► Discuter sur les conditions "équitables" de monétisation des données à caractère personnel efface la distinction entre la personne et les choses, sur laquelle s'est construite le Droit.
Le Droit des données relève du Droit de la Compliance. Il s'ancre donc dans les principes du Droit, sauf à détruire ces principes pour y substituer de nouveaux principes. Pourquoi pas.. On limite parfois la discussion aux "conditions" de la monétisation" des données personnelles : quel prix serait-il équitable de verser pour les obtenir ? Quelles informations donner au vendeur ? Combien de temps l'acheteur doit-il les conserver ? Comment organiser l'intermédiation ? Etc.
Le principe même semble être hors-débat : nos "données personnelles", c'est-à-dire nos vies, donc nous-mêmes êtres humains, seraient donc "monétisables" : en termes plus juridiques, nous serions par principe "cessibles". C'est alors la définition même du Droit qui est remis en cause : car un être humain, en ce qu'il est une personnes n'est pas cessibles.
C'est ce qui le distingue les choses. L'opposition entre la personne et les choses est la distinction fondamentale sur laquelle s'est construit tout le système juridique occidental, Civil Law comme Common Law ( ( ➡️📝Frison-Roche, M.-A., Remarques sur la distinction entre la volonté et le consentement en droit des contrats, 1995). On peut la remettre en cause et faire un ordre juridique nouveau libéré de cette opposition. Dans ce nouveau cadre, l'on peut affirmer que par principe, par "petits bouts", une donnée personnelle étant un petit bout de nous-même, nous pouvons bien nous céder dès l'instant qu'il y a "consentement" (➡️📝Frison-Roche, M.-A., Repenser le monde à partir de la notion de "donnée", 2016). Dans ce qui serait alors une nouvelle base d'un nouvel ordre juridique, le consentement, principe unique, effacerait donc la distinction dépassée de la personne et des choses . En effet, le puissant aurait le pouvoir de dire Oui et/ou de dire Non (définition de la volonté) et le faible aurait le pouvoir de dire Oui sans le pouvoir de dire Non (ce qui est la définition du "consentement" ((sur la notion de "consentement mécanique" : ➡️📝Frison-Roche, M.-A., Oui au principe de la volonté, Non aux consentements purs, 2018).
C'est donc un choix de civilisation que nous avons à faire : de sang-froid, si nous sommes puissants (et donc de fait libres) et que nous balayons la distinction entre la personne et les choses, opposition qui protégeait les personnes faibles, en discutant des conditions de la cession de leur data à des "conditions équitables".
Sommes-nous de sang-froid prêts à le faire ?
C'est une épreuve pour la définition du Droit de la Compliance dans son lien ou non avec la tradition humaniste du Droit : elle peut en sortir renforcée (v. ➡️📝Frison-Roche, M.-A. Les droits subjectifs, outils premiers et naturels du Droit de la Compliance, in 📕 "Les outils de la Compliance", 2021).
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