Conseil constitutionnel
Le Conseil constitutionnel s'est penché sur la question de savoir s'il allait falloir ou non modifier la Constitution pour que la France adhère au Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire, parce que le Président de la République, François Hollande, lui a posé la question, procédure prévue par l'article 54 de la Constitution.
En effet, si ce traité comprend une clause contraire à la Constitution, alors il convient de modifier la Constitution pour permettre la ratification du traité international (ce qui fût par exemple fait pour les Accords de Schengen).
Le Conseil prend acte tout d'abord de l'essentiel de ce traité, à savoir une discipline budgétaire (le "pacte"), la gouvernance de la zone euro et la coordination des politiques économiques en Europe, l'ensemble ayant pour but de renforcer le "pilier économique" de l'Union.
Confrontant cela au droit interne, le Conseil rappelle le principe constitutionnel de la souveraineté nationale, qui est exercée par le Peuple à travers ses représentants.
Il rappelle cependant que la Constitution, dans son article 88, reflète la volonté de la République Française de participer à l'Union Européenne et qu'a été ainsi "consacré l'existence d'un ordre juridique de l'Union européenne intégré à l'ordre juridique interne et distinct de l'ordre juridique internationale".
Le Conseil limite la puissance de cette intégration en posant que cela ne peut conduire à ce que des normes de l'Union européenne remettent en cause "les droits et libertés constitutionnellement garanties ou portent atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale".
S'il y a une telle remise en cause, il faut alors d'abord réviser la Constitution pour qu'il puisse y avoir ratification du traité.
Appliquant ces principes au traité de pacte budgétaire, qui limite la capacité des Etats à produire des déficits publics, le Conseil relève que le traité laisse aux Etats signataires une alternative, soit d'insérer l'interdiction permanente et définitive de faire des déficits excessifs (3%) - règle d'or - soit faire en sorte qu'année après année les lois de finances respectent le traité.
Le Conseil estime que dans le premier cas, si la France optait pour le premier système, il faudrait modifier la Constitution avant de ratifier le Traité (c'est-à-dire inscrire la règle d'or dans la Constitution avant de ratifier le traité de l'Union qui impose la même règle, ce qui revient à faire un pléonasme normatif, mais la difficulté tient dans la majorité qualifiée pour faire une révision constitutionnelle, alors qu'une majorité simple suffit pour adopter une loi de ratification d'un traité).
Dans le second cas, parce qu'il respecte le principe constitutionnel de l'annuité des lois de finances, elle-même à rattacher au principe constitutionnel de souveraineté nationale, il n'est pas besoin de modifier la Constitution.
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Cette décision est parfaitement bien rédigée. C'est souvent le cas des décisions juridiques à fort contenu politique...
Il est par ailleurs remarquable que la définition du rapport entre l'Union européenne et le droit interne est exactement la même que celle que donna presque 50 ans avant l'arrêt Costa de la Cour de justice des communautés européennes.
Cela montre que l'articulation des systèmes, souvent dressés les uns contre les autres, se fait souvent par les juges, qui reprennent les mêmes formules et créent ainsi une unité substantielle entre systèmes juridiques demeurés différents.
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