direction d'une publication
âș RĂ©fĂ©rence complĂšte : M.-A. Frison-Roche et J.-Cl. Magendie (dir.), Politique de sanction et rĂ©gulation des marchĂ©s financiers, SupplĂ©ment thĂ©matique Bulletin Joly Bourse, septembre/octobre 2009. p.419-448.
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âș PrĂ©sentation de la publication : Ce numĂ©ro spĂ©cial restitue une rencontre organisĂ© entre des personnalitĂ©s de divers horizons, pour comprendre l'articulation entre la ""politique de sanction" et la rĂ©gulation des marchĂ©s financiers. Jean-Pierre Jouyet y expose la place de la sanction dans la rĂ©gulation des marchĂ©s financiers. Jean-Claude Magendie y dĂ©veloppe le rĂŽle du juge sur l'action sanctionnatrice de l'autoritĂ© des marchĂ©s financiers. Laurent Benzoni aborde la cohĂ©rence entre impĂ©ratif de stabilitĂ© financiĂšre et mĂ©canisme de sanction. Bernard Bouloc Ă©tudie les alternatives et articulations entre types de sanctions en matiĂšre financiĂšre. Carole Xueref confronte sanction et conformitĂ©. Frank Martin Laprade se demande si la politique de sanction des rĂ©gulateurs relĂšve de la rĂ©pression ou de la rĂ©paration. Olivier Diaz affirme que le principe de prĂ©visibilitĂ© doit guider tant la rĂ©gulation boursiĂšre que son application. Marie-Anne Frison-Roche conclut en posant les conditions dans lesquelles une politique de sanction soit exister dans une rĂ©gulation financiĂšre et ĂȘtre commune aux rĂ©gulateurs et aux juges.
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đAccĂ©der Ă l'article de Marie-Anne Frison-Roche : Une "politique de sanction" peut-elle exister dans la rĂ©gulation financiĂšre et ĂȘtre commune aux rĂ©gulateurs et aux juges ?".
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đLire ci-dessous le rĂ©sumĂ© de la publication—ïž
Cette publication a Ă©tĂ© voulue collective, parce quâelle exprime la rencontre entre des rĂ©gulateurs, des universitaires, des avocats, des juristes dâentreprise et des juges. En effet, les articles qui restent de la rencontre qui fut organisĂ©e est la trace de leur convergence sur un mĂȘme objet, Ă savoir les sanctions prononcĂ©es par le rĂ©gulateur des marchĂ©s financiers, alors mĂȘme que chacun nâa pas nĂ©cessairement la mĂȘme conception ni de la sanction ni des marchĂ©s financiers, en raison du point de vue dans lequel il se place.
Ainsi, Jean-Pierre Jouyet, PrĂ©sident de lâAutoritĂ© de rĂ©gulation conçoit naturellement le pouvoir de sanction comme faisant partie de « lâĂ©conomie gĂ©nĂ©rale » de la rĂ©gulation, et il ne peut sâagir aujourdâhui que dâen amĂ©liorer le dispositif, non de lâĂ©carter puisquâil est nĂ©cessaire Ă la rĂ©gulation. La crise financiĂšre accroit cette nĂ©cessitĂ©. Jean-Claude Magendie, en tant quâil est premier PrĂ©sident de la Cour dâappel de Paris, cherche naturellement Ă dessiner le rĂŽle du juge qui peut influencer lâactivitĂ© de sanction du rĂ©gulateur. La prĂ©sence du juge se fait ainsi toujours sentir sur le terrain procĂ©dural et les exigences du procĂšs Ă©quitable. De la mĂȘme façon, le juge est le gardien de la lĂ©galitĂ© de la dĂ©cision de sanction, mais ce contrĂŽle nâa rien de mĂ©canique, le recours contre le juge Ă©tant de plein contentieux et le juge plutĂŽt gardien du respect par le rĂ©gulateur de lâusage proportionnĂ© de ses pouvoirs. Ainsi, selon lui, la rĂ©gulation confĂšre au rĂ©gulateur compĂ©tence pour exercer son pouvoir de sanction afin de protĂ©ger les Ă©pargnants et assurer le bon fonctionnement du marchĂ© tandis quâelle demande au juge dâutiliser son pouvoir de contrĂŽle pour veiller au respect du droit, Ă la prĂ©visibilitĂ© des solutions et Ă la sĂ©curitĂ© juridique. Ainsi, les deux sont complĂ©mentaires.
Laurent Benzoni, Professeur dâĂ©conomie, cherche Ă mesurer la cohĂ©rence entre lâimpĂ©ratif de stabilitĂ© financiĂšre, dont le rĂ©gulateur a la charge, et le mĂ©canisme des sanctions, qui peut la perturber. Il montre pourtant que, dans une perspective de rĂ©gulation, les sanctions doivent ĂȘtre maniĂ©es comme des incitations, prenant en considĂ©ration la version au risque qui caractĂ©rise les opĂ©rateurs sur le marchĂ©. En effet, les Ă©tudes ont montrĂ© que les comportements des agents sont modifiĂ©s si les informations donnĂ©es aux investisseurs sont biaisĂ©es ou des comportements opportunistes de tricheries ne sont pas sanctionnĂ©s. Il conclut donc que les sanctions sont parties intĂ©grantes de la rĂ©gulation. Mais encore faut-il trouver une politique de sanction optimale. Ce qui amĂšne Ă lâanalyse Ă©conomique du droit. Le montant dĂ©pend alors du risque dâĂȘtre pris et lâon peut alors soit augmenter le montant de fait trĂšs faible des amendes, soit augmenter le risque dâĂȘtre pris.
En outre, les marchĂ©s financiers sont par essence des marchĂ©s de confiance, laquelle ne peut sâacheter et lâeffet de rĂ©putation doit ĂȘtre un outil maniĂ© par les rĂ©gulateurs pour obtenir des sanctions efficaces.
Dâune façon plus juridique, Bernard Bouloc, professeur de droit, examine lâalternative et lâarticulation entre les types de sanctions en matiĂšre financiĂšre. Il montre Ă quel point la procĂ©dure administrative du rĂ©gulateur sâappuie trĂšs souvent sur lâintervention dâun organe judiciaire. Il en est ainsi lorsque le rĂ©gulateur demande au PrĂ©sident de Grande Instance lâadoption de mesures provisoires, mais il est vrai que le rĂ©gulateur peut lui-mĂȘme prononcer une injonction, mĂȘme si il peut revenir devant le juge dont lâinjonction judiciaire sera plus contraignante que la simple injonction administrative. En outre, dâune façon plus prospective, il insiste sur lâopportunitĂ© quâil y aurait de dĂ©velopper des alternatives Ă la poursuite, par exemple par la transaction, et il insiste sur le fait quâil conviendrait dâĂ©viter dĂ©sormais les doubles poursuites Ă titre administratif et pĂ©nal relativement aux doubles faits.
Carole Xueref, membre du Conseil de la Concurrence, dĂ©montre les liens qui doivent se dĂ©velopper entre sanction et conformitĂ©. En effet, les programmes de compliance, tels qu'ils ont Ă©tĂ© mis en place par les autoritĂ©s de concurrence, permettent aux autoritĂ©s de mettre les agents Ă©conomiques en position rationnelle de respecter la loi. Cet outil ex ante est non seulement un engagement, en cela alternatif Ă la sanction, mais encore son non-respect donne lieu Ă des sanctions extrĂȘmement fortes, lâeffet de dissuasion attachĂ© aux programmes de compliance Ă©tant ainsi trĂšs efficace. Il faut donc en conclure quâune rĂ©gulation du marchĂ© appelle Ă la fois une politique de sanction et une politique de conformitĂ©.
En ce centrant davantage sur la politique de sanction du rĂ©gulateur financier Frank Martin Laprade, avocat, souligne que la France a suivi sa tradition rĂ©pressive en dotant le rĂ©gulateur dâun fort pouvoir de sanction, celui-ci sâapplique notamment sur les dirigeants sociaux, par exemple les maisons mĂšres pour le comportement des filiales, dans une interprĂ©tation large des notions rĂ©pressives. Mais le rĂ©gulateur ne cherche pas tant Ă punir des coupables quâĂ veiller Ă la bonne information du marchĂ©. Pragmatisme qui lâĂ©loigne de cette rĂ©pression classique prĂ©cĂ©demment Ă©voquĂ©e. Lâon peut alors se demander si le rĂ©gulateur ne sâoriente pas Ă travers son pouvoir de sanction vers une logique dâindemnisation, puisque sa fonction est de protĂ©ger lâinvestisseur ? Dans un tel cas, les sanctions au sens strict devraient ĂȘtre Ă la charge des tribunaux pĂ©naux, en ce qui concerne les vĂ©ritables abus de marchĂ©, tandis que le rĂ©gulateur administratif veille davantage Ă la bonne information de celui-ci. Cette rĂ©partition des rĂŽles est pratiquĂ©e aux Etats-Unis, elle ne lâest pas en France. Une Ă©volution du systĂšme français encouragerait certes les investisseurs victimes Ă agir, notamment sous forme dâaction collective.
De la mĂȘme façon, Olivier Diaz, avocat, insiste sur la nĂ©cessitĂ© pour la rĂ©gulation boursiĂšre dâĂȘtre gouvernĂ©e par le principe de prĂ©visibilitĂ©. Il estime que ce principe est satisfait par la pratique de lâautoritĂ© des marchĂ©s financiers. Mais son jugement est beaucoup plus sĂ©vĂšre concernant dâautres sources du droit, les textes, aussi bien les textes en matiĂšre de manquement dâinitiĂ© que des dĂ©cisions concernant lâaction de concert, dont on finit par se demander quelle en est aujourdâhui la dĂ©finition, situation prĂ©judiciable au principe de prĂ©visibilitĂ©.
Enfin, Marie-Anne Frison-Roche se demande si une politique de sanction peut exister dans la rĂ©gulation financiĂšre et comment peut-elle dans un mĂȘme cas ĂȘtre commune au rĂ©gulateur et au juge. En effet, classiquement les sanctions sont des dĂ©cisions individuelles consistant dans lâapplication dâune rĂšgle gĂ©nĂ©rale Ă un cas particulier. La rĂ©gulation exige au contraire, ne serait-ce que pour ĂȘtre prĂ©visible, quâelle exprime une politique, de type doctrinal, posant les buts recherchĂ©s, Ă lâaune desquels les dĂ©cisions seront prises (droit tĂ©lĂ©ologique). Cela explique quâen rĂ©gulation financiĂšre, les sanctions, comme les engagements, sont conçus comme des Ă©lĂ©ments dâune politique dont le rĂ©gulateur est Ă la fois lâauteur et celui qui lâapplique. Le droit pĂ©nal est dâune autre nature, mais en matiĂšre financiĂšre, une politique de sanction doit exister et le rĂ©gulateur est en son cĆur. Dans ces conditions, il est difficile que cette politique de sanction soit commune au rĂ©gulateur et au juge, puisque le juge nâa pas la mĂȘme lĂ©gitimitĂ© ni fonction quâun rĂ©gulateur dâĂ©mettre une politique de marchĂ©. Câest pourquoi par exemple le juge ne peut pas transiger ou bĂątir des politiques de clĂ©mence. DĂšs lors, mĂȘme si le rĂ©gulateur sâest juridictionnalisĂ© par lâeffet de lâarticle 6 CEDH, il est difficile dâarticuler les deux personnages, que lâon ne peut confondre. Pourtant, le juge est lĂ©gitime dans sa prĂ©sence ex post pour sâassurer de la lĂ©galitĂ© des dĂ©cisions particuliĂšres de sanction, sans entrer dans la politique de sanction ni sây substituer. De la mĂȘme façon, le ministĂšre public, composĂ© de magistrat, peut, depuis toujours, porter une politique rĂ©pressive, que les tribunaux pĂ©naux pourront au cas par cas reprendre.
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