3 octobre 1992

Base Documentaire : Doctrine

CARBONNIER, Jean

Toute loi en soi est un mal ?

Référence complète : CARBONNIER, Jean, Toute loi en soi est un mal ?, in Essais sur les lois, 2ième éd., Répertoire du notariat Defrénois, 1995, p.317-334.

Lire le résumé ci-dessous.

Jean Carbonnier part de la coïncidence dans le temps de l'annonce de la naissance du Christ et de la l'annonce par l'édit de César Auguste du recensement, pour se demander si, en matière juridique comme en matière religieuse, la venue de la loi nouvelle serait une bonne nouvelle ?

Il est acquis que beaucoup de lois nouvelles furent mauvaises mais la loi nouvelle est-elle mauvaise "en soi" ?

L'auteur ne veut pas faire interférer la distinction entre les lois favorables et défavorables (critère sociologique de l'intérêt) ou la distinction entre les lois anciennes et les lois nouvelles (critère psychologique du choc de la nouveauté et de l'habitude) pour aborder de la façon la plus neutre possible le sujet : la loi est-elle un mal en soi ? Cela confronte la loi à la jurisprudence, l'usage ou l'équité, qui pourraient mieux valoir, mais alors encore l'auteur globalise et préfère confronte le droit au non-droit et poser la question plus radicalement encore : le droit en soi est-il un mal ?

 

Dans un premier temps, Carbonnier montre la nécessité, les avantages et les effets heureux de la loi, notamment idolâtrée par la Révolution française et surtout par la population du fait de la "bonté de la loi". La France demeure imprégnée de ce préjugé légaliste favorable. Cela tient ce qu'elle apporte au peuple de la sécurité, parce qu'elle est claire, nette et brutale, permanente, et qu'elle constitue un moyen de communication entre les hommes. .

Dans un deuxième temps de l'article, Carbonnier se réfère à Lacan qui référé dans la loi à la figure du père et nous prédit une société à venir sans père. Carbonnier se demande si ne va pas advenir une société sans loi, ou si la psychanalyse, voyant dans la loi la castration l'identifie toujours comme un mal.  Il y voit en tout cas une opposition à la liberté et au libéralisme, le refus de la loi étant associé au refus de l’État. Citant Maurice Barrès et son ouvrage de 1892, L'ennemi des lois, il montre que pour celui-ci toute loi est un mal, parce que le monde doit s'agencer d'une façon spontanée.  Pour le libéralisme, moins romantique, toute loi est un mal parce qu'elle trouble l'émergence spontanée de l'intérêt général du groupe social. Ainsi, pour ne prendre qu'Hayek, l'individu connaît mieux son intérêt que la loi et l'addition des intérêts engendre l'intérêt général. Plus encore, non seulement, la loi serait pernicieuse mais, selon le libéralisme, elle corrompt la nature humaine., atrophie la volonté, diminue les responsabilités, dans une pédagogie perverse.

Dans un troisième temps de l'article, le doyen Carbonnier en vient à dire que la loi intervient plutôt comme un garde-fou et en cela serait donc un bien, dès l'instant que le législateur reste modeste. Il pense que la loi est nécessaire parce que l'homme est un pêcheur (dans un peuple de sains, la loi serait inutile), citant Luther et Saint-Augustin. Le droit est alors indispensable en tant qu'il porte le glaive. En effet, le droit doit frapper parce que le monde est habité par le mal.

Le doyen affirmer : ""c'est en ce sens que la loi apparaît comme un mal : non point parce qu'elle fait mal ou qu'elle fait du mal, mais parce qu'elle est liée à l'existence du mal. Elle est le révélateur du péché...".

Il en conclut : "Sachant que le droit a été donné pour brider le mal, les juristes en useront sans complexe. Sachant qu'il est porteur du mal, ils en useront avec sobriété.".

Dans cette auto-limitation qu'apparaît le non-droit.

 

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