Ouvrage
Coll. "Que sais-je ?", PUF, 2011
Par 100 entrées, sont répertoriés et définis les mots clés de la théorie de la régulation. L’ouvrage balaye les différents secteurs régulés, notamment les télécommunications, l’énergie, les médias, les transports, la banque et la finance. Les institutions et les personnages de la régulation, comme le régulateur et le juge, sont décrits. Plus encore, les théories de la régulation et leurs postulats, tel que les différentes disciplines les ont peaufinés, le droit, l’économie, la sociologie politique et la philosophie, sont exposés.
Référence complète : FRISON-ROCHE, Marie-Anne, Les 100 mots de la Régulation, collection "Que sais-je ?", PUF, 2011, 126 p.
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Deux exemples d’entrées :
Régulateur
Le régulateur, qui prend généralement en France la forme d’une AAI, est la personne ou l’organe qui surveille et contrôle le secteur pour y maintenir l’équilibre entre le principe de concurrence et un autre principe. Par exemple, le régulateur des télécommunications veillera à l’attribution des licences pour la téléphonie mobile ; le régulateur de l’énergie surveillera les conditions d’accès des concurrents au réseau de transport d’électricité géré par la filiale d’EDF ; le régulateur financier contrôlera la fiabilité de l’information financière qu’il rendra disponible aux investisseurs. Le régulateur doit soit construire la concurrence pour concrétiser la libéralisation d’un secteur, soit préserver un secteur des risques systémiques qui le menace. Pour cela il doit disposer de pouvoirs très puissants aussi bien en ex ante qu’en ex post. Ainsi, le plus souvent, il dispose ex ante d’un pouvoir normatif, par exemple à travers le règlement général de l’AMF. Ex post, il dispose d’un pouvoir de sanction et de règlement des différents. On constate que la diversité des objectifs, leur hétérogénéité, voire leur contradiction, rend difficile la satisfaction de tous où à tout le moins offre au régulateur une grande marge de pouvoir discrétionnaire puisqu’il peut assez aisément justifier l’usage de ses pouvoirs en visant un objectif ou bien un autre. La question théorique et pratique de la « discrétion du régulateur » est un problème politique majeur, notamment pour ceux qui prétendent que le régulateur n’aurait vocation qu’à être expert et ne pas exercer de pouvoir politique, c’est-à-dire ne pas faire de choix discrétionnaire pour le groupe social. L’ensemble de ces pouvoirs sont néanmoins exercés dans le respect des garanties fondamentales de procédure, les intéressés pouvant attaquer les actes devant les juridictions.
Régulation
Elle se définit comme la mise en balance entre le principe de concurrence et un autre principe, a-concurrentiel, voire anticoncurrentiel. Elle se rattache donc à une théorie libérale puisque le principe de concurrence y est toujours présent. Mais, elle suppose qu’il ne suffit pas à l’organisation complète et suffisante d’un marché, d’un secteur ou d’une filière. Cela peut tenir à des données techniques ou économiques qui font que le marché lui-même n’est pas apte à fonctionner : il y a défaillance de marché (market failure). Par exemple des réseaux de transports constituent des monopoles économiquement naturels qui font que les industries de réseaux, tels que les télécommunications, les transports ferroviaires ou l’énergie doivent laisser place à des monopoles donc à des puissances qu’aucune concurrence ne viendra contrebalancer et que, sauf à nationaliser, donc à quitter la perspective libérale, des régulateurs indépendants vont surveiller. Ainsi, la régulation a toujours un arrière plan politique, puisqu’elle est un choix de cadre général d’économie libérale, réagissant aux défaillances de marché d’une autre façon que par l’économie administrée qui s’opère par interventions étatiques. Le cœur de la régulation est donc le régulateur, en France des AAI (v. n°14), qui coordonnent des opérateurs, qu’ils soient publics ou privés. Mais le politique est encore présent d’une autre et très forte façon à coté du droit et de l’économie, car le principe mis en balance du principe de concurrence peut n’être pas un principe économique comme l’exemple précité du monopole naturel ou du risque systémique des marchés monétaires et financiers, mais un principe purement politique. Il s’agit alors de poser, parce que le Peuple l’a décidé et accepte d’en payer le prix collectif par le biais des impôts, que chacun à droit à un certain niveau de protection sociale, ou d’accès à la santé, à l’éducation, à un environnement sain, à l’information etc., le prix équitable pouvant aller alors jusqu’à la gratuité, sans plus aucun rapport avec le juste prix du marché. Chaque personne doit accéder à ce bien car en cela il accède à son humanité même- notion de bien global ou bien universel ou « bien de l’humanité ». Cette notion est à la fois relative et politique mais marque une civilisation.
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