GOUBEAUX, Gilles🕴️
►Référence complète : G. Goubeaux, "Le droit à la preuve", in Ch. Perelman et P. Foriers, (dir.), La preuve en droit, Travaux du centre national de recherche logique, Etablissements Emile Bruylant, 1981, p.277-301.
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► Résumé de l'article : Cet article est très important car l'auteur attaque la présentation traditionnelle du système probatoire à travers la notion de "charge" de preuve. Il y soutient que le cœur du système est bien plutôt le "risque de preuve", c'est-à-dire la désignation de celui qui succombera si la preuve n'est pas rapportée. Mais celui qui supporte le risque n'est pas nécessairement celui qui supporte l'obligation de prouver.
Ainsi, le juge peut exercer le pouvoir de prouver, l'autre partie ou un tiers peuvent avoir l'obligation de prouver, même si le demandeur à l'instance (article 1315 du Code civil) ou le demandeur à l'allégation (Motulsky) continue d'en supporter le risque en cas d'échec.
Cela tient au fait que le demandeur peut avoir un "droit à la preuve".
L'auteur souligne que le tournant décisif fût celui des décrets de 1971 à 1975 qui réformèrent la procédure civile, en atténuant le caractère accusatoire de celle-ci.
Malgré la réticence d'ensemble du droit français à admettre la notion de droit subjectif, particulièrement en matière procédurale, l'auteur affirme qu'il existe un "droit à la preuve". Il prend tout d'abord la forme d'un droit d'obtenir des preuves, à travers l'article 10 du Code civil obligeant tous à participer à la manifestation de la vérité en justice et l'article 145 du Code de procédure civile sur l'expertise in futurum qui établit un "droit à la préconstitution des preuves". D'une façon plus générale, la partie adverse (qui n'y a pourtant pas intérêt, mais la jurisprudence, puis l'article 11, al.2 du Code de procédure civile l'y contraignent) et les tiers devront collaborer. Cela ne contrarie pas l'article 1315 du Code civil, qui n'organise finalement que le risque de preuve.
Il existe certes des obstacles à la concrétisation du droit à la preuve, comme l'intégrité du corps humain, lorsque la preuve suppose une analyse biologique ou le droit au secret de la vie privée et l'inviolabilité du domicile. Mais ces principes ne sont pas absolus et le juge les met en balance avec le droit à la preuve.
La seconde manifestation du droit à la preuve mise en lumière par l'article est le droit de produire les preuves en justice.
Or, l'auteur souligne que le plaideur est souvent déçu car il estime qu'il ne faut atteindre le juge pour lui soumettre ce qu'il estime être le moyen de preuve d'un fait. Ainsi, le juge du droit, qu'est la Cour de cassation, se refuse à connaître des preuves des faits, ce qui peut être difficile à comprendre.
Mais il y a aussi la "preuve inutile", en ce que la partie apporte une preuve associée à un fait qui n'est pas pertinent. La justice doit être efficace et le juge se refusera alors d'examiner la preuve, puisqu'elle est inutile.
De la même façon, il peut arriver que la preuve soit "interdite". Ces cas dans lesquels le droit se refuse à voir la réalité sont assez rares mais on connaît l'interdiction d'établir les faits de filiation incestueuse ou, d'une façon plus générale, l'interdiction de renverser les présomptions irréfragables, catégorie elle-même étroite.
L'auteur conclut en affirmant que le droit positif, par son évolution consistant à concilier "des impératifs contraires, avec pour but la vérité et la justice", a établi un droit à la preuve.
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