Cour de cassation, assemblée plénière
En aparté, l’on remarquera que l’arrêt rendu par la cour de cassation avait pris soin de préserver la vie privée de l’enfant (l’état de santé et les handicaps font partis de la vie privée) en ne mettant comme seule mention sur l’arrêt : Affaire P. ; les médias, la doctrine et finalement l’usage rendirent l’enfant Perruche définitivement célèbre... Dans cette affaire, une femme avait contracté la rubéole pendant sa grossesse.
Elle demanda donc une analyse du liquide amniotique en informant, si l’analyse révélait une trisomie du foetus, qu'elle procèderait à une interruption volontaire de grossesse, selon les règles organisées par la loi. Le médecin l’informa comme quoi l’analyse n’indiquait aucun trouble génétique chez le foetus.
A la naissance, il s’avéra que l’enfant était atteint d’une trisomie. La difficulté juridique du cas venait du fait suivant : depuis longtemps la Cour de cassation et le Conseil d’Etat avait admis que les parents pouvaient demander une indemnisation en cas de faute dans l’analyse médicale, leur dommage consistant dans le coût supplémentaire que constitue pour les parents la prise en charge d’un enfant trisomique plutôt que non-atteint de cette maladie génétique.
Mais ici, les parents ont saisi le juge non seulement en leur nom propre mais encore, puisqu’ils en sont les représentants légaux, au nom de l’enfant. Ainsi, c’est l’enfant qui demandait une indemnisation au juge, indépendamment de celle demandée par les parents.
Mais de quel dommage l’enfant pouvait-il se prévaloir, le dommage étant une condition de l’engagement de la responsabilité du médecin, puisque l'article 1382 du Code civil suppose non seulement une faute, mais encore un dommage. En effet, le médecin faisait valoir que si l’erreur d’analyse n’avait pas été commise, la mère aurait procédé à un IVG. C’est parce que l’erreur a été commise que l’enfant est né.
Donc, le dommage ne pourrait être que le fait d’être né plutôt que ne n’être pas né, lorsque l’enfant, dont la situation est examinée, est atteint d’une maladie génétique. Admettre de la part des tribunaux à un tel raisonnement, conduirait de la part de la jurisprudence à poser les bases de l'eugénisme.
La difficulté et les implications de la question justifièrent que le Premier Président de la Cour de cassation, à l'époque Monsieur Guy Canivet, décida de réunir l’assemblée plénière de cette Cour sur premier pourvoi.
Celle-ci, par son arrêt du 7 novembre 2000, admit pourtant la responsabilité du médecin qui avait commis la faute de diagnostique. La décision fut très contestée, le Premier Président lui-même vint se justifier à la télévision contre des associations de médecins et les assureurs de ceux-ci. Il revendiqua l’effet disciplinaire, selon lui heureux, d’une telle décision sur les comportements des médecins. Les médecins se firent alors mieux entendre par le législateur, puisque la loi du 4 mars 2002 dispose qu’on ne peut pas engager leur responsabilité dans un tel cas, loi obligatoire pour le juge.
La saga Perruche ne faisait que commencer.
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