Document de travail
► Référence générale : Frison-Roche, M.-A., Les décisions des juges et des régulateurs favorisent-elles la compétitivité des entreprises françaises ?, document de travail, février 2014.
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Ce working paper a servi de base à un article publié dans la Revue Droit & Affaire
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►Résumé du document de travail : Les agents économiques sont autant soucieux des régulateurs que des juges. Il est très difficile de mesurer la compétitivité des décisions de ceux-ci, en dehors des formules générales que l’on assène aisément sur la nécessité de rapidité, de prévisibilité et de sécurité. Mais ce sont des qualités que l’on demande à toute source de contrainte. En outre, concernant les décisions des juges et des régulateurs, la difficulté tient au fait qu’il est difficile de scinder une décision de la procédure qui la précède. Quand on interroge les économistes, ils disent que l’essentiel est que l’agent sache à quoi s’en tenir, pour maîtriser ensuite ses coûts. Pour cela, il faut précisément que ces décisions, quelle que soit leur nature juridique, constituent une « jurisprudence ».
Mais, en premier lieu, si l’on aborde la question d’une façon générale, pour que l’on puisse parler de « jurisprudence », il faut qu’il y ait un corps de « doctrine ». Ainsi, paradoxalement, les régulateurs ont davantage une jurisprudence que n’en produit le monde judiciaire, plus disparate. En second lieu, on ne peut avoir une vision si globale. Il convient de partir des cas. Ainsi, la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation est-elle « compétitive » ? Son dogmatisme, qui la rend coûteuse, ne la rendait-elle pas prévisible ?
Plus encore, un arrêt récent de la première chambre civile de la Cour de cassation qui récuse l’analyse économique du droit, revendiquant l’imperméabilité normative entre les deux ordres que sont l’économie et le droit, est-il compétitif ? Allant de plus en plus finement, puisque le droit devient de plus en plus casuistique, c’est une à une qu’il faut prendre les décisions. On peut, à titre d’exemples, prendre quatre décisions récentes du second semestre 2013, de la Cour de cassation, du Conseil d’État et de l’Autorité des Marchés Financiers.
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1. Les discours généraux que l'on tient sur les décisions de justice, pour affirmer qu'elles doivent être prévisibles, compréhensibles et empreintes de sécurité, etc., expriment des exigences qui ne sont en rien propres à ces décisions. Cela est vrai de toutes les décisions prises par des autorités et que subissent les entreprises. Cela fait partie du « contexte » de leur action. Ainsi, pour un économiste qui calcule les coûts d’une entreprise, une « norme » est aussi bien une loi, un contrat ou une décision de justice.
2. C’est pourquoi les rapports Doing Business, si décriés mais si logiques[1], d’une part ne distinguent pas selon les différentes sources du droit, car le critère est inopérant, et d’autre part affectent à chaque disposition (contractuelle, de jurisprudence et de législation) le coût qui lui est attaché.
3. En outre, c'est la marque du droit en général que de devoir être le plus prévisible possible au regard de la nouveauté que contient par nature le futur. Pourtant, les principes n'existent jamais d'une façon absolue, et le droit adopté aujourd'hui ne peut "geler" le futur pour mieux sécuriser l'action des entreprises. Seul le contrat, "petite loi", a ce pouvoir normatif d'ignorer la réalité qui l'entoure et d'offrir aux parties cette sécurité.
L'on ne peut demander aux décisions des juges et des régulateurs que d'être "prévisibles", dans la mesure où l'on pouvait prévoir les éléments nouveaux qui sont intervenus entre le moment où la loi a été adoptée, le moment où le juge a été saisi, le moment où d'autres lois ont été adoptées, le moment où d'autres cas ont été tranchés, etc. Autant de nouveautés qui engendrent de l'imprévisibilité irréductible.
Mais autant que cela est possible, malgré cette complexité, c'est-à -dire ces interactions et ces nouveautés, ces éléments apparaissant successivement dans le temps, il faut que l'agent, qui subit la contrainte, puisse, avant que ces interactions engendrent des éléments nouveaux qu'il ne connaît pas, être néanmoins en mesure de déduire lui-même la solution qui lui sera appliquée.
4. Les opérateurs économiques l'exigent des décisions des juges et des régulateurs. La revendication est légitime mais elle peut être formulée pour tout le droit. Cela a toujours été vrai. Cela n'est pas le propre des jugements. Ce qui est propre à ces décisions, lorsqu’elles sont prises en ex post et non en ex ante, ce qui est normalement le propre des décisions de justice et les distingue des actes des régulateurs qui sont parfois des décisions ex post lorsque les opérateurs opèrent des règlements des différends et prononcent des sanctions, et qui sont parfois des décisions ex ante lorsque les régulateurs accordent des agréments, des licences, etc., c’est que les décisions ex post, en ce qu’elles s’appliquent immédiatement à des situations établies antérieurement, ont de fait un effet rétroactif. Ainsi, c'est le caractère rétroactif de la surprise, que Christian Mouly mit pour la première fois en lumière[2], qui peut poser problème aux entreprises, en ce que le calcul des coûts auquel elles avaient procédé s'en trouvent faussé.
5. Il est vrai que la doctrine a beaucoup insisté sur les revirements de jurisprudence, en soulignant que cela trahit les représentations que les agents économiques s’étaient faits de leurs droits, c’est-à -dire de leurs coûts, lorsqu’ils ont décidé de constituer une situation juridique, forme neutre d’une décision économique. Mais la problématique est la même pour l’application immédiate de la loi. Ainsi, la loi fiscale s’applique immédiatement à une situation économique antérieurement constituée d'une façon définitive, à savoir la situation déclarée par l’assujetti - situation constituée lors de l’année précédente - et personne semble-t-il n’y trouve à redire, tant qu’un "nouveau Christian Mouly" n’aura pas pointé le phénomène du doigt. Pourtant, le système juridique fait que la loi fiscale contenue dans la loi de finances s’applique immédiatement à des revenus et à des placements, des cessions, etc., opérés l’année précédente. C’est le principe même de l’impôt que d’appliquer immédiatement une règle à des opérations économiques et juridiques de l’année précédente, lesquelles seront déclarées dans l’année où l’impôt sera payé mais au regard de situations juridiques antérieures. La problématique de ce qu’il est désormais convenu d’appeler la « rétroactivité des revirements de jurisprudence » est la même que pour ce qui est des changements de législations, notamment fiscales, pour lesquelles le contrat ne peut demeurer sous l’empire de la loi ancienne.
6. De la même façon, la simplicité est un autre principe qui n'est pas le propre de la jurisprudence. Elle n'est pas plus un principe qui vaut en lui-même. Elle est un principe relatif. Il convient que la norme soit aussi simple que cela est possible. Mais la complexité du réel, du cas soumis, de la situation régie par la loi, du but à atteindre, oblige à des dispositifs complexes, à des raisonnements complexes. Ainsi, il faut autant de complexité qu'il est nécessaire : pas plus qu'il est nécessaire, mais autant qu'il est nécessaire. C'est l'esprit du principe européen de proportionnalité, dont la pertinence imprègne aujourd'hui tout le droit économique et qui a remplacé la notion de la Révolution Française de "nécessité de la loi". Le principe vaut aussi bien pour la loi que pour la jurisprudence. Et pour l'un et pour l'autre, la simplicité n'est pas un but en soi. Et pour l'un et pour l'autre, les personnes requièrent un droit aussi simple que possible pour concrétiser les droits et les buts.
7. Quant à la sécurité juridique, laquelle devient un "droit à la sécurité juridique", dans le mouvement de terrain que constitue la subjectivisation générale du système juridique, elle est la définition même du droit. Si le droit n'est que l'expression d'une puissance légitime à contraindre, alors il se confond avec l'Etat, sauf à passer d'un ordre à un autre, par exemple l'ordre religieux. Parce que nous sommes dans l'ordre du droit, les sujets de droit sont protégés par le droit d’une façon tautologique. Tant que les sujets de droit peuvent atteindre un juge pour que leurs prérogatives soient défendues, alors le système juridique existe, l’accès au juge étant à la fois le synonyme de l’idée de Constitution[3] et la garantie d’un Etat démocratique[4].
8. Si l’on veut donner un tour plus concret à ce truisme, alors l’on revient aux thèmes précédents de la simplicité, de l’accessibilité, de la non-rétroactivité, principes-pivots mais qui ne sont pas propres aux décisions de justice et aux décisions des régulateurs.
9. Ainsi, il est difficile d’isoler des critères, des approbations ou des reproches liés à la compétitivité qui soient propres aux décisions des juges et des régulateurs et qui ne visent pas en réalité l’ensemble du droit.
10. Prenons un exemple, à travers le reproche récemment formulé de « l’inculture économique » des juges. Dans un écrit cinglant[5], le Professeur d’économie Pierre Cahuc a soutenu que si la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation en matière de licenciement était si "lamentable" et destructrice d’emploi, parce que contraire aux intérêts des entreprises françaises ainsi plombées, cela tenait au fait que les juges n’apprenaient que du droit et que leur méconnaissance de la théorie micro-économique les rendaient incapables de prendre en considération les effets de leurs arrêts sur les opérateurs français en compétition sur le marché.
11. C’est un reproche très récurrent fait au juge « enfermé dans sa tour d’ivoire » (je cite ici Pierre Cahuc) et nous trouvons ainsi une série de rapports, le rapport Prada étant le plus notable[6] pour expliquer qu’un droit moins complexe, plus prévisible et manié par des personnes plus sensibles au contexte économique général dans lequel évolue l’agent auquel elles ont affaire, par exemple le juge à l’égard de l’entreprise justiciable, engendrerait un « outil juridique plus performant ».
12. Cela n’est pas faux mais cela n’est en rien propre aux décisions des juges et des régulateurs. Ainsi, si l’on pense qu’un peu de culture économique serait bienvenue, si l’on estime que la porosité entre l’ordre juridique et l’ordre économique peut produire des fruits heureux, cela vaut pour toutes les sources du droit. Ainsi, le ton du rapport publié par le Conseil d’Analyse Économique (CAE) auprès du Premier Ministre à propos du projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR), dit « projet de loi Duflot », actuellement en navette au Parlement, est approbateur sur certains points mais très critique sur d’autres, en tant que le législateur méconnaîtrait les bases de l'économie du logement[7].
13. Ce rapport n’est ainsi guère plus aimable pour cet apprenti-législateur qu’est un ministre que ne l’était le professeur d’économie pour ces apprentis-juges que sont les auditeurs de l’Ecole Nationale de la Magistrature.
14. Tout à l’inverse et en second lieu, si l’on se limite cette fois à ce qui caractérise les décisions des juges et certaines décisions des régulateurs, à savoir les décisions ex post, lesquelles attachent à une situation particulière et concrète un effet particulier et concret (annulation, emprisonnement, obligation de verser de l’argent, attribution ou privation de prérogatives, de libertés ou de pouvoir), une difficulté spécifique apparaît.
15. En effet, les décisions de ce type sont très difficiles à dissocier de la procédure qui les précède. Par exemple, le fait de pouvoir procéduralement éviter une décision d’un juge ou d’un régulateur, par composition administrative ou par settlement, est souvent présenté comme un atout pour les entreprises qui évoluent dans un système juridique[8] qui le permet, parce qu’un parfum d’accusatoire y règne.
16. C’est d’ailleurs par la procédure que les régulateurs, qui prirent dans un premier temps la figure d’un administrateur, adoptèrent dans un second temps la figure du juge parce que leur organisation a été modifiée par l'obligation de respecter les droits de la défense et le contradictoire[9]. Le régulateur, indépendant comme un juge, est aussi contraint que celui-ci par la façon dont il aboutit à sa décision, c’est-à -dire la procédure.
17. Ainsi, en droit économique, le système probatoire assez peu affiné en droit français, alors qu’il est l’objet de tous les soins du droit technocratique des marchés aux États-Unis et au Royaume-Uni, permet aux avocats de mieux faire valoir des arguments de tous types. Or, il est impossible de déterminer si la preuve est une question de procédure ou relève du fond, puisqu’elle est à la fois ce par quoi se construit le procès (procédure) et ce sur quoi s’élabore le jugement (décision). Ainsi, il serait logique d’insérer ici les études menées sur l’apport des types de procédures et des techniques procédurales dans l’étude des décisions des juges et des régulateurs comme voie ou obstacle à la compétitivité des entreprises françaises.
18. Mais il y a du découpage dans tout sujet, la construction d’un thème général obligeant à le séparer comme un gâteau en autant de parts. Je laisserai donc la part de la procédure à un autre auteur, puisque nous sommes séparés par le couteau de la table des matières, pour m'en tenir strictement aux décisions prises par les juges et les régulateurs.
19. Dès lors, si l’on concentre son attention sur les décisions des juges et des régulateurs, en ce qu’elles sont spécifiques des autres phénomènes juridiques et qu’il ne suffit pas qu’elles soient le plus prévisible possible, le plus simple possible, le plus sûre possible, sans par ailleurs que l’on y mêle davantage des questions plus procédurales en feignant d’ignorer l’imprégnation procédurale d’où pourtant résultent ces décisions, on en arrive à faire deux observations.
20. Tout d’abord, les opérateurs économiques attendent des juges et des régulateurs une absence d’arbitraire. Pour limiter le pouvoir discrétionnaire, pour emprunter au vocabulaire des économistes « pour éviter la discrétion du régulateur », il faut que des limites de manœuvres lui soient imposées dans les méthodes qu’il utilise. Pour cela, les économistes demandent qu’un pouvoir normatif plus puissant, pouvoir que les juristes appelleraient « le législateur », assignent à ces juges et à ces régulateurs une seule fonction. C’est la seule vraie solution. Or, cela n’est jamais fait, ni pour le juge ni pour le régulateur. Dès lors, le juge et le régulateur doivent en quelque sorte s’emprisonner eux-mêmes dans leur propre rationalité : c’est la définition que l’on donne à la « jurisprudence » (I).
21. Par ailleurs, cette jurisprudence, qu’il faut alors prendre au sens anglo-nord-américain du terme, c’est-à -dire de doctrine auto-contraignante (les administrations ont une jurisprudence dans leurs décisions administratives, les régulateurs ont une jurisprudence dans leurs décisions ex ante), est la limite dans laquelle sont prises des décisions particulières, dont on peut apprécier, au cas par cas, si elles sont favorables ou non à la compétitivité des entreprises françaises, c’est-à -dire si ces solutions particulières les incitent concrètement à faire en sorte d’être soumises au droit français pour se développer économiquement (II).
I. LA NÉCESSITÉ DE LIMITER LA DISCRÉTION DES JUGES ET DES RÉGULATEURS PAR LA CONSTRUCTION D’UNE DOCTRINE JURISPRUDENTIELLE
22. Les économistes français cherchent à montrer que le droit français est plus compétitif que le droit de Common Law car il est construit sur l’ex ante et non pas sur l’ex post. Dès lors, les régulateurs « à la française », qui sont des autorités administratives, demeurant dans l’ordre étatique, dotés par délégation de pouvoir normatif, s'exerçant généralement d’une façon supplétive, participent de cet ex ante sécurisant, tandis que ce monde de Common Law habité par les juges serait plus empli d’insécurité.
23. L’affirmation est bien incertaine. En effet, l’ex post, c’est-à -dire une décision de règlement des différends ou de sanction, est un « signal » pour les tiers et le marché. Le signal est constitué par la décision même mais également par les principes qui peuvent être émis à cette occasion. Les juristes connaissent bien cela, puisque Carbonnier a qualifié le juge de « législateur particulier ». D’une façon plus économique, l’on peut dire que l’ex post est un ex ante cognitif[10], c’est-à -dire que c’est ce par quoi les autres apprennent comme il faudrait se comporter à l’avenir pour que le juge ou le régulateur réagit désormais d'une façon bénéfique à leur égard.
24. C’est pourquoi, la motivation a parmi ses multiples fonctions[11] celle d’informer les entreprises de ce qu’il adviendra par la suite dans des cas analogues à celui qui vient de recevoir la solution particulière. Cela est net lorsque nous sommes en droit économique, dans des secteurs très « auto-observés », par exemple en matière boursière ou énergétique, dans lesquels chaque décision est examinée minutieusement par l’ensemble du secteur.
25. Plus encore, il y a alors un continuum du discours du régulateur, qu’il parle en ex ante ou en ex post, qu’il parle en droit ou prenne le micro dans des colloques, etc. Mais je ne veux pas ici développer le thème de la soft Law, abordé par un autre article dans ce numéro collectif, thème pourtant essentiel car manié par les régulateurs et par les juges désormais amateurs de "droit souple", puisque le sujet est traité par ailleurs[12].
26. Le juge, qui a exactement le même statut qu’un régulateur pour l’entreprise, doit avoir la même position. Il doit « donner à voir », à travers le cas qu’il résout, la façon dont il résoudra les autres, notamment en expliquant pourquoi il n’a pas retenu une circonstance cette fois-ci non déterminante mais qui une fois prochaine le sera peut-être. C’est pourquoi la présentation syllogistique est tout à fait regrettable, car non seulement elle est fausse (nous savons bien que les juges ne construisent pas ainsi leur jugement) mais elle n’instruit pas le lecteur, pourtant si attentif. A ce titre, le rapport du Conseil d’Etat sur l’évolution de la rédaction des jugements administratifs[13] est très décevant, car il ne propose que quelques allégements formels et préconise de conserver le syllogisme juridictionnel.
27. En outre, il n’est toujours pas question d’exprimer, même par obiter dictum, une opinion dissidente, ce qui aurait pu être le sens de la décision. Il est vrai que les évolutions jurisprudentielles sont souvent de subtils signes avant-coureurs[14], mais cela n’équivaut en rien à ce qui serait une reprise dans la décision du débat dans sa globalité, débat à partir duquel le régulateur ou le juge exprimerait une doctrine.
28. Or, on en revient à une question de base : qu’est-ce que la jurisprudence ? Ce n’est certainement pas l’accumulation de toutes les décisions rendues par les juges. Les économistes seraient très étonnés d’entendre une telle définition, car ils sont persuadés que les administrations émettent des jurisprudences. Pour eux, une « jurisprudence » renvoie à un corps de principes fixes et généraux auquel chaque organe - par exemple l’exécutif, le régulateur, la banque centrale, etc.- se réfère pour prendre une décision, cette jurisprudence établie le contraignant et limitant de ce fait sa « marge de discrétion ».
29. Ainsi, la jurisprudence, c’est la doctrine. Là encore, rien de révolutionnaire. Carbonnier l’a écrit : « La jurisprudence est une autorité ». En cela, elle impressionne et elle se tient elle-même. Les régulateurs l’ont compris depuis longtemps car les entreprises exigent de disposer d’une doctrine, par exemple de la part des banquiers centraux et les économistes parlent de « jurisprudence » les concernant. Pour les juges, paradoxalement, cela est plus difficile car ils sont disséminés et les entreprises risquent d'être confrontées à autant de jurisprudences qu’il y a de juges.
30. C’est là où interviennent les Hautes juridictions. Mais souvenons-nous. Lorsque Guy Canivet montra, dans des articles et plus encore à travers sa propre pratique, que par sa puissance doctrinale, la Cour de cassation par sa jurisprudence a une portée normative. Les propos du Premier Président n’ont rien de révolutionnaires mais décrivent simplement la réalité, réalité qu’il connaît bien en tant que spécialiste du droit économique. On lui chercha pourtant querelle car, de la même façon que certains soutiennent étrangement que la jurisprudence n’appartient qu’aux juges, d’autres soutiennent pareillement que la doctrine n’appartient qu’aux professeurs.
31. Or, si la Cour suprême des États-Unis est considérée comme étant si adéquate aux entreprises, ce n’est pas spécialement par une tendance politique libérale[15], mais c’est plutôt en raison de son autorité extrême, de la recevabilité devant elle à émettre des raisonnements de toutes natures, d’une rédaction qui fait la balance entre tous les arguments, d’un soin tout particulier pour expliquer pourquoi un raisonnement est rejeté plus encore que pour justifier qu’un autre est accueilli.
32. On a pu en observer des exemples récents en propriété intellectuelle, enjeu majeur pour les entreprises, à propos de laquelle la Cour suprême a mis expressément en balance la théorie économique de l’innovation et la théorie sociale de la protection du travail. Une fois que le choix est fait, la doctrine est fixée et les entreprises peuvent alors faire leur propre choix, par exemple d’investissement en matière de recherche et développement.
33. On peut ainsi se référer à l’arrêt Monsanto du 22 mai 2013[16], par lequel la Cour suprême fait certes prévaloir le droit des brevets à propos de semences que l’on pourrait considérer comme nouvelles, puisque l’agriculteur les avait obtenues en faisant un croisement entre des semences sous brevets et des graines non protégées par un droit monopolistique. Mais en premier lieu ce fût au terme d’une procédure publique de plusieurs mois durant laquelle de nombreux amici curiae furent entendus[17].
En second lieu, sa décision examina chacun des fondements possibles avant de construire sa préférence pour la prévalence du droit des brevets sur la théorie économique de l’incitation, ici à l’investissement dans la recherche. On peut l’expliquer par le fait que le secteur agricole est aux États-Unis largement subventionné et que ces subventions viennent compenser les royalties que les agriculteurs doivent reverser aux laboratoires. C’est donc un circuit économique que la Cour suprême valide, d’une façon cohérente puisque l’input en faveur des agriculteurs (subventions) et l’output en leur défaveur (redevance de brevet) se traduisent par une politique incitative à la recherche et à l’innovation. La solution choisie par les juges s'opère au détriment du mécanisme concurrentiel, puisque l'agriculteur voit sa liberté d'action limitée par un droit des brevets largement interprété et également parce que le raisonnement ne tient que par la considération implicite des subventions agricoles, aides d'Etat qui faussent le marché[18].
Certes, les aides d'Etats ne sont pas prohibées par le droit nord-américain alors que leur interdiction est un pilier du droit communautaire, ce qui déséquilibre toute l'industrie européenne par rapport à l'industrie nord-américaine, mais cela est une autre histoire...
34. Dès lors, si l’on prend comme critère d’appréciation la cohérence de ce qu’affirme dans la durée l’organisme qui apprécie les situations particulières, qu’il soit juge ou régulateur, peu importe qu’il soit sévère ou clément pour l’entreprise. L’essentiel est sa cohérence, sa constance, sa fidélité à lui-même. Par exemple, l’on critique très souvent la chambre sociale de la Cour de cassation, en disant que ces arrêts sont calamiteux pour les entreprises françaises.
35. L’on se prévaut notamment de la proposition par laquelle les économistes Oliviers Blanchard et Jean Tirole ont affirmé qu’il convenait d’éliminer le juge, désigné comme la source de tous les maux, pour le remplacer, dans tout le système français de contestation possible devant un juge des licenciements décidés par l’entreprise, par une taxe que celle-ci devrait payer sans que sa décision puisse être contestée par personne, ni devant personne[19]. Cette proposition ne signifie pas que les entreprises devraient jeter à la rue les salariés sans contrepartie et que le système de protection sociale devrait s’effondrer. En effet, selon Jean Tirole, si une entreprise veut licencier une personne, si la France veut maintenir son choix politique de protection sociale qui se répercute dans les coûts de l’entreprise, alors il faudrait plus directement taxer l’entreprise qui veut licencier. L’argent rapporté par la taxe, celle-ci devant être affectée au financement des ASSEDIC, fonctionnement de Pôle Emploi et autres mécanismes, permettrait de financer la protection sociale sans atteindre la liberté de licencier, laquelle est un frein à l’embauche et un frein à la compétitivité.
36. Cette proposition de Jean Tirole a été très critiquée et ce professeur français de renommée mondiale a été immédiatement qualifié « d’ultra-libéralisme ». On monte au bûcher pour moins que cela. Pourtant, ce qu’il critiquait avant tout, car - comme cela est fréquent - ceux qui le critiquaient n’avaient pas lu son rapport, n’était pas tant la difficulté pour les entreprises françaises de licencier et sa proposition ne consistait pas à permettre aux entreprises de licencier sans contrepartie : ce dont il voulait que les entreprises françaises soient protégées, c’était de l’aléa juridictionnel, qui réside dans les conseils de prud’hommes, aléa qui épuise et exaspère les entreprises françaises. Le poids financier du licenciement restait le même, puisqu'il y avait une taxe à verser et que celle-ci devait être affectée à la protection sociale, qui pouvait être accrue au bénéfice des personnes licenciées.
37. Sa critique est donc celle de l'aléa juridictionnel en matière de licenciement. Mais est-elle fondée ? En effet, si nous revenons à la chambre sociale de la Cour de cassation, dans ces dernières années, elle était certes très favorable à l’employé, mais elle avait une doctrine. L’entreprise française savait qu’elle allait avoir des difficultés à gagner et allait devoir faire des efforts pour emporter la conviction d’autres acteurs du droit, en agissant par exemple sur le législateur pour briser une jurisprudence, ou bien tabler sur la Cour de justice de l'Union européenne, dont la doctrine est très libérale[20]. Dès lors, chacun sait à quoi s’en tenir, et l’entreprise peut calculer ses coûts stabilisés dans le temps.
38. Ainsi, l’entreprise peut s’appuyer sur une doctrine qui est celle de la Cour, doctrine qui représente un coût et qu’elle va calculer comme les autres coûts de transaction. L’essentiel est de pouvoir calculer les coûts. C’est pourquoi le juge et le régulateur doivent être impartiaux car la partialité rend les coûts très difficiles à calculer[21]. Or, on peut tout à fait soutenir que la chambre sociale de la Cour de cassation est « dogmatique », mais l'on ne saurait dire qu'elle est corrompue. Ainsi, son impartialité la rend fiable. C'est le caractère doctrinal, l'existence de principes généraux, le caractère non excessivement casuistique du fil de ses arrêts successifs qui en font un juge sûr.
39. Ce sont des débats doctrinaux qui ont lieu, qui sont suivis par tous. A l’heure où l’on se demande à l’envie si nous sommes en train d’avoir ou non une Cour suprême en France, c’est bien plutôt dans la façon d’accueillir les débats et d’y répondre d’une façon doctrinale, c’est-à -dire d’avoir une jurisprudence, c’est-à -dire d’avoir une autorité, que l’on pourra le mesurer. Le fait de rendre public via un site Internet les audiences des QPC est déjà un signe.
40. Une fois posée la règle générale précédemment décrite, selon laquelle les entreprises doivent pouvoir tabler sur des « jurisprudences » au sens où les économistes l’entendent, c’est-à -dire des doctrines stables qui encadrent les décisions particulières des juges, des régulateurs et des administrations et restreignent leur marge de discrétion, il convient dans un second temps de prendre quelques exemples au cas par cas.
41. En effet, ceci établi d’une façon générale, il convient d’adopter une approche casuistique pour déterminer si la façon dont les juges ou les régulateurs ont apporté une solution à la difficulté qui leur était soumise, affectant ainsi la situation juridique qu’ils ont eu à connaître, était favorable à ce dont a besoin une entreprise dans un système de droit.
42. Le plus simple est de piocher dans les mois les plus récents de 2013 et de prendre presque au hasard et dans diverses juridictions ou autorités de régulation des décisions particulières pour les étudier concrètement.
II. L'ADÉQUATION DES DÉCISIONS DES JUGES ET DES RÉGULATEURS FRANÇAIS AUX ENTREPRISES, ANALYSÉES AU CAS PAR CAS
43. Le plus simple est de prendre presque au hasard par exemple quatre décisions adoptées dans la seconde partie de l'année 2013. On les analysera dans l’ordre chronologique, en commençant par les arrêts rendus par la chambre mixte de la Cour de cassation le 17 mai 2013, en poursuivant par l’arrêt rendu par le Conseil d’Etat le 24 juin 2013, Société Colruyt, pour aller ensuite vers l’arrêt de la première chambre civile de la Cour de Cassation du 13 juillet 2013 et finir par la décision adoptée par la commission des sanctions de l'Autorité des Marchés Financiers (A.M.F.) le 4 novembre 2013.
44. Ainsi, débutons par les deux arrêts, déjà très commentés[22], rendus par la chambre mixte de la Cour de cassation, le 17 mai 2013, et plus particulièrement le second, Société Bar le Paris c/Société Siemens Lease.
45. Dans cette affaire, selon un montage assez courant, une petite société qui tient un bar entre en contact avec une société qui la rémunère pour passer du contenu, notamment publicitaire, dans des télévisions installées dans son local. Cela donne lieu à un contrat de prestation de service. Ces télévisions sont louées par le commerçant à une société de leasing, qui contracte avec lui un contrat de crédit-bail. Les parties contractantes, qui sont commerçantes, stipulent expressément que les deux contrats « sont indépendants l’un de l’autre ». On observe ici que les entreprises puissantes de leasing ont retenu la leçon de la jurisprudence, ancienne mais dans l’esprit de tous, qui avait considéré que le caractère inutilisable d’écrans installés dans des pharmacies, du fait de la faillite du prestataire de service, avait privé de cause les contrats de location des téléviseurs aux pharmaciens.
Dans le cas présent, bis repetita, la machine ne fonctionne pas. Le commerçant n’en ayant pas l’usage, refuse de payer les loyers. Cette fois-ci, la société de leasing se prévaut de la stipulation expresse lorsqu'elle agit devant les juges, en exécution forcée contre son cocontractant locataire du matériel.
46. Mais la Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 6 avril 2011, la déboute. On comprend aisément qu’un pourvoi ait été formé. Tout juriste, fort de l'autonomie de la volonté apprise à l'Université, l'aurait conseillé au crédit-bailleur dont la prétention est ainsi rejetée. Le pourvoi affirme que seule la loi peut écarter une stipulation expresse qui exprime la volonté des parties contractantes, qu’il ne peut exister d’indivisibilité contractuelle pouvant effacer l’efficacité de cette volonté que de par une volonté législative et que c’est méconnaître la force obligatoire des contrats que de statuer autrement. En raison du poids de la jurisprudence précédente, de l’enjeu politique des montages, ainsi que du caractère absurde et paradoxal de la situation (payer un loyer pour un matériel inutilisable versus ne pas respecter à la lettre même du contrat), une chambre mixte est réunie au sein de la Cour de cassation pour trouver la solution la plus adéquate.
47. L’essentiel est dans la motivation. En effet, le pourvoi est rejeté. Mais surtout, la Cour de cassation affirme que « les contrats concomitants ou successifs qui s’inscrivent dans une opération incluant une location financière, sont interdépendants ; … sont réputées non écrites les clauses des contrats inconciliables avec cette interdépendance ».
48. Cet arrêt, et son frère jumeau avec lui, est à approuver car il met en transparence le contrat sur l’opération économique. Le contrat y reçoit sa définition objective, qui est d’engager à exécuter des obligations, ce qui renvoie à sa définition économique d’être l’instrument neutre et préalable d’une opération économique[23]. Ainsi, le message émis par l’arrêt est simple et net : il faut que les entreprises sachent ce qu’elles vont faire avant de savoir ce qu’elles vont écrire.
Cela est conforme au Code civil, qui pose que l’écrit n’est pour le contrat qu’une condition de preuve et pas plus. Si la stipulation insérée par les parties contredit l’opération économique elle-même, alors le seul fait d’être « inconciliable », qualificatif exact et nouveau dans le droit des contrats, fige le pouvoir de la volonté : une partie au contrat n’a pas le "droit" de vouloir une opération économique insensée.
L'irrationalité économique d'un tel comportement économique conduit le juge à rayer la clause qui n'est pas "possible", parce que les parties n'ont pas pu vouloir quelque chose qui n'a pas de sens dans un projet économique : ici payer un loyer pour une chose qui ne marche pas, par l'insertion d'une clause dont le seul but est de contraindre la partie à payer un loyer dans l'hypothèse où l'objet loué ne marche pas.
Si la clause avait été rédigée différemment, par exemple si elle avait été une clause de risque, stipulant que le risque du dysfonctionnement de l'appareil telle que soit l'origine de celui-ci, repose sur le locataire du téléviseur, alors sans doute la clause eut été admissible, car la répartition du risque peut faire partie d'un projet économique. Mais ce n'est pas ainsi que la volonté des parties s'est exprimée. Ici, elle s'était exprimée dans un non-sens économique : dès lors, la Cour de cassation l'a effacée comme on le fait d'un trait de craie sur l'ardoise de l'élève.
49. Un deuxième exemple peut être pris dans l’arrêt rendu par le Conseil d’Etat le 24 juin 2013, Société Colruyt[24]. Il concerne le contrôle des concentrations. L’article L.430-3 du Code de commerce oblige les personnes qui acquièrent le contrôle d’une entreprise à procéder à la notification de cette concentration auprès de l’Autorité de la concurrence, si certains seuils sont atteints. Or, la filiale française détenue à 100% par une société-mère belge avertit l’Autorité de concurrence que celle-ci aurait procédé à trois concentrations sans les notifier. Après enquête, l’Autorité estime que les faits sont prescrits pour les deux premières opérations mais ouvre une procédure de sanction contre la société-mère à propos de la troisième. Par une décision du 6 mai 2011, l’Autorité de concurrence sanctionne l’entreprise en prononçant à son encontre une amende. Celle-ci saisit le Conseil d’Etat d’une requête.
50. La requête articule deux griefs à l’endroit de la décision de l’Autorité. En premier lieu, les requérants estiment qu’en se saisissant d’office, ce qui suppose que l’Autorité ait considéré que des éléments d’imputation du manquement soient déjà constitués, c’est-à -dire en préjugeant, puis en statuant au fond, l’Autorité a été à la fois partie (puisqu’elle a exercé le droit d’action) et juge, ce qui est incompatible avec le principe légal d’impartialité, lequel interdit d’être juge et partie. Les requérants avaient d’ailleurs également en cours de procédure formé une QPC sur le même raisonnement, mais par un arrêt du 14 décembre 2012, le Conseil d’Etat avait refusé de transmettre cette QPC au Conseil constitutionnel.
51. Dans sa décision au fond et sur cette question, le Conseil d’Etat estime que « la possibilité conférée à une autorité administrative indépendante dotée d’un pouvoir de sanction de se saisir de son propre mouvement d’affaires qui entrent dans le domaine de compétence qui lui est attribué n’est pas, en soi, contraire à l’exigence d’équité dans le procès ». Mais, une fois le principe posé, le Conseil d’Etat aménage la règle d’autorisation du cumul des pouvoirs[25]. En effet, l’arrêt poursuit : « que toutefois, ce pouvoir doit être suffisamment encadré pour ne pas donner à penser que les membres de la formation appelés à statuer sur la sanction tiennent les faits visés par la décision d’ouverture de la procédure comme d’ores et déjà établis ou leur caractère répréhensible au regard des règles ou principes à appliquer comme d’ores et déjà reconnu, en méconnaissance du principe d’impartialité… ».
52. La construction de la réponse est donc très fine. En premier lieu, le grief formulé par la requête est rejeté par une règle négative : le cumul pouvoir d’action/pouvoir de jugement n’est pas contraire au droit. En deuxième lieu, ce principe négatif est non seulement tempéré mais le Conseil d’Etat y substitue une règle positive : les juges « ne doivent pas laisser à penser » qu’ils prennent les faits visés par l’acte d’ouverture de la procédure ni pour acquis ni comme répréhensibles. En troisième lieu et en quelque sorte pour l’exemple, le Conseil d’Etat applique la règle que l’on peut dire « en ciseaux » (règle négative + règle positive) aux faits de l’espèce : ici, la décision d’ouverture a visé les faits sans les qualifier ni les apprécier, ce qui conduit le Conseil d’Etat à affirmer que la lecture de cet acte qui ouvre la procédure « ne saurait objectivement donner à penser » que l’Autorité était partiale.
53. Que penser d’un tel arrêt, qui est dans la même ligne que l’arrêt Habib Bank[26] ? Vu des entreprises, l’on peut être critique. En effet, lorsque l’on utilise la théorie de « l’impartialité apparente »[27], on se réfère à l’obligation pour l’organisme de « donner à voir » son impartialité à la partie qui sera sanctionnée et aux tiers qui regardent la sanction prononcée. En dépend la confiance que les entreprises ont dans les Autorités de régulation.
Or, l’arrêt du 24 juin 2013 fait comme si le destinataire de cette impartialité qui se donne à voir n’était pas l’entreprise mais le juge du contrôle, c’est-à -dire le Conseil d’Etat lui-même. Qui ne trouve rien à redire. Dès lors, n’aurait-il mieux pas fallu en rester simplement à la première affirmation selon laquelle, pour le Conseil d’Etat, avoir à la fois le pouvoir d’action et le pouvoir de juger ne posent pas problème ? Il est vrai que la décision du Conseil constitutionnel du 7 décembre 2011[28] qui déclare anticonstitutionnelle ce cumul concernant les tribunaux de commerce rend plus difficile une affirmation aussi tranchée.
54. L’arrêt du 24 juin du Conseil d’Etat est encore plus troublant concernant le second grief que la requête articulait à l’égard de la décision de l’Autorité de concurrence. En effet, toute prise de contrôle donne lieu à une notification obligatoire et l’absence de celle-ci est sanctionnée par une amende. Mais il est parfois très difficile de savoir s’il y a ou non « prise de contrôle », puisqu’il est possible que celle-ci s’opère par des modes non-capitalistiques, par une "influence déterminante sur la direction de l’entreprise", et d’une façon indirecte. Ainsi, il n’est pas exclu que l’entreprise ne mesure pas elle-même qu’elle ait pris le contrôle d’une autre. Dans ces conditions, l’Autorité dispose de « marges de discrétion » très élevées, fournies par une notion si variable de l’« influence déterminante par des moyens indirects » sur la direction de l'entreprise.
Ce caractère très souple du standard de référence est d'autant plus préoccupant que l’entreprise encourt des sanctions si elle demeure inactive.
55. C’est pourquoi, la requête en appelait au principe de la légalité des délits et des peines. Ce fut peine perdue. En effet, tout d’abord, par principe, le Conseil d’Etat rappelle que « le principe de légalité des délits et des peines… ne fait pas obstacle à ce que des infractions soient définies par référence aux obligations auxquelles est soumise une personne en raison de l’activité qu’elle exerce, de la profession à laquelle elle appartient ou de l’institution dont elle relève ». En outre, la loi peut définir pour déclencher l’obligation de notifier (dont l’absence engendrera à son tour la qualification de manquement) la prise de contrôle par référence à l’influence déterminante et viser aussi bien le contrôle indirect que le contrôle direct.
56. Rien n’est donc retenu de la requête. Cela est regrettable. En effet, en premier lieu, il faut sanctionner les entreprises et plus un système économique est libéral, plus il fait place au droit pénal[29]. Mais il faut que les entreprises soient en mesure de comprendre qu’elles sont en situation de manquement. Ici, c’est particulièrement difficile, puisque la sanction s’attache à une obligation de faire, contrairement au droit pénal classique qui sanctionnait les actes positifs de violation d'une interdiction de faire[30]. Ainsi, en ne faisant rien, l’entreprise ne sait pas si elle est en situation de manquement ou si elle est en situation de conformité.
57. Plus encore, la notion de « contrôle » d’une société est très fluctuante, ne serait-ce que parce que les titres financiers émis par les sociétés sont aujourd’hui sophistiqués. Ainsi, c’est parfois mécaniquement que les franchissements de seuil s’opèrent, par la transformation des titres financiers. Dès lors, l’entreprise ne sait pas nécessairement si elle prend le contrôle d’une autre. En outre, quand on lit les textes relatifs à cette obligation de notification à l’Autorité de concurrence, obligation positive dont la seule absence de réalisation constitue le manquement sanctionné[31], le contrôle est « défini » comme le fait d’avoir une influence déterminante sur la direction d’une société et cela peut être indirecte. Cette définition correspond certes à l’évolution du droit des sociétés et à la notion de contrôle[32] et elle est difficile pour l’entreprise elle-même à manier ex ante. En revanche, du fait de ses contours qui se dessinent au cas par cas, elle ouvre à l’Autorité une marge de manœuvre importante, alors même que nous sommes ici en matière de sanction.
58. En outre, l’Autorité utilise ici son pouvoir, prudemment désigné ici par le terme neutre de « possibilité », d’ouvrir elle-même la procédure ; autant dire qu’elle a utilisé ses marges d’une façon maximale. Mais elle aurait tout aussi bien, soit ne pas considérer qu’il y avait contrôle, puisque c’est une notion plastique, soit ne pas ouvrir la procédure, puisqu’elle tient à la fois le pouvoir de juger et le pouvoir de déclencher.
Que de pouvoirs dans lesquels se glisse de la « discrétion » ! Or, dans une perspective économique, l’on recherche des autorités de régulation qui soient les plus puissantes possibles mais aussi les moins discrétionnaires possibles.
59. Ici, le Conseil d’Etat, dans son arrêt du 24 juin 2013, a encouragé la discrétion du régulateur en matière de répression, ce qui paraît regrettable, car il y a une opposition à être très puissant de droit, ce qu’il convient pour une Autorité sur un marché, et être puissant avec des marges de discrétionnaire et sur le fond et sur la procédure, ce qu’il ne convient pas pour une Autorité sur un marché.
60. Un troisième exemple peut être pris par deux arrêts rendus par la première chambre civile de la Cour de cassation le 10 juillet 2013[33]. Un vaccin contre l’hépatite B avait été inoculé à une personne à plusieurs reprises. Celle-ci présenta quelques mois plus tard les symptômes de la sclérose en plaque. Elle saisit les tribunaux contre le laboratoire pharmaceutique pour obtenir réparation. Le cas se règle sous l’empire du régime spécial de la responsabilité du fait des produits défectueux[34].
61. La Cour d’appel de Versailles, par un arrêt du 5 avril 2012, pose en premier lieu que l’implication du vaccin est établie et qu’ainsi la victime a satisfait à sa charge de prouver le fait générateur du vaccin dans la survenance de la maladie. Mais en second lieu, la Cour pose que, dans la mesure où ce vaccin a sauvé par ailleurs des milliers de vie, l’on pouvait concevoir qu’il engendre quelques risques de maladies pour quelques personnes. C’est sur cette seconde base que la demande de la victime est rejetée. Un pourvoi est formé.
62. La Cour de cassation casse l’arrêt entrepris sur la base d’un manque de base légale. La Cour estime que, dès l’instant que le fait générateur et l’implication ont été estimés par les juges du fond comme étant établis, elle devait en tirer comme conséquence la responsabilité du laboratoire[35]. En effet, selon la Cour de cassation, les juges du fond ne peuvent fonder par ailleurs leur décision en recourant d’une façon générale à un calcul coût/bénéfice.
63. Et voilà comment est balayée d’un revers de main l’analyse économique du droit. L’on peut approuver que la Cour de cassation ait été ainsi contrainte par la Cour d’appel de Versailles à écrire noir sur blanc ce qu’elle écrivait jusqu’ici à l’encre sympathique.
64. En effet, d’ordinaire tous ces calculs économiques de coût/bénéfice étaient faits, et par les entreprises pharmaceutiques et par les compagnies d’assurance, et par l’Etat dans sa politique de santé. Les juges faisaient semblant de trancher les litiges comme s’il s’agissait de cas particuliers, tout en sachant qu’ils constituent dans cette matière des signaux perçus comme tels par les agents précités. En s’exprimant en termes généraux de calcul coût/bénéfice, la Cour d’appel de Versailles a obligé la Cour de cassation à formuler sa position.
65. La position de la Cour de cassation est claire : quel que soit le coût, dès l’instant qu’une victime pourra avoir le bénéfice d’une indemnisation, il faudra la lui attribuer. Ainsi, la Cour préfère l’ex post, à savoir l’indemnisation d’une victime atteinte d’une maladie consécutive à un vaccin, plutôt que l’ex ante, à savoir la protection d'un maximum de personnes en amont par la politique de vaccination. Le juge estime que les politiques publiques de vaccination, les incitations produites sur les laboratoires pharmaceutiques pour produire les vaccins et les rendre accessibles, soucis d'ex ante, soucis de l'Etat, ne sont pas les siens : la Haute Juridiction, juge du droit, n'est pas une Cour politique. Qu'on se le dise.
66. Puisque nous sommes ici dans un cas pur de « coût social du droit »[36], la conséquence économique d’un tel arrêt est la suivante : se produira mécaniquement l’accroissement des primes d’assurance payées par les laboratoires pharmaceutiques, puisque la Cour favorise l'indemnisation de la victime, ce qui est une forme de mutualisation privée du risque, les compagnies d’assurance calculant les primes par probabilité et répartition sur les agents. Ainsi, les entreprises retraitant l’information constituée par une décision ex post en une décision ex ante, elles procèdent à l’amplification de l’assurance, laquelle est la courroie d’ajustement du marché de la responsabilité. L’arrêt du 13 juillet 2013 a donc désincité l’opérateur privé à la recherche en même temps qu’il a socialisé le risque médical. Son effet est donc hautement politique. On ne sait s'il a été voulu ou non.
67. Examinons enfin la décision de sanction prononcée par la Commission des sanctions de l’Autorité des Marchés Financiers (A.M.F.) le 4 novembre 2013. Dans cette affaire, un ancien professeur d’université, spécialisé en finance, tient un blog qui porte expressément sur les problèmes financiers. En juillet 2011, il publie en français sur son blog un article sur « Les mécanos de la Générale ». Il y soutient que cette banque prétend respecter les normes de Bâle III mais qu’il n’en est rien et qu’elle devrait pour y parvenir accroître ses fonds propres de 90 milliards d’euros. L’auteur du blog réitère ses propos dans un second billet dans le mois, dans des termes plus précis et plus accusateurs. Il publie un nouveau billet début août en langue anglaise. Celui-ci est repris par un blogueur anglais, gestionnaire de fonds. Dans le même calendrier, le titre de la Société Générale décroche en bourse. Le jour de la publication du dernier billet, le titre perd 20% dans la journée. L’Autorité des Marchés Financiers suspend la cotation et ouvre une enquête sur le titre.
68. Une procédure est par la suite ouverte contre les deux blogueurs pour diffusion d’informations inexactes sur le marché. Les deux intéressés ne daignent pas participer à la procédure qui se déroule à leur encontre. In extremis, le blogueur anglais se manifeste pour faire valoir qu’il s’est contenté de recopier les écrits du premier blogueur, et qu’on ne peut donc incriminer ses propos.
69. La Commission des sanctions de l’A.M.F prononce une sanction, en soulignant que les deux blogs sont tenus par deux « professionnels de la finance », qui se présentent eux-mêmes sur leur site comme des experts. A ce titre, la Commission estime qu'on peut particulièrement leur reprocher l’inexactitude technique de leurs écrits. Ainsi, la défense consistant à soutenir que l’auteur s’est contenté de recopier est - souligne la décision de la Commission - particulièrement malvenue de la part de quelqu’un qui se veut un expert reconnu.
70. Cette décision est particulièrement heureuse, non pas tant par ce qu’elle dit expressément mais parce qu’elle sous-entend.
71. En effet, en premier lieu, la Commission des sanctions prend directement l’information là où elle est émise, voyant en transparence[37]. Dès lors, affirmer que les agissements sur Internet ne peuvent être atteints, comme si Internet formait un « autre monde » ou une sorte de « mur d’immunité » est faux. Il suffit que le juge de l’Autorité, ici la Commission des sanctions, plonge le bras et se saisisse de ce qui se passe sur les blogs.
72. En second lieu, la Commission des sanctions utilise implicitement la théorie économique de la notoriété. En effet, l’on pourrait soutenir que l’émission d’une opinion ne peut constituer un manquement et l’on pourrait se demander si aux Etats-Unis, à l’ombre du Premier Amendement, une telle sanction serait admissible, alors qu’on a le droit de « tout dire ». Mais l’un et l’autre des blogueurs, et c’est l’argument principal de la Commission, sont des « experts » : l’un est professeur d’université en finance, l’autre est gestionnaire de fonds. Ils veulent que le marché les accrédite comme des experts, qu’ils acquièrent de la notoriété à ce titre, et la puissance qui s’y attache. Cela explique par exemple qu’à partir d’un certain moment les billets sont écrits en anglais et non plus en français.
73. Mais si l’on joue à l’expert, alors l’on se doit de ne pas écrire comme un journaliste. Le titre même du billet, un billet valant aujourd’hui parfois davantage qu’un article sauf si celui-ci paraît dans le F.T., qui est le J.O. de la finance, à savoir « les mécanos de la Générale », montre déjà le décalage entre celui qui se prévaut expressément du sérieux de ses titres (professeur, gestionnaire de fonds) et du caractère accrocheur du billet.
74. Il est d’ailleurs remarquable que si la sanction est faible, alors même que le préjudice subi par la banque a été considérable, la Commission des sanctions frappe là où cela fait mal. Tout d’abord, elle laisse les noms propres des deux intéressés intégralement reproduits dans sa décision et ne les couvre pas de l’anonymat d’une initiale. Ensuite, elle produit un communiqué de presse pour que cette décision soit connue de tous. Message aux professeurs d’université blogueurs…
75. Cette décision est donc parfaitement adéquate, au regard des besoins des marchés et des entreprises, dans l’application des textes, dans l’indifférence de cette spécificité d’Internet que l’on brandit souvent, dans le choix de la sanction.
76. En conclusion, il apparaît de ce tour rapide qu’il ne faut jamais se contenter de propos généraux. Il conviendrait certes de demander à tous les organismes qui ont le pouvoir d’engendrer des contraintes, dont l'exercice entre dans le calcul par les entreprises de leurs coûts, d’avoir une « jurisprudence », c’est-à -dire une doctrine, car l’essentiel pour l’entreprise est de pouvoir faire ce calcul, pas d’avoir du droit le moins cher possible. Mais il convient aussi de prendre les décisions une à une, quelle que soit leur source, quelle que soit leur solution, pour en apprécier concrètement leur pertinence économique et leur cohérence au regard de la doctrine. Dans un monde idéal, il faudrait que toutes les décisions soient pertinentes en elles-mêmes et cohérentes avec une doctrine de l’organe qui les adopte, et que toutes les doctrines des organes convergent elles-mêmes dans une doctrine générale. Mais cela, c’est une visée idéale. En tout cas, elle ne correspond en rien à un droit moins sévère ou moins cher. En tout cas, penser de cette façon permettrait aux juridictions et aux autorités, si elles y procédaient, de disposer d’une sorte de « tableau de bord ».
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[1] G. Canivet, M. Klein, M.-A. Frison-Roche (dir.), Mesurer l’efficacité économique du droit, coll « Droit et Economie », LGDJ, 2005, 148 p.
[2] Ch. Mouly, Le revirement pour l’avenir, J.C.P., 1994, I, 3776. Depuis les juges adoptent des dispositifs pour limiter les effets de leurs décisions à l'avenir, prenant acte du fait qu'ils produisent une "jurisprudence", par un mouvement normatif. Sur une comparaison de la Civil Law et de la Common Law en la matière, essentiellement appuyée sur la jurisprudence de la Cour de cassation italienne, v. E. Calzolajo, Le rôle de la jurisprudence dans la comparaison Civil Law - Common Law, Petites Affiches, 27 février 2014, p.7-15.
[3] W. Baranès et M.-A. Frison-Roche, Le principe constitutionnel de l’accessibilité et d’intelligibilité de la loi, D. 2000, chron., p.361-368.
[4] CEDH 31 mars 2005, Matheus c/France, N°63740/00.
[5] P. Cahuc, Les juges et l’économie : une défiance française, Institut Montaigne, décembre 2012.
[6] M. Prada, Rapport sur certains facteurs de renforcement de la compétitivité juridique de la place de Paris, Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie et Ministère de la Justice, mars 2011.
[7] E. Wasmer, A. Trannoy, La politique du logement locatif, note n°10, octobre 2013.
[8] V. par ex. l’ouvrage dirigé par Dany Cohen, comprenant des contributions aussi bien d’économistes que de juristes, Droit et Economie du procès, coll. « Droit et Economie », LGDJ, 2010, 268 p.
[9] V., par ex. V. Sélinsky, La conquête des droits de la défense dans le cadre des poursuites pour pratiques anticoncurrentielles, in Etudes à la mémoire de Fernand-Charles Jeantet, LexisNexis, 2010, p.439-449.
[10] M.-A. Frison-Roche, Le couple Ex Ante - Ex Post, justificatif d’un droit spécifique et propre de, la régulation, in M.-A. Frison-Roche (dir.), Les engagements dans les systèmes de régulations, coll. « Droit et Economie de la Régulation », vol.4, Presses de Sciences Po / Dalloz, 2006, p.33-48.
[11] Travaux de l’Association Henri Capitant, Journée Nationale, tome III, Limoges, 1998, LGDJ, 121 p.
[12] V. V. Magnier, La gouvernance des grandes sociétés : la règle de droit étatique dépassée par la soft law ?, ce volume.
[13] Rapport du Conseil d’Etat sous la direction de Philippe Martin sur la rédaction des décisions de la juridiction administrative, mai 2012.
[14] F. Terré, Introduction générale au droit, 9ième éd., Précis Dalloz, 2012, n°531, p.456.
[15] R. Posner, How judges think, Harvard University Press, 2008,377 p., spéc. le chapitre consacré à la Cour supreme : “The Suprem Court Is a Political Court”, p.269-323.
[16] Monsanto Co. v/ Geertson Seed Farms. De nouveau, en septembre 2013, des fermiers ont porté un cas devant la Cour suprême pour contester cette fois-ci les brevets mêmes détenus par Monsanto (dépêche Reuters du 5 septembre 2013).
[17] Sur l’opportunité qu’il y aurait à adopter cette technique procédurale en France et les timides avancées, soit par les textes devant les juridictions administratives, soit à l’initiative des juridictions dans les autres cas, v. Experts et procédure : l’amicus curiae, Revue de droit d’Assas, octobre 2012.
[18] Sur l’ensemble de ces questions à propos desquelles les entreprises ont besoin d’une doctrine cohérente de la part des juridictions, v. Experts et procédure : l’amicus curiae, préc.
[19]O. Blanchard et J. Tirole, Protection de l’emploi et procédure de licenciement, rapport du Conseil d’Analyse Economique auprès du Premier Ministre, octobre 2003, rapport n°44.
[20] Le droit aussi est un jeu, et les entreprises sont manœuvrières. Sur la description de celui, v. Carbonnier, la quatrième partie de la collection de ses articles, à savoir Flexible droit, partie qu’il a intitulée « Jeux de droit » (p.413 s.). On pourra lire plus particulièrement « Caractères juridiques » (p.415-433)
[21] Les risk managers ont l’habitude de calculer la corruption, notamment pour faire des investissements à long terme dans certains pays, mais à partir d’un certain niveau, cela n’est plus calculable.
[22] V., par ex., N. Guerrero, Interdépendance contractuelle : la commune intention des parties est écartée, Gaz. Pal., 13 juin 2013 ; L. Le Mesle, L’interdépendance des contrats, Revue des Contrats, 1er juillet 2013 ; S. Chassagnard, Interdépendance contractuelle et clause de divisibilité, Petites Affiches, 25 octobre 2013 ; J. Attard, Mise en échec d’une clause de divisibilité dans un ensemble contractuel comportant une location financière : la bonne solution ?, Les Petites Affiches, 14 novembre 2013.
[23] P. Didier, Brèves notes sur le contrat-organisation, in Mélanges en l’honneur de François Terré,L’avenir du droit, Dalloz - PUF - Editions du Juris-classeur, 1999, p.635-642.
[24] Arrêt rendu par la 9ème et 10ème sous-section réunies, Société Colruyt France, N°360949, publié au Bulletin
[25] Les juges ont utilisé le terme « possibilité », ce qui leur évite d’une part d’entrer dans la querelle de savoir si l’action en justice est un droit ou un pouvoir, et leur permet d’autre part de ne pas avoir à affirmer qu’un même organisme cumule un droit (ce qu’est désormais l’action en justice) et un pouvoir (ce que demeurer l’office de statuer sur la prétention). Ainsi, en utilisant le terme imprécis de « possibilité » et en faisant l’économie des qualifications juridiques, le Conseil d’Etat n’entre pas dans davantage de difficultés à justifier sa position.
[26] C.E., 20 octobre 2000, Habib Bank, JCP 2000, II, 142, concl. F. Lamy.
[27] A propos des régulateurs et notamment à propos du droit d’action, v. M.-A. Frison-Roche, QPC, autorités de concurrence, autorités de régulation économique et financières : perspectives institutionnelles, in M. Roussille (dir.), QPC et droit des affaires : premiers regards, Petites Affiches, n° spéc., n°194, 29 sept. 2011, p.25-35.
[28] M.-A. Frison-Roche, Principe d’impartialité et droit d’auto-saisine de celui qui juge, D.2013, chron., p.28-33.
[29] Ch. Fried, Libéralisme et droit pénal, in Les enjeux de la pénalisation de la vie économique, coll. « Thèmes et Commentaires », Dalloz, 1997, p.101-108.
[30] J.-H. Robert, La pénalisation des matières juridiques techniques : l’exemple du droit de l’environnement, in Les enjeux de la pénalisation de la vie économique, préc., p.57-60.
[31] Sur le caractère peu conforme au droit pénal classique d’assortir d’une sanction une obligation positive, v. supra. Mais cela est courant en droit économique, dans lequel l’on utilise la répression comme un outil d’enforcement.
[32] V. par ex. F. Ledentu, Système de gouvernance d’entreprise et présence d’actionnaires de contrôle : le cas suisse, Université de Fribourg, 2008. La thèse de référence est celle de Marie-Pierre Blin-Franchomme, Essai sur la notion de contrôle en droit des affaires (droit interne - droit communautaire), Université des sciences sociales de Toulouse, 1998, 576 p.
[33] Mme X., pourvoi n°12-21314.
[34] Article 1386-1 et s. du Code civil.
[35] On sait que le manque de base légale sanctionne une erreur des juges du fond dans le raisonnement probatoire cf. H. Motusky, Le « manque de base légale », pierre de touche de la technique juridique, JCP 1948, I, 775, reprint in Ecrits, tome 1, Etudes et notes de procédure civile, Dalloz, 1973, p.31-37.
[36] R. Coase, The Problem of Social Cost, Journal of Law and Economics, University of Viriginia, Vol.3, oct. 1960, p.1-44.
[37] Comme la chambre mixte de la Cour de cassation vit en transparence des écrits l’indivisibilité contractuelle (v. supra).
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