Disney fait souvent dans le pédagogique. Dans Inside Out (Vice versa dans la version francophone), il fait dans les sciences cognitives.
Il s'agit dans Inside Out de montrer la façon dont l'enfant d'une dizaine d'années affronte les difficultés de la vie, nouvelles expériences et épreuves : déménagement, passage d'une petite à une grande ville, perceptions des difficultés professionnelles et financières des parents.
Elle le fait en "gérant ses émotions" : cinq personnages incarnent celles-ci dans la tour centrale désignée comme son cerveau, organisée autour d'ilots de souvenirs classés.
Les 5 émotions sont la Joie, le Dégoût, la Tristesse, la Peur et la Colère.
N'analysons pas le film en tant que tel. L'on pourrait certes se demander pourquoi le Dégoût y est présent et non pas le Désir, son contraire.
L'on pourrait gloser encore sur ce qu'entraîne dans le film le passage de l'enfant dans l'expérience imaginaire dans le hangar de la solitude où les pauvres émotions de Disney manquent de défunter sous les vagues de la "déconstruction" et du "symbolisme". Les amateurs de Derrida et autres beaux esprits n'ont pas dû apprécier (il est vrai qu'ils ne daignent pas voir les films dits "pour enfants").
Dans cette même controverse dans la culture dite populaire et la culture dite "académique", comment ne pas rire lorsque les émotions dans leur fuite surplombent la "pensée critique" qui stagne parmi les "déjà-vu" (en français dans le texte) ou donnent un coup de pied dans des cartes à jouer où sont mêlées les cartes "faits" et les cartes "commentaires" ?
La "doctrine" juridique qui aime tant se commenter elle-même pourrait s'offrir un petit gif de ces séquences-là. Un peu de "pensée critique" dans les "déjà-vu" ?
Le film débute par une courte présentation des cinq compères.
Le "sentiment du juste" n''y est pas représenté en tant que tel. Et pourtant celui-ci est si fort sous les pavés de la technique juridique ...
Un film est donc un bon moyen d'expliquer à l'enfant l'émotion de justice
N'est-ce pas à première vue étrange que la "justice" soit en quelque sorte prise en charge par l'émotion de la colère ? et qu'elle soit associée à l'impartialité ?
Non, parce que pour un enfant, la justice n'existe pas, c'est l'injustice qui existe. Comme l'a si bien expliqué Serge Lebovici dans son article : "C'est pas juste"
Dès lors, l'enfant ne perçoit la justice que sous la forme réactive du contraire de l'injustice, l'injustice dont il se ressent comme la victime. De la même façon qu'il ne perçoit l’impartialité que sous la forme réactive de son contraire : la partialité, c'est-à-dire le fait d'être traité injustement par un tiers, d'être traité inégalement par celui qui va disposé de lui par rapport à son frère. C'est le plus grave pour un enfant.
Comme l'enfant est sans force, c'est alors sur le "cheval" de sa Colère que la justice et sa sœur jumelle, pour reprendre la formule de Jhering, peuvent prendre place.
Frison-Roche, M.-A., Le juge et le sentiment de justice, 2002.
V. aussi pour la littérature, Frison-Roche, M.-A., L’injustice racontée aux enfants. De la littérature au droit, in "L’avenir du droit" (Mélanges François Terré) ,1999.
Lebovici, S., C'est pas juste, in Baranès, W. et Frison-Roche, M.-A., La justice. L'obligation impossible, 1994.
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