16 novembre 2010

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Observations sur un évènement économique et politique

Du contrôle budgétaire au gouvernement économique européen

par Marie-Anne Frison-Roche

Le lundi 27 septembre 2010, devant le Parlement européen, Jean-Claude Trichet, Président de la Banque Centrale Européenne, en charge à ce titre de surveiller la valeur de l'Euro sur les marchés et de conserver à l'institution son aptitude à jouer son rôle de prêteur en dernier ressort, a développé des propos critiques sur les politiques budgétaires adoptées par les États.

Il a estimé que les gouvernements sous-estimaient en permanence leur difficulté budgétaire et, utilisant un "Nous" globalisant ainsi la Banque Centrale Européenne, l'Europe et les États nationaux "ne sommes jamais au maximum de nos possibilités".

En dehors même de la question de savoir si la réduction des déficits publics sont ou non une priorité, question substantielle, on constate ici que du point de vue institutionnelle, la Banque Centrale Européenne passe du monétaire au budgétaire. Certes, il peut le faire en estimant que des politiques budgétaires laxistes affectent mécaniquement la valeur de la monnaie sur les marchés et quant tant que gardien légitime de cette monnaie, il a un droit de regard sur celle-là. Mais ce raisonnement conséquensualiste masque le fait que les politiques budgétaires expriment la souveraineté des États, certes limitées désormais par les obligations qu'ils ont acceptées à travers le traité de Maastricht et la monnaie unique.

 

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Plus encore devant le parlement européen, Jean-Claude Trichet suggère de créer un Comité des Sages Européen pour analyser et juger, voire contrôler les politiques économiques des Etats. Un nouveau pas est alors franchi, puisque l'on passe d'un contrôle des politiques budgétaires à un contrôle des politiques économiques.

Là encore, ce raisonnement est soutenable, puisque dans une séquence figée, l’on peut soutenir que toute politique économique s'appuie sur des engagements budgétaires et que symétriquement toute politique budgétaire n'a de sens qu'en perspective d'une politique économique de l'Etat. Ainsi, pour contrôler rationnellement et non seulement comptablement une politique budgétaire, il convient de surveiller directement les politiques économiques des Etats, pour non plus seulement aveuglément compter les masses dépensées ou épargnées, mais apprécier celles qui sont dépensées ou retenues à bon escient, au regard des finalités économiques poursuivies par l'Etat. C'est tout l'enjeu actuel des discussions sur la méthode dont on doit par laquelle réduire les niches fiscales.

Cependant il demeure que la conception des politiques économiques reste la souveraineté des Etats et que l'Europe  n'a pas institutionnellement la légitimité, surtout depuis que le projet de constitution européenne a été récusé par les peuples, à se glisser sous les mécanismes monétaires pour imposer un contrôle des politiques économiques.

Pourtant, les Etats nations sont encerclés par les organes européens de toute part, qui d'une façon non démocratique, organisent à marche forcée la gouvernance économique de l'Union Européenne.

Ainsi, la Commission Européenne a adopté le jeudi 30 septembre 2010 un paquet de propositions législatives pour construire cette gouvernance économique de la zone Euro. Les projets soit de règlement, soit de directive, visent à renforcer le pacte de stabilité et de croissance tout en mettant en place des mécanismes d'alerte si apparaissent des déséquilibres macroéconomiques dans la zone Euro,  l'Europe se permettant alors, grâce à une évaluation  régulière des risques de déséquilibre, d'adopter des recommandations et de lancer des procédures de sanction contre les Etats qui ne s'y soumettent pas.

On voit ainsi qu'à travers la très lourde et complète, mais très lente, machine de la Commission Européenne et un rapide discours du Gouverneur de la BCE, c'est un gouvernement économique européen qui se met en place, alors que les Etats le refusaient.

Sans doute d'une part, est-ce dans la logique des choses, puisque sous la monnaie, se loge le budgétaire et que sous le budgétaire se loge l'économique. D'autre part, nécessité fait loi, et que si les peuples et les Etats ne veulent pas mettre en place une gouvernance économique qui aurait peut-être évité des catastrophes, peut-être est-ce à  la technocratie d'en établir les fondements.

Dans un tel cas, l'enjeu n'est plus alors en amont mais en aval, c'est-à-dire l'aptitude de ces structures technocratiques et de leurs dirigeants à faire accepter à l'opinion publique cette nécessaire gouvernance économique de l'Union Européenne.

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