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Le contrat est l'instrument juridique principal et naturel du marché concurrentiel. Il paraît étranger à la régulation qui, proche de la "réglementation", paraît davantage s'exprimer dans des actes juridiques publics unilatéraux.
Mais cette division s'estompe car le contrat est un instrument efficace en ce qu'il rend acquise l'acceptation du destinataire de la norme, devenant ainsi l'instrument privilégié des politiques publiques. Le Régulateur va l'utiliser d'autant plus que d'une part, par le contrat, les opérateurs lui apportent de l'information et que d'autre part, les opérateurs ayant de fait la puissance de lui désobéir un rapport contractuel de convergence d'intérets est pragmatiquement plus efficace. C'est pourquoi le contrat est une figure juridique majeure de la Régulation.
Le mécanisme de l'autorégulation va plus loin, puisque la Régulation elle-même y est construite sur des engagements contractuels, dispensant de règles et de régulateur exogènes.
Le marché concurrentiel fonctionne par des contrats ordinaires de vente ou de service, contrats bilatéraux produisant du droit et des obligations à la charge des deux parties et dont l’exécution est la plus immédiate. Les autres types de contrats, par exemple les contrats à exécution successive, ou les contrats cadres de distribution, ou les engagements de non-concurrence, parce qu'ils entravent la fluidité du marché concurrentiel, sont moins naturels au marché et de ce fait moins facilement admis.
La régulation n’a pas ce même rapport spontané au contrat. Tout au contraire, la règlementation est davantage une intervention publique dans l’économie, comme le montre le terme anglais regulation dont la traduction littérale est « règlementation » : c’est l’intervention unilatérale de l’État par des textes organisant d’une façon contraignante des comportements économiques des opérateurs. Il n’y a donc a priori pas de place pour les contrats dans la régulation.
Mais si cette opposition est exacte au départ, l’évolution générale des rapports entre l’État et l’économie y apporte des nuances. En effet s’est opérée la contractualisation de l’action publique, construite sur l’idée que l’État ne peut mener une action efficace que si celle-ci est acceptée par ses destinataires : l’instrument de l’efficacité n’est plus alors l’outil traditionnel de la contrainte mais bien le phénomène de l’acceptation, caractéristique du contrat. Ainsi, le rapport entre le régulateur et les opérateurs d’un secteur demeure souvent un rapport de contrainte, notamment lorsque le régulateur prononce des sanctions contre des opérateurs parce que ceux-ci se sont rendus coupables de manquements à des prescriptions adoptées antérieurement par lui. Mais précisément, ces prescriptions n’ont pas été adoptées unilatéralement par le régulateur qui risque, s’il s’isole trop, de ne pas disposer des informations suffisantes pour prendre les mesures adéquates, devenant victime alors de son asymétrie d’information et subissant l'échec des ordres qu'il émet, car les opérateurs ont la puissance de s'y dérober. Dès lors s’opère dans tous les secteurs d’une façon formelle ou informelle des consultations de place, sur les projets de textes présentés à tous pour discussion sur le site internet de l’autorité de régulation avant adoption par le régulateur. Le Professeur anglais Julia Black a désigné ce phénomène de « régulation conversationnelle ». Il s’agit d’une forme de contrat entre le régulateur et le secteur, car le secteur doit accepter les textes de régulation. La personnalité du régulateur, en qui le secteur doit avoir confiance devient essentielle. On est proche du contrat intuitu personae.
Peut-on aller plus loin et envisager une régulation par le contrat au sens non plus sociologique mais juridique du terme ? Les tenants de l’autorégulation le pensent. En effet, sans qu’il soit alors besoin d’un régulateur administratif exogène au secteur, les opérateurs contracteraient pour prendre des engagements, souvent déontologiques, pour que le secteur fonctionne bien. C’est ainsi qu'organisent les secteurs de la publicité et du sport. L’avantage d’une régulation par contrat tient au fait que cet instrument juridique n’est pas limité par les frontières et qu’un secteur international sur lequel opèrent des entreprises internationales est alors régulé par des contrats internationaux contenant des engagements valant sur l’ensemble du secteur. Cela résout le handicap de la régulation publique, qui, rattachée à l’État, est enfermée dans les frontières de celui-ci alors que les marchés dépassent celles-ci.
Les relais d’effectivité de ces contrats sont alors les professions, lesquelles peuvent constituer les "corps intermédiaires" dont le besoin renouvelé se fait sentir : les commissaires aux comptes ou les avocats par exemple. Il convient cependant que les règles procédurales de la régulation, notamment la transparence, soient préservées pour que les tiers puissent observer les règles d’organisation du secteur et que la confiance puisse en résulter.
On note le plus souvent qu’à l’intérieur de la mise en place de ces contrats privés s’insèrent non seulement des actes unilatéraux privés, qui rappellent les actes publics telles les chartes déontologiques des entreprises ou des professions, ainsi que des institutions professionnelles, qui rappellent les autorités de régulation, tels que les ordres professionnels, qui garantissent le fonctionnement efficace et juste de l’ensemble.
Il est certain que la globalisation des échanges économiques, ayant posé de grandes difficultés aux États par le dépassement des frontières par les marchés, a mis le contrat en premier outil de puissance juridique au détriment de la loi. Cela promet au contrat une place privilégiée, à l’avenir, pour construire une régulation mondiale. Reste à savoir si, pour y parvenir, les contrats ont d’une part, la légitimité et d’autre part, la capacité à poursuivre autre chose que les intérêts des parties.
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