Le New-York Department of Financial Services a proposé au Gouverneur de l'Etat de New-York le 23 juillet 2014 un "plan de régulation" comprenant différents textes visant toute entreprise utilisant de la monnaie virtuelle (bitcoin) sur l'Etat de New-York.
Désormais, une telle entreprise ne pourrait y avoir recours qu'après avoir obtenu de ce Régulateur bancaire étatique une licence ad hoc (bitlicense).
Ici, d'une part le régulateur bancaire prend le pas sur le régulateur des jeux, tant il est vrai que la monnaie est utilisée à d'autres activités et d'autre part la régulation s'établit ex ante au niveau étatique et non pas au niveau fédéral
Depuis l'affaire BNP Paribas, l'autorité de régulation bancaire de l'Etat de New-York, le New-York Department of Financial Services est assez bien connu de la France, aussi bien que son directeur général, Benjamin M. Lawsky.
Le 17 juillet 2014, celui-ci a publié un ensemble de documents, ensemble composé de codes de bonne conduite, de principes directeurs et de réglementations plus détaillées spécifiques à toutes les entreprises qui veulent utiliser de la monnaie virtuelle (bitcoin) sur l'Etat de New-York.
La principale disposition consiste à obliger les entreprises à obtenir du régulateur d'une façon préalable la délivrance d'une licence ad hoc pour utiliser cette monnaie virtuelle : la bitlicense.
Cela se comprend fort bien et l'on trouve déjà beaucoup de réflexions et de littérature grise pour affirmer que cette monnaie virtuelle doit être régulée, notamment les émetteurs, qui doivent, comme le sont plus traditionnellement les banques, par le biais d'agrément ex ante de l'établissement.
Mais l'on remarquera en premier lieu que cette nécessité a été évoquée à la fois par les régulateurs bancaires et par les régulateurs des jeux en ligne. On observe ici que le régulateur bancaire a en quelque sorte préempté le pouvoir de réguler. Cela se comprend dans la mesure où la monnaie virtuelle, si elle coule à flot dans les salles virtuelles de poker virtuel, est utilisée pour toute prestation, par exemple les voyages.
En deuxième lieu, on observe que la régulation s'établit au niveau étatique, ici l'Etat de New-York et non pas au niveau fédéral. Si l'on transpose à l'Europe, n'est-ce pas au niveau de celle-ci qu'une telle régulation Ex Ante devrait s'opérer ?
En troisième lieu, puisque c'est la création de monnaie qui est le critère, et non pas la forme de l'établissement, par exemple une banque, alors qui ne crée de la monnaie ? On vise ici les bitcoins, mais qui ne paye en partie ces billets d'avion avec des miles , lesquels servent aujourd'hui à acheter éventuellement tout autre chose que des kilomètres ?
Faudra-t-il requérir de tous les magasins une telle licence ? Non, car le régulateur ne vise que les entreprises qui ont pour "activité principale" le maniement de la monnaie virtuelle, mais il peut s'agir par exemple des entreprises qui ont pour activité de fournir des moyens virtuels d'attribuer des pourboires, etc.
Plus encore, selon l'habitude nord-américaine d'application extra-territoriale de leurs règles, ne sont pas concernées que les entreprises implantées à New-York, mais celles dont un client ou une transaction se déroule sur l'Etat de New-York, c'est-à-dire ... le monde entier.
Sans doute la ligne de démarcation est-elle tracée implicitement par ce qui fonde la régulation bancaire : le risque systémique.
En effet, la monnaie virtuelle créée par un magasin pour fidéliser sa clientèle ne crée pas un tel risque, ni pour lui-même, ni pour la place. L'expérience a montré au contraire que des entreprises de jeux en ligne, construites entièrement sur la technique des bitcoins s'évaporent dans la nuit, et le risque systémique est réel.
Dès lors, la méthode de la licence, marque de la régulation Ex Ante, est appropriée.
D'ailleurs, le système de licence proposé par le Régulateur est essentiellement prudentiel. Les dirigeants doivent justifier de l'intégralité de leur passé et communiquer leurs empreintes digitales au F.B.I. ; tout changement dans le contrôle de l'entreprise ne peut s'opérer qu'avec l'approbation de l'Etat de New-York ; toute nouvelle activité doit être signalée et approuvée. A ces méthodes prudentielles Ex Ante, s'associent des méthodes de supervision, puisque les archives doivent être conservées 10 ans et sont consultables à tout moment, tandis que toutes les transactions doivent être communiquées sur demande dans tous leurs détails. Plus encore, toute opération dépassant 10.000 dollars U.S. doit être signalée spontanément au Régulateur dans un rapport détaillé de "soupçon". Tous les 2 ans, un contrôle de gestion et d'audit est opéré sur l'entreprise.
Certes, dans le dialogue ouvert par le régulateur entre le 17 juillet 2014, jour où il annonça par un tweet son projet et pendant les 45 jours qui suivirent, délai qui enjambe dont la transmission dudit projet au Gouverneur, les entreprises concernés ont néanmoins fortement protesté...
Le système a pourtant vocation à devenir effectif en septembre 2014, car l'on peut penser que le pouvoir exécutif de l'Etat de New-York va avaliser le système conçu et proposé par le régulateur bancaire.
Ainsi, la régulation est plus puissante que jamais, et c'est l'Etat qui en exerce les prérogatives.
Il convient de cesser de présenter, comme on le fait trop souvent, les Etats-Unis comme le pays du laisser-faire. Non seulement c'est par essence le pays de la Régulation, mais plus encore, c'est la voie que prend le protectionnisme.
Ainsi, le même dispositif prévoit que les bénéfices ne pourront prendre la forme que de dollars U.S. et jamais la forme de monnaie virtuelle. Une telle disposition ne serait sans pas juridiquement admissible dans l'Union européenne.
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