justice la veut toujours plus "humaine", rejetant l'idée d'un juge lointain, désincarné et portant robe. Mais ce faisant, le juge redevient une personne située et ses préjugés, politiques, sociaux, culturels, etc., prennent davantage place dans son jugement.
L'équilibre est difficile.
De la même façon, il est bien sûr acquis qu'il ne peut y avoir d'impartialité de la justice sans indépendance du juge. C'est un luxe nécessaire. Le droit positif est désormais très affiné quelque soit la branche du droit procédural conservant les magistrats du siège. La question de l'indépendance du ministère public reste ouverte.
Mais là aussi l'équilibre est requis car aucun pouvoir ne peut être sans limite et l'indépendance entraîne l'immunité, laquelle ne peut équivaloir à l'irresponsabilité. La solution pour l'instant trouvée est celle de l'internalisation du système de contrôle au sein du Conseil Supérieur de la Magistrature, composée d'une majorité de non-magistrats.
Il demeure que désormais, par un tel mouvement, le pouvoir judiridictionnel existe en France. Le modèle politique en est changé.
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