Publication : article dans une publication collective juridique
Référence complète : FRISON-ROCHE, Marie-Anne, Liens entre l'avenir de l'audit et jeu concurrentiel, in FRISON-ROCHE, Marie-Anne (dir.), Vers quelle régulation de l’audit faut-il aller ?, coll. "Droit et Économie", LGDJ, 2011, p.27-41.
L’histoire européenne montre qu’au regard du jeu concurrentiel, la concentration n’est pas un problème en soi, le droit de la concurrence ne se saisissant pas des structures mais des comportements. En effet, l’auditeur n’est pas un agent "systémique", il est un agent "crucial" et en cela, il relève de la régulation. Le jeu concurrentiel est auto-régulé par l’opposition des intérêts divergents entre les agents. La configuration de l’audit est autre, puisque l’auditeur est au service du marché et n’est pas en opposition avec celui qui requiert ses services. Il faut donc penser l’audit en dehors du jeu concurrentiel, sauf à démontrer que par exception, le principe de concurrence sert la stabilité financière. L’audit doit plutôt être pensé en terme de régulation, puisqu’il s’agit de construire un marché européen de l’audit, sous-jacent au marché intérieur européen financier, ce qui correspond au projet européen d’origine. Le critère de cette construction ne sera pas la mobilité mais la qualité
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Poursuivant l'analyse du Livre Vert dans ses rapports avec les branches du droit à l'égard desquelles il établit des relations logiques avec ce que doit être l'évolution de l'audit, cet article envisage les liens logiques entre l'avenir de l'audit et le jeu concurrentiel.
Il revient à l'origine de la construction européenne, visant l'élaboration d'un marché intérieur, requérant aujourd'hui un marché financier unifié pour lequel un marché européen de l'audit doit être conçu. Dans une telle démarche instrumentale, et proprement téléologique, il est rappelé tout d'abord les règles du jeu concurrentiel, confronté à l'impératif de stabilité financière, selon la méthode même du Livre Vert.
En effet, le droit de la concurrence régit le comportement et non les structures de marché : c'est pourquoi la concentration n'est pas sanctionnée en tant que telle, la domination étant encadrée par le droit de la régulation et non par le droit de la concurrence, ces deux branches du droit devant être soigneusement distinguées. Or, les marchés financiers, qui sont ceux en considération desquels l'analyse est menée par la Commission, sont régulés. Ainsi, les banques sont des agents économiques régulés car elles bénéficient d'une asymétrie d'information, sont tentées par l'aléa moral, ont pour fonction d'alimenter l'économie réelle et présentent un risque systémique parce que la faillite de l'une peut engendrer un effet domino qui entraîne l'effondrement du marché financier tout entier.
La firme d'audit a certes un rôle déterminant sur le marché financier, puisque l'auditeur certifie l'information, mais il n'est pas pour autant systémique, puisque sa défaillance n'entraînera pas de catastrophe de système : l'auditeur est un "opérateur crucial", ce qui est une notion tout à fait différente de la notion d'"opérateur systémique", alors que la Commission confond les deux, ce qui la conduit à faire une analogie infondée entre auditeur et banque. Pourquoi dès lors s'inquiéter à ce point de la concentration d'un secteur, qui n'est pas systémique ?
Il est rappelé ensuite que le marché concurrentiel suppose l'opposition des intérêts entre les agents économiques qui contractent entre eux, ce qui produit l'équilibre économique de l'échange. Le schéma concurrentiel, pourtant souhaité par le Livre Vert, ne s'applique pas à l'audit, puisque l'intérêt de la société auditée est d'avoir le service de la plus basse qualité possible, dans la mesure où il s'agit pour celle-ci d'être contrôlée. Pour cette mission d'intérêt général, c'est bien plutôt en termes d'intérêt publique qu'il convient de raisonner. Ainsi, si l'article est critique quant aux liens que la Commission européenne opère entre concurrence et audit, parce qu'est estimé que ces liens relèvent de la régulation et non de la concurrence, à l'inverse, l'article est dans le tracé du Livre Vert dans l'affirmation de la nécessité de construire un marché européen de l'audit, part intégrante du marché financier européen.
Pour cela, il faut notamment que les régulateurs du marché financier et les organisations professionnelles soient en relations étroites, comme doivent se renforcer les réseaux internationaux de régulateurs. En outre, le passeport européen est nécessaire pour les auditeurs. Ainsi, l'évolution de l'audit pourrait renouer avec le projet d'origine du droit communautaire : la construction du marché intérieur pour que l'Europe existe dans un monde que la finance a unifié.
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