À affaire célèbre, arrêt fameux.
Rendu le 17 février 2015, l'arrêt de la Cour d'appel de Paris dans ce qu'il est convenu d'appeler "l'affaire Tapie" était très attendu.
On se souvient que la sentence arbitrale du 7 juillet 2008 a estimé que lors de la cession des titres de la société Adidas, le Crédit Lyonnais avait commis des fautes dans le conseil qu'il devait au vendeur, le groupe Tapie, octroyant en conséquence une indemnisation à celui-ci pour un montant élevé.
Le CDR, structure privée de defeasance adossée à l'EPFR, structure de l'État, avait tenté plusieurs types de recours contre la sentence, dont un recours en révision. Pour réussir, celui-ci doit s'appuyer sur des "éléments nouveaux et déterminants". En outre, s'il s'agit d'un arbitrage interne (et non pas d'un arbitrage international), la Cour d'appel de Paris si elle accueille une telle voie de recours peut décider de se substituer au Tribunal arbitral et connaître de l'affaire au fond.
Le reste de l'arrêt peut paraître factuel, le dossier civil étant largement alimenté par le dossier pénal, puisque désormais une instance pénale en cours n'oblige plus le juge civile à suspendre le cours du procès qui se déroule devant lui et lui permet au contraire de puiser dans le premier dossier .
L'on se demande ainsi si l'on ait enfin à la fin de l'histoire. Ainsi en est-il de l'obligation ou non de Bernard Tapie de rembourser immédiatement les fonds reçus. Sans doute, puisque les parties sont remises en l'état du fait de la rétractation de la sentence. Dès lors, il lui faut bien rendre ce qu'il est censé n'avoir jamais reçu. Mais parce que l'arrêt ne lui ordonne pas expressément, ne va-t-il pas opposer une inertie contraignant les demandeurs à soit solliciter de la Cour une interprétation de son arrêt soit aller devant le juge de l'exécution ?
Mais l'arrêt contient également une discussion juridique de fond. En effet, suivant que l'arbitrage est "interne" ou "international", les règles de droit changent. C'est pourquoi les parties se sont beaucoup disputées à ce propos. La Cour d'appel de Paris choisit de qualifier l'arbitrage d' "arbitrage interne" : bien joué, puisque cela lui permet de trancher le litige au fond après avoir rétracté la sentence au titre de l'action en révision.
Mais la qualification est un art juridique contrôlée par la Cour de cassation. Après une longue évolution jurisprudentielle, le Code de procédure civile a fini par qualifier l'arbitrage international par l'objet sur lequel il porte : un "intérêt du commerce international". Est-ce le cas en l'espèce ?
Ici, le contentieux portait sur la cession des titres d'une société étrangère, l'acquéreur était une société étrangère, les sociétés intervenant dans le processus l'étaient également. À juste titre, la Cour d'appel ne s'arrête pas au fait que les parties au litige avaient visé dans des notifications des textes de l'arbitrage international, car les parties ne peuvent disposer des qualifications : seul le juge a le pouvoir et le devoir de qualifier les situations juridiques, comme le rappelle l'article 12 du Code de procédure civile.
Pour échapper à la qualification d'arbitrage international, la Cour d'appel de Paris pose que l'objet du litige était de trouver une solution à de multiples différents entre les parties, le CDR et le Groupe Tapie, deux entités françaises, ne cessant de se disputer devant diverses juridictions françaises.
C'est tout à fait exact, mais cela est la "raison" pour laquelle ils sont "tombés d'accord sur leur désaccord" et donc ont choisi de prendre la voie de l'arbitrage plutôt que de continuer à se battre d'une façon incertaine. C'est la raison, cela n'est pas l'objet.
L'objet du litige, c'est bien la façon dont la cession des titres Adidas s'est réalisée. Or, dans cette opération économique et financière, de nombreux éléments internationaux apparaissent.
Ainsi, alors que l'article 1492 du Code de procédure civile (devenu depuis l'article 1504) recourt à une qualification par l'objet (l'arbitrage international met en cause des intérêts du commerce international) , les magistrats ont procédé à une qualification par la cause (la volonté entre deux parties françaises de mettre fin à un contentieux multiple).
Nous verrons si la rigueur dont la Cour de cassation fait souvent preuve pour défendre la qualification de l'arbitrage international va jouer ici.
Cela n'est pas acquis. En effet, si la Cour de cassation venait à rappeler que la qualification qui s'imposait était celle de l'arbitrage international, alors cela serait un nouvel éclair sur un ciel déjà trop zébré. En effet, en matière d'arbitrage international, le juge judiciaire n'a pas compétence pour statuer au fond lorsque la procédure d'arbitrage a été détruite. Celle-ci doit être de nouveau confié à un tribunal arbitral.
Much ado about nothing ?
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