Publication : monographie dans une publication juridique
Référence complète :BARANES, William, FRISON-ROCHE, Marie-Anne, ROBERT, Jacques-Henri, Pour le droit processuel, D.1993, chron., p.9-11.
Il est nécessaire de construire et d'enseigner le "droit processuel", que commença à concevoir Henri Motulsky. En effet, le droit processuel est autonome des droits substantiels que les parties revendiques et des trois contentieux, procédure civile, procédure pénale et contentieux administratif, en ce qu'il exprime les principes communs et inhérents à tous procès : le droit d'action et l'intérêt à agir, le contradictoire et les droits de la défense, le jugement et sa motivation. Le droit processuel relève d'un droit comparé interne qui recherche l'esprit propre à chaque procédure et permet les emprunt de l'une à l'autre. Il pose surtout un droit commun de la procédure, dont désormais la Convention européenne des droits de l'homme et les droits constitutionnels sont la principale source.
Lire le résumé de l'article ci-dessous.
La dénomination fût trouvée par le doyen Vizioz mais c'est Motulsky qui y consacra son cours et y opposa sa marque. Cet article de 1993 a pour objet de regretter l'absence d'ouvrage et d'enseignement de "droit processuel", alors que cette matière est aujourd'hui directement opératoire, notamment devant les autorités de régulation (depuis, cette lacune pédagogique fût comblée).
L'article insiste tout d'abord sur le fait que le droit processuel est autonome des règles substantielles dont les parties se prévalent, ce qui permet de concevoir un "droit du procès", indépendant de la procédure civile, de la procédure pénale et du contentieux administratif (ce qui justifie que les trois auteurs, spécialistes de chacune de ces procédures se soient réunis pour écrire cet article). Ainsi, le droit d'action conforte certes le droit substantiel dont le justiciable se prévaut mais s'en distinguge. L'instance plus encore est construire sur des règles qui n'emprunte pas aux prérogatives de fond que les parties revendiquent. Plus encore, le droit processuel est autonome des droits procéduraux particuliers : il n'est pas un concentré des trois procédures, il est un corps de règles fondamentales qui les réunit et les transcendent.
Se dégage alors une méthode propre à la discipline. Il ne s'agit pas d'un droit comparé classique, car le droit processuel ne recherche pas les éléments communs aux trois procédures. Il cherche, notamment à travers l'étude du vocabulaire et des techniques, à comprendre l'esprit qui insuffle chacune des procédures et pourquoi. Le résultat en est à la fois scientifique et programmatique. Ainsi, scientifiquement, la confrontation montre que par exemple ne concevoir les droits de la défense qu'à travers le modèle accusatoire est un archaïsme. D'une façon pragrammatique, il faut revoir les enseignements car le droit processuel postule la remise en cause de la distinction du droit public et du droit privé, qui est sous-jacente à la distinction entre les trois procédures. En outre, ce droit comparé interne légitime l'emprunt d'une technique d'une procédure à une autre, si l'analogie a la solidité requise.
Enfin, l'article insiste sur la nécessité de reconnaître un droit commun de la procédure. Il résiste dans des principes sous-jacents, toujours présents dans toutes procédures : le droit d'action et l'intérêt à agir, le contradictoire et les droits de la défense, le jugement et sa motivation. Peut-être peut-on y ajouter la voie de recours. Ces principes logiques ont historiquement émergé plutôt dans le contentieux civil, qui a pris de ce fait figure de droit commun, mais c'est aujourd'hui la Convention européenne des droits de l'homme qui donne l'unité et les droits constitutionnels qui apportent le fondement. Le droit processuel est ainsi au-dessus des trois procédures, en ce qu'il existe leur structure inhérente et commune.
Cet article, écrit à une époque où la matière n'existait pas, s'achève sur cette exclamation : "Que vive le droit processuel"
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