10 avril 2008
Base Documentaire : 03. Conseil d'Etat
Lire l'arrêt.
Une directive communautaire a été adoptée en 2001, relative à la lutte contre le blanchiment d’argent, dont des organisations professionnelles, notamment celle des avocats, deux estimaient qu’elle portait atteinte aux droits fondamentaux, notamment le secret professionnel des avocats. C’est à ce titre que le Conseil National des Barreaux (CNB) attaque devant le Conseil d’Etat le décret du 26 juin 2006, faisant application de la loi du 11 février 2004, laquelle avait transposée la directive communautaire précitée.
Le CNB attaque l’acte réglementaire en ce qu’il est contraire à la Convention européenne des droits de l’homme, elle-même méconnue par la directive communautaire. Le Conseil d’Etat pose que les droits fondamentaux de la Convention européenne des droits de l’homme sont désormais protégés dans l’Union européenne en tant que principes généraux du droit communautaire.
C’est pourquoi un juge administratif est en droit de rechercher si la directive communautaire que l’on transpose est compatible avec ces droits fondamentaux reconnus. En l’absence de difficulté, il écarte le moyen et dans le cas contraire, il doit saisir la Cour de justice des Communautés européenne d’une question préjudicielle.
En l’espèce, le Conseil d’Etat relève que la Cour de justice a rendu un arrêt le 26 juin 2007, Ordre des barreaux francophones et germanophones, posant que la directive de 1991 (analogue à celle de 2001) ne méconnait pas les droits fondamentaux, le Conseil d’Etat interprétant cet arrêt qui ne se prononce pas directement sur la question du secret professionnel comme respectant celui-ci dès l’instant qu’il est préservé dans la stricte activité judiciaire et non pas juridique, l’intérêt général justifiant alors cette atteinte non excessive au droit fondamental du secret professionnel, protégé par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.
De ce même arrêt de la Cour de justice du 26 juin 2007, le Conseil d’Etat estime qu’il n’est pas besoin de poser de question préjudicielle, car l’article 6 de la Convention n’est pas méconnu par la directive communautaire transposée, puisque l’atteinte au secret professionnel est circonscrite à l’hypothèse d’une consultation juridique fournie à des fins de blanchiment de capitaux.
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De cet arrêt
CNB, à rapprocher de l’arrêt
Arcelor, l’on voit ici que le juge administratif opère un contrôle de conventionalité sous couvert d’un contrôle de constitutionnalité, du fait même que les normes conventionnelles (ici la considérable Convention européenne des droits de l’homme) ont été reprises par la jurisprudence communautaire comme faisant partie des principes généraux du droit communautaire.
Plus encore, alors que dans l’arrêt Arcelor, le conseil d’Etat n’avait pas voulu trancher la question au fond et avait renvoyé au juge communautaire par le biais d’une question préjudicielle le soin d’interpréter le texte, ici le Conseil d’Etat n’hésite pas, par une interprétation très libre d’un arrêt de la Cour de justice, à donner sa propre interprétation du droit de la Convention européenne des droits de l’homme, devenue droit communautaire, le Conseil d’Etat pouvant ainsi considérer qu’il n’y a pas de « difficulté sérieuse ». L’on mesure à quel point la hiérarchie des normes, dans sa complexité et ses marges techniques et rhétoriques, profite au pouvoir des juges.
Par la suite, la Cour européenne des droits d'homme elle-même, dans l'arrêt Michaud, valide le dispositif français de déclaration des soupçons même lorsque les avocats ne sont non plus dans leur activité juridique mais dans leur activité judiciaire, du fait du pouvoir de filtre accordé au Bâtonnier.
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