17 septembre 2009

Publications

direction d'une publication

📘Politique de sanction et rĂ©gulation des marchĂ©s des marchĂ©s financiers (co-dir.)

par Marie-Anne Frison-Roche et Jean-Claude Magendie

â–ș RĂ©fĂ©rence complĂšte : M.-A. Frison-Roche et J.-Cl. Magendie (dir.), Politique de sanction et rĂ©gulation des marchĂ©s financiers, SupplĂ©ment thĂ©matique Bulletin Joly Bourse, septembre/octobre 2009. p.419-448.

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â–ș PrĂ©sentation de la publication : Ce numĂ©ro spĂ©cial  restitue une rencontre organisĂ© entre des personnalitĂ©s de divers horizons, pour comprendre l'articulation entre la ""politique de sanction" et la rĂ©gulation des marchĂ©s financiers. Jean-Pierre Jouyet y expose la place de la sanction dans la rĂ©gulation des marchĂ©s financiers. Jean-Claude Magendie y dĂ©veloppe le rĂŽle du juge sur l'action sanctionnatrice de l'autoritĂ© des marchĂ©s financiers. Laurent Benzoni aborde la cohĂ©rence entre impĂ©ratif de stabilitĂ© financiĂšre et mĂ©canisme de sanction. Bernard Bouloc Ă©tudie les alternatives et articulations entre types de sanctions en matiĂšre financiĂšre. Carole Xueref confronte sanction et conformitĂ©. Frank Martin Laprade se demande si la politique de sanction des rĂ©gulateurs relĂšve de la rĂ©pression ou de la rĂ©paration. Olivier Diaz affirme que le principe de prĂ©visibilitĂ© doit guider tant la rĂ©gulation boursiĂšre que son application. Marie-Anne Frison-Roche conclut en posant les conditions dans lesquelles une politique de sanction soit exister dans une rĂ©gulation financiĂšre et ĂȘtre commune aux rĂ©gulateurs et aux juges.

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📝AccĂ©der Ă  l'article de Marie-Anne Frison-Roche : Une "politique de sanction" peut-elle exister dans la rĂ©gulation financiĂšre et ĂȘtre commune aux rĂ©gulateurs et aux juges ?".

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PiĂšces jointes

Cette publication a Ă©tĂ© voulue collective, parce qu’elle exprime la rencontre entre des rĂ©gulateurs,  des universitaires, des avocats, des juristes d’entreprise et des juges. En effet, les articles qui restent de la rencontre qui fut organisĂ©e est la trace de leur convergence sur un mĂȘme objet, Ă  savoir les sanctions prononcĂ©es par le rĂ©gulateur des marchĂ©s financiers, alors mĂȘme que chacun n’a pas nĂ©cessairement la mĂȘme conception ni de la sanction ni des marchĂ©s financiers, en raison du point de vue dans lequel il se place.

 

Ainsi, Jean-Pierre Jouyet, PrĂ©sident de l’AutoritĂ© de rĂ©gulation conçoit naturellement le pouvoir de sanction comme faisant partie de « l’économie gĂ©nĂ©rale Â» de la rĂ©gulation, et il ne peut s’agir aujourd’hui que d’en amĂ©liorer le dispositif, non de l’écarter puisqu’il est nĂ©cessaire Ă  la rĂ©gulation. La crise financiĂšre accroit cette nĂ©cessitĂ©. Jean-Claude Magendie, en tant qu’il est premier PrĂ©sident de la Cour d’appel de Paris, cherche naturellement Ă  dessiner le rĂŽle du juge qui peut influencer l’activitĂ© de sanction du rĂ©gulateur. La prĂ©sence du juge se fait ainsi toujours sentir sur le terrain procĂ©dural et les exigences du procĂšs Ă©quitable. De la mĂȘme façon, le juge est le gardien de la lĂ©galitĂ© de la dĂ©cision de sanction, mais ce contrĂŽle n’a rien de mĂ©canique, le recours contre le juge Ă©tant de plein contentieux et le juge plutĂŽt gardien du respect par le rĂ©gulateur de l’usage proportionnĂ© de ses pouvoirs. Ainsi, selon lui, la rĂ©gulation confĂšre au rĂ©gulateur compĂ©tence pour exercer son pouvoir de sanction afin de protĂ©ger les Ă©pargnants et assurer le bon fonctionnement du marchĂ© tandis qu’elle demande au juge d’utiliser son pouvoir de contrĂŽle pour veiller au respect du droit, Ă  la prĂ©visibilitĂ© des solutions et Ă  la sĂ©curitĂ© juridique. Ainsi, les deux sont complĂ©mentaires.

 

Laurent Benzoni, Professeur d’économie, cherche Ă  mesurer la cohĂ©rence entre l’impĂ©ratif de stabilitĂ© financiĂšre, dont le rĂ©gulateur a la charge, et le mĂ©canisme des sanctions, qui peut la perturber. Il montre pourtant que, dans une perspective de rĂ©gulation, les sanctions doivent ĂȘtre maniĂ©es comme des incitations, prenant en considĂ©ration la version au risque qui caractĂ©rise les opĂ©rateurs sur le marchĂ©. En effet, les Ă©tudes ont montrĂ© que les comportements des agents sont modifiĂ©s si les informations donnĂ©es aux investisseurs sont biaisĂ©es ou des comportements opportunistes de tricheries ne sont pas sanctionnĂ©s. Il conclut donc que les sanctions sont parties intĂ©grantes de la rĂ©gulation. Mais encore faut-il trouver une politique de sanction optimale. Ce qui amĂšne Ă  l’analyse Ă©conomique du droit. Le montant dĂ©pend alors du risque d’ĂȘtre pris et l’on peut alors soit augmenter le montant de fait trĂšs faible des amendes, soit augmenter le risque d’ĂȘtre pris.

En outre, les marchĂ©s financiers sont par essence des marchĂ©s de confiance, laquelle ne peut s’acheter et l’effet de rĂ©putation doit ĂȘtre un outil maniĂ© par les rĂ©gulateurs pour obtenir des sanctions efficaces.

 

D’une façon plus juridique, Bernard Bouloc, professeur de droit, examine l’alternative et l’articulation entre les types de sanctions en matiĂšre financiĂšre. Il montre Ă  quel point la procĂ©dure administrative du rĂ©gulateur s’appuie trĂšs souvent sur l’intervention d’un organe judiciaire. Il en est ainsi lorsque le rĂ©gulateur demande au PrĂ©sident de Grande Instance l’adoption de mesures provisoires, mais il est vrai que le rĂ©gulateur peut lui-mĂȘme prononcer une injonction, mĂȘme si il peut revenir devant le juge dont l’injonction judiciaire sera plus contraignante que la simple injonction administrative. En outre, d’une façon plus prospective, il insiste sur l’opportunitĂ© qu’il y aurait de dĂ©velopper des alternatives Ă  la poursuite, par exemple par la transaction, et il insiste sur le fait qu’il conviendrait d’éviter dĂ©sormais les doubles poursuites Ă  titre administratif et pĂ©nal relativement aux doubles faits.

Carole Xueref, membre du Conseil de la Concurrence, dĂ©montre les liens qui doivent se dĂ©velopper entre sanction et conformitĂ©. En effet, les programmes de compliance, tels qu'ils ont Ă©tĂ© mis en place par les autoritĂ©s de concurrence, permettent aux autoritĂ©s de mettre les agents Ă©conomiques en position rationnelle de respecter la loi. Cet outil ex ante est non seulement un engagement, en cela alternatif Ă  la sanction, mais encore son non-respect donne lieu Ă  des sanctions extrĂȘmement fortes, l’effet de dissuasion attachĂ© aux programmes de compliance Ă©tant ainsi trĂšs efficace. Il faut donc en conclure qu’une rĂ©gulation du marchĂ© appelle Ă  la fois une politique de sanction et une politique de conformitĂ©.

En ce centrant davantage sur la politique de sanction du rĂ©gulateur financier Frank Martin Laprade, avocat, souligne que la France a suivi sa tradition rĂ©pressive en dotant le rĂ©gulateur d’un fort pouvoir de sanction, celui-ci s’applique notamment sur les dirigeants sociaux, par exemple les maisons mĂšres pour le comportement des filiales, dans une interprĂ©tation large des notions rĂ©pressives. Mais le rĂ©gulateur ne cherche pas tant Ă  punir des coupables qu’à veiller Ă  la bonne information du marchĂ©. Pragmatisme qui l’éloigne de cette rĂ©pression classique prĂ©cĂ©demment Ă©voquĂ©e. L’on peut alors se demander si le rĂ©gulateur ne s’oriente pas Ă  travers son pouvoir de sanction vers une logique d’indemnisation, puisque sa fonction est de protĂ©ger l’investisseur ? Dans un tel cas, les sanctions au sens strict devraient ĂȘtre Ă  la charge des tribunaux pĂ©naux, en ce qui concerne les vĂ©ritables abus de marchĂ©, tandis que le rĂ©gulateur administratif veille davantage Ă  la bonne information de celui-ci. Cette rĂ©partition des rĂŽles est pratiquĂ©e aux Etats-Unis, elle ne l’est pas en France. Une Ă©volution du systĂšme français encouragerait certes les investisseurs victimes Ă  agir, notamment sous forme d’action collective.

 

De la mĂȘme façon, Olivier Diaz, avocat, insiste sur la nĂ©cessitĂ© pour la rĂ©gulation boursiĂšre d’ĂȘtre gouvernĂ©e par le principe de prĂ©visibilitĂ©. Il estime que ce principe est satisfait par la pratique de l’autoritĂ© des marchĂ©s financiers. Mais son jugement est beaucoup plus sĂ©vĂšre concernant d’autres sources du droit, les textes, aussi bien les textes en matiĂšre de manquement d’initiĂ© que des dĂ©cisions concernant l’action de concert, dont on finit par se demander quelle en est aujourd’hui la dĂ©finition, situation prĂ©judiciable au principe de prĂ©visibilitĂ©.

Enfin, Marie-Anne Frison-Roche se demande si une politique de sanction peut exister dans la rĂ©gulation financiĂšre et comment peut-elle dans un mĂȘme cas ĂȘtre commune au rĂ©gulateur et au juge. En effet, classiquement les sanctions sont des dĂ©cisions individuelles consistant dans l’application d’une rĂšgle gĂ©nĂ©rale Ă  un cas particulier. La rĂ©gulation exige au contraire, ne serait-ce que pour ĂȘtre prĂ©visible, qu’elle exprime une politique, de type doctrinal, posant les buts recherchĂ©s, Ă  l’aune desquels les dĂ©cisions seront prises (droit tĂ©lĂ©ologique). Cela explique qu’en rĂ©gulation financiĂšre, les sanctions, comme les engagements, sont conçus comme des Ă©lĂ©ments d’une politique dont le rĂ©gulateur est Ă  la fois l’auteur et celui qui l’applique. Le droit pĂ©nal est d’une autre nature, mais en matiĂšre financiĂšre, une politique de sanction doit exister et le rĂ©gulateur est en son cƓur. Dans ces conditions, il est difficile que cette politique de sanction soit commune au rĂ©gulateur et au juge, puisque le juge n’a pas la mĂȘme lĂ©gitimitĂ© ni fonction qu’un rĂ©gulateur d’émettre une politique de marchĂ©. C’est pourquoi par exemple le juge ne peut pas transiger ou bĂątir des politiques de clĂ©mence. DĂšs lors, mĂȘme si le rĂ©gulateur s’est juridictionnalisĂ© par l’effet de l’article 6 CEDH, il est difficile d’articuler les deux personnages, que l’on ne peut confondre. Pourtant, le juge est lĂ©gitime dans sa prĂ©sence ex post pour s’assurer de la lĂ©galitĂ© des dĂ©cisions particuliĂšres de sanction, sans entrer dans la politique de sanction ni s’y substituer. De la mĂȘme façon, le ministĂšre public, composĂ© de magistrat, peut, depuis toujours, porter une politique rĂ©pressive, que les tribunaux pĂ©naux pourront au cas par cas reprendre.

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