8 février 2007
Base Documentaire : 03. Conseil d'Etat
Une directive communautaire de 2003 a organisé un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre et un décret du 19 août 2004 en opéra directement la transposition en droit français. La société Arcelor attaqua devant le Conseil d’Etat le décret en soutenant qu’il portait atteinte au principe constitutionnel d’égalité.
Le Conseil d’Etat pose tout d’abord qu’il est légitime d’invoquer une éventuelle contrariété à la Constitution à l’encontre d’un acte réglementaire transposant directement une directive communautaire. Mais il ajoute aussitôt que la suprématie conférée par la Constitution aux engagements internationaux (la communauté européenne ayant été construite sur de successifs traités internationaux) « ne saurait s’opposer dans l’ordre interne, aux principes et dispositions à valeur constitutionnelle ».
Cependant, et cet arrêt est tout en subtilité, la Constitution elle-même oblige le droit français à respecter la hiérarchie des normes au bénéfice des directives communautaires, ce qui explique l’obligation pour le juge administratif d’opérer ce contrôle de constitutionnalité des actes réglementaires de transposition.
Pour ce faire, le Conseil d’Etat indique qu’il faut distinguer deux cas.
Le premier cas est celui dans lequel le principe constitutionnel, ici celui de l’égalité, est également contenu dans le droit de l’Union européenne.
Dans ce cas, le juge administratif doit rechercher si le décret de transposition est bien conforme au droit de l’Union européenne, ce qui le rend automatiquement conforme à la Constitution. S’il l’est clairement, la Constitution est satisfaite et le Conseil d’Etat est légitime à opérer seul le contrôle.
Si cela n’apparaît pas clairement, le juge national doit saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle.
Le second cas concerne l’hypothèse où la règle constitutionnel invoquée par le requérant n’existe pas dans l’ordre juridique de l’Union européenne à laquelle appartient la directive communautaire. Le juge administratif doit alors « examiner directement la constitutionnalité des dispositions réglementaires contestées ».
En l’espèce, le principe d’égalité existe dans le droit de l’Union européenne, donc les deux ordres juridiques se renforcent mais, comme il y a une difficulté sérieuse d’appréciation, le principe constitutionnel étant cristallisé par les institutions de l’Union européenne, le Conseil d’Etat forme une question préjudicielle devant la Cour de justice.
On observe que si le principe évoqué par la partie n’avait pas existé dans le droit européen, alors c’est pleinement le contrôle de constitutionnalité qui peut briser la norme interne inférieure, le silence de la norme européenne ne suffisant pas à sauver la norme nationale.
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L’arrêt
Arcelor est un chef d’œuvre d’arabesque de contrôle de hiérarchie des normes. Suivra l'arrêt du Conseil d'etat du 10 avril 2008,
CNB, qui reprend un raisonnement analogue, se référant cette fois-ci non plus seulement au droit de l'Union européenne pour apprécier la conformité d'un décret transposait une directive communautaire mais prenant encore en considération la Convention européenne des droits de l'homme
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