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Référence complète : Frison-Roche, M.-A., notes prises pour faire le rapport de synthèse, réalisé dans le colloque Les Buts Monumentaux du Droit de la Compliance, qui s'est tenu à Paris le 16 septembre 2021.
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► Lire le programme général du colloque Les Buts Monumentaux du Droit de la Compliance
► Lire la présentation du Rapport de synthèse, notamment son résumé.
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► Méthode : Le sujet n'est pas traité de façon strictement personnelle, comme il le sera dans l'ouvrage sur Les Buts Monumentaux de la Compliance dans l'article général consacré à "Définir les Buts Monumentaux de la Compliance et de son Droit", article personnel qui sera plus nettement encore l'expression d'une vision personnelle de la définition de l'un, la "Compliance" et de l'autre le "Droit de la Compliance", avec notamment les distinctions qu'il convient d'opérer, notamment avec la "conformité" puisque ce sont les "Buts Monumentaux", notion proposée en 2016!footnote-2164 qui permet de distinguer la notion procédurale de "conformité" et la notion substantielle de "Droit de la compliance". Cet article comprendra les multiples références doctrinales et les renvois techniques qu'il convient d'opérer pour ce faire.
Mais dans le temps imparti dans une journée de colloque et parce qu'une synthèse a pour objet de mettre en valeur sur le vif ce qui a été commun dans les propos entendus, le document ne s'appuie que sur les propos tenus et n'est pas doté de références techniques, ne renvoyant pas non plus à des travaux personnels.
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🔻Lire les notes prises d'une façon exhaustive ci-dessous.
Ce qui compte souvent dans une journée de colloque, c'est l'esprit qui l'anime. Et l'esprit de celui-ci, il émana dès le départ par l'intervention de 👤🔴Muriel Chagny📎 : l'esprit d'aventure ! Quelle bonne image que celle qu'elle prit : l'image du Mayflower ! C'est ce même esprit d'ouverture vers le grand large qui a imprégné la vue générale du thème et surtout de son avenir qu'en a donnée 👤🔴Marie-Emma Boursier📎.
L'évocation de ce bateau rempli de si peu et porteur de tant d'espoir fait aussi penser que pour monter sur ce bateau-là et partir vers des terres inconnues au départ, mais prometteuses sans doute rêvaient-ils, porteuses d'avenir l'espéraient-ils, et cela ne sera pas démenti par les américains descendants du Mayflower si "mal fréquenté" fut-il à l'origine, il faut encore un esprit de collaboration.
Oui, esprit d'aventure et esprit de collaboration vont ensemble et sont requis pour avancer dans le Droit de la Compliance et construire les Buts Monumentaux sur lesquels il est bâti, qui sont la part normative à partir de laquelle la diversité des différents "outils de la Compliance" prennent leur sens et doivent être techniquement interprétés par le Droit.
Il fallait donc partir vers des définitions, celles que l'on connaît et celles que l'on va inventer. C'est ce que chacun s'est efforcé de faire. Ainsi 👤🔴 Guillaume Beaussonie📎 s'est référé aux définitions premières de ce qu'est un "but", ce qui renvoie à une "intention", et sans doute l'adjectif "monumental" a-t-il moins inspiré, mea culpa, l'ensemble des intervenants, qui ont utilisé plutôt l'adjectif "fondamental". Il est vrai que celui-ci est plus connu et maîtrisé, dans des systèmes juridiques où les principes fondamentaux, plus encore les droits fondamentaux, ou même la "norme fondamentale", sont aujourd'hui à la base de nos apprentissages.
Non, "monumentaux", l'adjectif n'a pas inspiré ...
Mais lorsque 👤🔴Dominique de la Garanderie📎 a pris la parole, c'est de "cathédrale" qu'elle a parlé, de pierres et de mortier : n'est-ce pas donc de "monument" ? D'un "monument à construire", auquel chacun dans sa discipline, sa profession, son expérience et sa vie de tous les jours, doit apporter sa pierre ? N'est-ce pas par cette image d'un "monument" que l'idée de "But Monumental" a été le mieux exprimée pour nous tous ?
Lorsque 👤🔴Dominique de la Garanderie📎 parla, écartant d'un revers de main - elle fit même le geste - son pourtant admirable travail passé, ce fut pour indiquer ce qui compte : l'avenir. Un avenir qui n'est pas encore écrit, ni en bien, ni en mal, ni en catastrophe. Un avenir qui n'est pas fatal. Mais, comme l'a dit à sa suite 👤🔴Christian Huglo📎, si cet avenir n'est pas fatal, il est d'une extrême urgence de l'affronter, et c'est bien par la notion, certes à inventer, de "Buts Monumentaux", norme qui donne le sens à l'ensemble des Outils du Droit de la Compliance, que cet affrontement pourrait techniquement se faire !
En écoutant un tel souffle, je me suis dit qu'effectivement l'intérêt pratique d'avoir des "Buts Monumentaux" attachés aux techniques de Compliance était très grand (I), et que l'on trouvait déjà dans les techniques du Droit de la Compliance et dans tous les points de contact que les branches classiques du Droit ont avec celui-ci les manifestations tangibles de ces buts, mais que paradoxalement ces Buts Monumentaux ne sont pas encore conçus ... Il est donc nécessaire, comme y invite 👤🔴Muriel Chagny📎 de mener "l'aventure" conceptuelle de leur élaboration (II).
I. L’INTÉRÊT PRATIQUE D’AVOIR DES BUTS MONUMENTAUX ATTACHÉS AUX TECHNIQUES DE COMPLIANCE
L'intérêt pratique de cerner les "Buts Monumentaux" du Droit de la Compliance, de les repérer dans leur jonction avec les branches du Droit plus traditionnelles, est apparu de 4 ordres. Tout d'abord, y voir plus clair, dans des matières tant ensevelies sous des réglementations que l'on n'y voit plus rien (1). Cela paraît bien utile... Ensuite, permettre aux différentes sources du Droit de se rapprocher les unes des autres en se reconnaissant dans une même notion, alors que nous souffrons de l'éloignement des corpus, comme si la spécialisation produit une force centrifuge qui rend non plus distinctes mais étrangères les unes aux autres les différentes branches du droit (2). Ensuite, favoriser une unifications des systèmes juridiques autour de Buts Monumentaux, voire d'un But Monumental, montrant clairement ce qui rassemble et ce qui oppose, permettant d'interpréter de la même façon des règles techniques différentes, voire d'interpréter d'une façon opposée des règles techniques littéralement semblables (3). Enfin, donner du "sens" à un Droit qui semble en avoir si peu que l'on s'obstine dans les techniques de Compliance à ne plus souvent le désigner que sous le vocable dégradé de "réglementation" (4).
1. CERNER LES BUTS MONUMENTAUX DU DROIT DE LA COMPLIANCE AFIN D'Y VOIR PLUS CLAIR ET D'Y COMPRENDRE QUELQUE CHOSE
👤🔴Muriel Chagny📎 a immédiatement souligné : l'intérêt pratique de pouvoir dire ce que sont les Buts Monumentaux du Droit de la Compliance permettra de "lutter contre l'éparpillement des règles". Souvent c'est dans des termes moins aimables et mesurés que l'on désigne l'état du Droit, réduit à de multiples petits tas réglementaires, l'un en matière concurrentielle, l'autre en matière de données, l'autre en matière bancaire, l'autre en matière audiovisuelle, l'autre en matière sociale, l'autre en matière financière, l'autre en matière environnementale, l'autre en matière énergétique, ... et dans cet "éparpillement" sans fin, Dieu reconnaîtra les siens ... Sans doute, à l'occasion d'un contentieux, qui ajoutera quelques années plus tard à la confusion en ajoutant encore quelques règles, dans un Droit de la Compliance qui se définit comme étant Ex Ante...
Ainsi, le premier avantage pratique majeur, si l'on peut dire en quelques phrases simples, claires, qui vaudraient pour aujourd'hui et pour demain, pour tous les secteurs et pour toutes les branches du Droit, qui vaudraient pour les administrations actives, les Régulateurs, les entreprises, et pour la population, ce qui rassemble tout ce fatras, cela permettra d'y voir plus clair et d'y comprendre quelque chose.
Car comprendre les dispositions techniques qui tombent de tous les côtés, ayant toutes de la portée qu'elles soient hard ou soft, c'est tout de même bien pratique... Car dans ce colloque réunissant tant de spécialistes, presque tous ont débuté leurs interventions par l'affirmation comme quoi ils n'y connaissaient rien .... Et 👤🔴Muriel Chagny📎 a ouvert le bal en disant "je suis complétement béotienne", ce que chacun a repris. Et pourtant, 👤🔴Muriel Chagny📎 connait parfaitement le Droit de la concurrence, et la part que le Droit de la Compliance y prend !
Donc, pourquoi dire cela ? Sans doute parce qu'elle ne connait pas tout du Droit du travail, du Droit de l'audiovisuel, du Droit de l'environnement, du Droit des droits humains, du Droit international, du Droit pénal, du Droit processuel ; et comme aucun d'entre nous n'a cette connaissance, comme chacun d'entre nous peut, voire doit, s'affirmer comme elle le fit "béotien" du Droit de la Compliance, alors la tentation devient grande, faute de tout connaitre, de prendre toutes ces branches du droit, d'appeler cela "réglementation" et d'en confier la "connaissance" à des algorithmes que, pour se rassurer, l'on qualifierait d' "intelligent"...
L'une des raisons pour lesquelles l'on tend aussi à associer aussi fortement Compliance et Machine, que l'on appelle étrangement "Intelligence Artificielle", vient de notre sentiment commun d'incapacité de maîtriser tout cela .... Alors l'on met toutes ces règles accumulées, dont cet "éparpillement" nous dépasse, dans ces ordinateurs qui les stockent et l'on confie ensuite à des algorithmes le soin de "décider" pour nous...
Mais nous savons bien que ce dessaisissement de la pensée, que ce dessaisissement de la décision, est la plus dangereuse des choses...
Alors comment faire ?
Et bien effectivement en concevant les "Buts Monumentaux" qui sont les normes donnant un sens commun à ces instruments juridiques éparpillés, pour y comprendre quelque chose !
Si l'on avance dans cette prétention, y comprendre quelque chose, il y a un risque, qui fût pointé par 👤🔴Anne-Valérie Le Fur📎 : ajouter au brouillage de l’accumulation des textes l’incertitude des buts. Cela elle le dit parfaitement : "il nous faut plus que jamais une boussole, l'on risque d'obtenir une girouette". Effectivement, si l'on ne fait pas un effort de conceptualisation pour formuler clairement et simplement les Buts Monumentaux du Droit de la Compliance, voire désigner un But Monumental à celui-ci, alors l'on va ajouter du brouillard au brouillard, de la confusion à la confusion. C'est déjà compliqué en pratique, si la théorie s'en mêle ...
D'ailleurs, comme l'a souligné techniquement 👤🔴 Guillaume Beaussonie📎, comme chaque branche du Droit comprend son propre But Monumental, notamment et en premier lieu le Droit pénal, l'on aboutit à un phénomène de cumul normatif des buts, avec les difficultés procédurales qui s'en suivent ! Il faut donc faire attention à ce jeu. Mais si l'on est soigneux, alors comme le suggéra 👤🔴Christophe André📎, l'on peut construire pour les branches classiques elles-mêmes, et précisément pour le Droit pénal, une sorte de "Droit pénal augmenté", puisqu'il insiste sur le fait que la Compliance donne à voir non une dénaturation mais une telle "augmentation". Grâce à l'assise des Buts Monumentaux, les obstacles à la souveraineté sont surmontés pour donner une nouvelle ampleur à la notion de "souveraineté", notamment en Europe, comme sans doute 👤🔴 Régis Bismuth l'aurait exposé s'il avait été parmi nous et le fera dans l'ouvrage. Le contrat social est métamorphosé et non pas anéanti et les sanctions ne disparaissent pas, au contraire (les entreprises le savent bien ...).
Ce renfort est très profond, dès l'instant que l'on est très précautionneux et que l'on ne conçoit pas le Droit de la compliance comme ce qui détruit les branches du Droit installées, mais au contraire les consolide. Ces renforts doivent être pris au sens d'architecture du terme 📎!footnote-2172. Il faut donc trouver dans les branches du Droit classique, qui ne sont en rien effacées ou détruites ou ignorées par le Droit de la Compliance les "points de contact" avec les Buts Monumentaux de celui-ci pour qu'en pratique l'on ait non seulement enrichissement des branches du Droit, mais au minimum "compatibilité" au sens technique de la conformité.
Ce qui nous amène au deuxième intérêt pratique de cerner les Buts Monumentaux du Droit de la Compliance.
2. CERNER LES BUTS MONUMENTAUX DU DROIT DE LA COMPLIANCE AFIN DE RAPPROCHER LES DIVERSES BRANCHES DU DROIT IMPACTÉES PAR LES MÉCANISMES DE COMPLIANCE, UNIFIANT LE DROIT OBJECTIF LUI-MÊME
En effet, le deuxième intérêt pratique est de permettre aux diverses sources de se rapprocher car si elles retrouvent les mêmes buts monumentaux sous le magma réglementaire, alors elles se rapprocheront. Ce rapprochement, si important en pratique pour le droit objectif et pour la vie quotidienne des entreprises et de la population, est favorisé par l’unification de cette masse.
En pratique, cela serait si bien si les textes, dont on supposerait qu'on les comprenne déjà mieux, veuillent en outre dire à peu près la même chose ! Pour cela, pour reprendre une expression très juste utilisée par 👤🔴Benoit Petit📎, il faut "agencer" les différents corpus de dispositions afin qu'elles soient articulées autour ou vers les Buts monumentaux, lesquels produisent les mêmes règles d'interprétation, produisent alors un effet corrélé d'unification des règles paraissant au départ si diverses, puisque logées dans des branches du Droit ou systèmes juridique éloignées les uns des autres.
En effet, si toutes ces dispositions éparses dans tant de branches du Droit avaient comme point commun normatif les Buts Monumentaux de la Compliance, alors leur mise en application, même assurée par des organismes et personnes très diverses, iraient pourtant dans le même sens, car les mêmes buts se retrouveraient dans chaque branche technique du Droit.
Il faut pour cela suivre la méthode qui fût notamment dessinée par 👤🔴Anne-Valérie Le Fur📎 à propos du Droit des sociétés : rechercher dans chaque branche du Droit ce qui est en point de contact avec le Droit de la compliance en ce que la branche du Droit classique exprime aussi les mêmes Buts Monumentaux et par ces points de contacts enrichir par ces éléments communs (et non plus éparpillés) venir enrichir le Droit de la Compliance, cette branche autonome qui par ces Buts Monumentaux a fourni à l'ensemble de la branche du Droit classique une nouvelle unité, voire un nouveau "souffle" 📎!footnote-2166. Cette continuité dans le temps et ce souffle pour l'avenir étaient particulièrement présents dans la description que 👤🔴Roch-Olivier Maistre📎 a fait du souci direct des Buts Monumentaux dans l'audiovisuel, depuis les lois françaises à la rédaction desquelles il participa et dans les grandes lignes du Digital Services Act dont chacun connait l'importance. Il n'y a donc pas de rupture, mais bien une unification et une meilleure clarté qui s'opèrent.
Ce sont les entreprises pour les moyens de la Compliance qui dégagent le sens de ceux-ci conformément aux Buts Monumentaux et elles le font sous le contrôle et la supervision des Autorités de Supervision et des juridictions, lesquelles veillent à ce que le sens des Buts Monumentaux posé par les Autorités soit effectivement respecté 📎!footnote-2165 .
L'on peut ainsi obtenir une "unification substantielle" de cette masse réglementaire, sans qu'il soit nécessaire de se lancer dans l'irréalisable projet de détruire la diversité des juridictions, des ordres de juridictions, voire des systèmes juridiques. Roland Drago avait montré qu'il est possible de travailler à l'unification substantielle du Droit indépendamment de la diversité institutionnelle et procédurale de celui-ci, dès l'instant que les diverses entités publiques et privées s'accordent sur des notions communes. Cela pourrait être les Buts Monumentaux de la Compliance.
Cela peut fonctionner entre les systèmes juridiques. Cela est alors d'autant plus éclairant que la norme juridique étant dans ces Buts Monumentaux l'unité substantielle apparait nettement entre l'Europe et les États-Unis, même si techniquement les réglementations peuvent différer sur de nombreux points, alors que les réglementations, parfois recopiées au mot près, comme la réglementation chinoise par rapport à des textes américains ou européens de Compliance, s'avère différente parce que le But Monumental diffère.
Mais c'est ici évoquer la législation, c'est-à-dire le troisième intérêt pratique, qui touche aux sources du Droit.
3. CERNER LES BUTS MONUMENTAUX DU DROIT DE LA COMPLIANCE AFIN DE FOURNIR AUX DIVERSES SOURCES DU DROIT MOBILISÉES UN MOYEN COMMUN D'INTERPRÉTER ET D'UTILISER LES INSTRUMENTS DE COMPLIANCE DISPONIBLES OU IMPOSÉS
En effet, le troisième intérêt pratique dans la formulation de Buts Monumentaux aux instruments de Compliance est de permettre à l'ensemble des sources du Droit d'aller dans la même direction. Cela peut paraître l'évidence mais pour l'instant cela ne s'opère pas parce que chacun est dans la réglementation qui est propre à son secteur, qui la "Compliance concurrentielle", qui la "Compliance environnementale", qui la "Compliance anti-blanchiment", etc.
Or, si l'on peut désigner des Buts Monumentaux clairs et simples, les autres peuvent y adhérer. Et cela, c'est surtout les intervenants venus de l'entreprise qui l'ont dit. En effet, 👤🔴Jean-François Vaquieri📎 a expressément dit qu' "il faut que tout le monde dans l'entreprise s'approprie les Buts Monumentaux qui unifient les textes".
Il y a donc une double unité : l'unité des textes et l'unité des personnes qui travaillent dans l'entreprise ou pour elle. Et les deux sont liés, puisque c'est l'unité des textes ainsi produite qui permet la seconde unité, voulue par l'entreprise elle-même, qui ne fixe pas les Buts Monumentaux, mais qui en dessine les outils.
Les juridictions, si elles appréhendent de la même façon le Droit de la Compliance qu'on leur présente souvent, hélas, comme une "réglementation complexe", c'est-à-dire presque inintelligible... 📎!footnote-2167, peuvent à l'aune des Buts Monumentaux de la Compliance, interpréter les règles techniques, les hiérarchiser s'il y a pluralité des Buts 📎!footnote-2168, et surtout en cas de silence ou de contradiction dans les textes, résoudre cela en puisant normativement dans le sens 📎!footnote-2169 donné par ces Buts.
En effet, donner un sens aux textes, n'est-ce pas le plus important en pratique ?
4. CERNER LES BUTS MONUMENTAUX DU DROIT DE LA COMPLIANCE AFIN DE DONNER UN SENS À CES OUTILS DIVERS ET ÉPARPILLÉS
C'est sans doute pour cela qu'il y a un tel souffle dans ce colloque : parce que la population, comme l'ont montré les débats où une 👤personne de la salle a demandé à ce que la situation des personnes soit considérée et que la population ait droit à la parole dans ce Droit de la compliance qui parait se partager entre experts : il faut que cette réglementation ait un "sens" !
Et pas de nombreux, qui se contredisent et dans leur "complexité", habileté pour dire qu'il faut se résigner à ne rien y comprendre, non il faut qu'il y ait un "sens" accessible, clair et accepté !
Il est remarquable que cela ait été dit non seulement par exemple par 👤🔴Dominique de la Garanderie📎 qui a soutenu qu'il fallait travailler en pratique, via l'éthique et la RSE, dans ce que j'appelle leurs "points de contact" avec le Droit de la Compliance à obtenir une société plus juste, mais encore par 👤🔴Christian Huglo📎 qui a soutenu que, désormais, c'est le sens de la civilisation dans laquelle nous vivons qui est en jeu et que c'est sans doute porté par le Droit de la Compliance, s'il peut exprimer les Buts Monumentaux, que sont le climat et la dignité des êtres humains. 👤🔴Jean-François Vaquieri📎 a montré que l'enjeu pratique pour le management d'une entreprise employant beaucoup de personnes travaillant en prise directe avec la population est "dans la communication de ce sens" à chacun, tandis que👤🔴Benoit Petit📎 a montré que l'ensemble des textes pouvait se ramener à l'effectivité de la dignité de la personne, ce dont 👤🔴Christian Huglo📎 ne veut pas qu'on y oppose l'urgence climatique puisque c'est la même chose.
Par l'obtention de ce sens (4), on obtient :
Et quand la norme réglementaire technique se tait ou se contredit, cela est encore extrêmement pratique.
Mais au-delà de la sécurité juridique ainsi obtenue, c'est l'idée d'avoir à l’avenir une société plus juste, ce qui a porté 👤🔴 Dominique de la Garanderie📎 qui présentait d'une façon si modeste son action si importante depuis longtemps. Ce sont les mêmes termes que nous avons entendus, par exemple dans l'exposé concret d' 👤🔴Anne Le Goff📎, décrivant son action quotidienne dans l'entreprise dans la perspective d'une « société meilleure », 👤🔴Christian Huglo📎 plus pessimiste affirmant qu'à l'avoir il fallait avoir une société qui existe encore...
Car il est vrai que nous sommes aussi au temps des inquiétudes.
Mais l'avenir n'est pas écrit. Il n'est pas écrit, donc il n'est pas fatal. 👤🔴Christian Huglo📎 l'a bien montré, indiquant concrètement les textes adoptés, les engagements pris, et les rappels à l'ordre juridictionnel de cela ...
Puisque l'avenir n'est pas fatalement écrit, que faut-il pour que cela ne se passe pas d'une façon catastrophique, voire que cela se passe bien, voire que cela se passe mieux demain que cela ne se passe aujourd'hui ?
Pour cela, il faut embarquer sur le Mayflower dans le mouvement d'aventure auquel a convié 👤🔴Muriel Chagny📎. C'est bien d'une aventure conceptuelle dont il s'agit, et parce qu'il s'agit d'avenir, car le Droit de la Compliance est un Droit Ex Ante qui vise des Buts, il faut inviter les concepts, sinon les faits suivront leurs pentes et les réglementations s'entasseront.
Mais cette sorte de construction monumentale qu'est la "cathédrale" dessinée par 👤🔴Dominique de la Garanderie📎, c’est bien une construction qu’il s’agit de faire aujourd’hui et maintenant. Et comme l'a dit bien dit Dominique, le Droit de la Compliance en est le "mortier", tandis que nous devons aussi aller chercher, dans chaque branche classique du droit, des "pierres" pour bâtir l’avenir de la société. Si nous n'avons pas beaucoup de force, ou que nous ne sommes pas des tailleurs de pierre aguerris, des cailloux plus ou moins bien taillés seront déjà les bienvenus.
Dans cet ouvrage, chacun y a son rôle, comme acteur : l’entreprise et l’État, dont 👤🔴Dominique de la Garanderie📎 a montré l'alliance qu'ils pouvaient faire, tandis que 👤🔴Roch-Olivier Maistre📎 et 👤🔴Jérôme Marilly📎 rappelait que l'un ne doit pas pour autant se prendre pour l'autre, et c'est aussi à l'Université d'aider à la "conception" de ces Buts Monumentaux.
II. L’AVENTURE CONCEPTUELLE NÉCESSAIRE POUR CERNER LES BUTS MONUMENTAUX
👤🔴Marie-Emma Boursier📎, en évoquant les fermiers généraux, a montré que le Droit de la Compliance, ne s'écrivait pas sur page blanche et que depuis toujours l'État prend appui dans des personnages puissants pour rendre effectifs ses buts, par exemple financiers. Précisément et elle le précisa, il ne s'agissait pas d'une délégation normative, juste une délégation dans l'exécution. La détermination de ce que l'on appellerait "l'intérêt général" restait dans la main, très ferme, du Roi. De la même façon Alain Supiot en décrivant la "reféodalisation du Droit" montrait que le Droit actuel revient à l'Ancien Régime mais s'il en opérait une description très critique c'est que c'est en terme de délégation normative que cela, selon lui, s'opère désormais.
L'un des enjeux conceptuels est donc dans ce que 👤🔴Roch-Olivier Maistre📎 a souligné avec une grande netteté pour l'Audiovisuel : l'Autorité publique concerne la détermination des buts. En cela, le Droit de la Compliance est classique, et dans la tradition dite romano-germanique, Carbonnier ayant montré que le Code civil n'était pas écrit sur feuille blanche📎.
En prenant donc soin de ne pas surestimer la rupture que l'on impute souvent à l'excès au Droit de la Compliance, souvent d'ailleurs pour mieux le critiquer, le présentant alors comme une arme secrète des États-Unis jetée contre l'Europe, les interventions et les échanges ont dégagé trois pistes d'effort pour cerner un concept de Buts Monumentaux. Les efforts de conceptualisation doivent porter la détermination de Buts, voire d'un unique But , qui donne de la substance à ce Droit de la Compliance (1). Il ressort ensuite de l'ensemble des interventions, car toutes en ont parlé que cela conduit à renforcer la conception que l'on a de l'entreprise (2). Enfin, il faut dès le départ lier Compliance et Humanisme (3).
1. CONCEPTUALISER DES BUTS MONUMENTAUX DE NATURE SUBSTANTIELLE, AFIN DE DONNER DU SENS À TOUS LES OUTILS DE COMPLIANCE
La conception purement procédurale du Droit de la Compliance, réduit à donner de l'effectivité" à des règles que l'on estime plus importantes que d'autres, fait de plus en plus place à une conception substantielle du Droit de la Compliance, ne serait-ce que pour lui donner une autonomie par rapport à la définition même du Droit objectif qui requiert par nature son effectivité.
Pour cela, comme l'a dit exactement 👤🔴Anne-Valérie Le Fur,📎 « il faut poser les bonnes notions au bon endroit ». Effectivement, le sens des réglementations se donne d'autant moins à voir simplement et d'une façon unifiée qu'on les enfourne dans des bases de données et qu'on confie à des algorithmes le soin de gérer tout cela. Le sens n'étant ni donné, il doit être construit.
Quel sens donner à tous ces textes, dont la masse a de quoi désespérer les meilleures bonnes volontés ?
Peut-être faut-il prendre « sens » au sens premier : dans quel sens faut-il aller ?
Se souvenant que le Droit de la Compliance est une branche du Droit Ex Ante, Il faut prendre comme temps non pas le passé, mais le futur. Même s'il est vrai que le passé est pertinent, qu'il faut punir et réparer, qu'il faut garder mémoire, c'est bien plutôt dans ce qui, dans le branches classiques, se saisit directement de l'avenir, que l'on va retrouver l'ancrage du Droit de la Compliance. Car le Droit de la Compliance, c'est avant tout le Droit qui a la prétention de se saisir du futur et de le fabriquer, pour que n'advienne pas ce qu'il exclut (par exemple les crises systémiques ou les harcèlements), ce qui constituent les Buts Monumentaux négatifs , voire pour qu'advienne ce qu'il exige (par exemple l'égalité entre les femmes et les hommes, la régénérescence de la nature, protégée en tant que telle, l'éducation des enfants), ce qui constituent les Buts monumentaux positifs.
Dans chaque branche du Droit, il y a des dispositions, voire une tendance à cela. Ainsi 👤🔴 Guillaume Beaussonie📎 a insisté sur la constitution d'un « le droit pénal Ex Ante », ce qui montre les points de contact entre les deux branches du Droit et d'ailleurs la nature Ex Ante de la Compliance requiert l'Ex Post des sanctions pour que les obligations Ex Ante, si elles sont méconnues, soient sanctionnées. Les entreprises en savent quelque chose... 👤🔴Christophe André📎 a insisté dans le débat sur le fait que dans le mécanisme de convention judiciaire d'intérêt public, cela devait pourtant rester l'Autorité publique qui fixe les conditions des outils et les buts certains, la rencontre des volontés n'étant pas la seule loi de ce mécanisme. En effet, le maniement des outils, par exemple les engagements dans lesquels les entreprises sont essentielles (puisque ce sont elles qui s'engagent) ne doivent pas pour autant les rendre maîtresses de la détermination des buts 📎!footnote-2171.
Le Droit de la Compliance, en tant qu'il est tout entier Droit Ex Ante qui porte la "prétention" des États de ne pas subir la fatalité de l'avenir, en tant qu'il est le "Droit de l'Avenir", doit être substantiellement bâti sur ses Buts monumentaux. En écoutant l'ensemble des orateurs, je repensais aux Mélanges qui furent conçus en 1999 pour rendre hommage à François Terré, dont le titre est L'avenir du Droit📎.
Dans cet ouvrage élaboré il y a plus de 20 ans, notre regretté collègue 👤Pierre Godé offrit à François Terré un article dont le titre est "Le Droit de l'avenir (un droit en devenir📎)", qui portant non pas tant sur le Droit des sociétés ou le Droit financier, dont il était grand spécialiste, mais sur le Droit de l'environnement. Dans ce remarquable article prémonitoire, il expliqua que le Droit de l'environnement allait occuper l'ensemble des esprits et des systèmes juridiques et qu'il fallait s'en occuper dès maintenant. Pierre Godé n'est plus là pour construire la cathédrale chère à Dominique de la Garanderie📎 mais c'est bien ce "Droit de l'avenir" qu'il faut concevoir ici et maintenant. Pierre Godé était, lorsqu'il écrivit cela, vice-président de LVMH et je remarque la contribution directe de cet "opérateur crucial" en la matière, montrant que les entreprises ont un rôle décisif dans la mise en œuvre des décisions politiques.
Mais cela se passera moins bien si les choses se font sans avoir été "conçues". Et sans doute est-ce encore l'adjectif de "monumental" qui mérite notre effort de conception. C'est bien ce terme-là qui fût proposé en 2016📎, mais c'est le plus souvent celui de "Buts fondamentaux" qui est spontanément utilisé.
Il est vrai que nous, juristes, sommes plus familiers des règles ou droits fondamentaux, mais sans doute faut-il plutôt s'arrêter au sens littéral de "monumentaux" attachés à ces buts-là. , ce que cet adjectif renvoie non pas tant à ce qui est "essentiel" mais plutôt à ce que se construit pour l'avenir».
Ainsi, un « But Monumental » vise par nature quelque chose d’essentiel qui doit être construit dans le futur, soit négativement : faire en sorte que cela n’advienne pas , soit positivement : faire en sorte que cela advienne. C’est bien pourquoi l’image de la cathédrale est naturellement arrivée dès le matin dans la bouche de 👤🔴Dominique de la Garanderie📎, tandis que 👤🔴Dominique Heintz📎 a insisté sur le fait que la distribution constituait une filière, les distributeurs étaient donc bien placés pour concrétiser certains buts, à travers notamment leur aptitude à la vigilance et l'obligation qu'ils avaient à la mettre au service de buts conçus par l'Autorité publique.
Il y a forcément besoin de « dynamisme » pour la construction de la cathédrale, avec le « souffle » que cela requiert et 👤🔴Anne Le Goff📎 n’a pas hésité à parler de la redécouverte de la « noblesse du métier de banquier ». Ainsi la reféodalisation du Droit décrite par Supiot n’aurait pas que du mal ….
Dans la conception ainsi présentée par 👤🔴Dominique de la Garanderie📎, les autres branches du droit sont les pierres et par ses buts monumentaux spécifiques seul le Droit de la Compliance peut les utiliser pour construire cette cathédrale, dont la construction relève aujourd’hui de cette grande « urgence » pointée par 👤🔴Christian Huglo📎
2. CONCEPTUALISER LES PLACES REVENANT À CHACUN POUR CERNER LES BUTS MONUMENTAUX, NOTAMMENT LA PLACE DE L’ENTREPRISE , VOIRE SA DEFINITION PAR LES BUTS MONUMENTAUX DU DROIT DE LA COMPLIANCE
Dans cette « aventure conceptuelle », il faut voir très large. Ainsi, dans sa présentation 👤🔴 Anne-Valérie Le Fur📎 n'a été critique à l'égard du Droit positif sociétaire qu'en tant qu'il développe une vision trop étriquée des obligations de Compliance, réservées à certaines sociétés pour des buts particuliers, alors qu'elle considère que la considération des Buts Monumentaux justifierait à l'inverse de revoir intégralement les bases du Droit des sociétés, applicables à toutes les entreprises, amenant à récuser une vision trop « minimaliste » de la « raison sociale » , en revendiquant l’intérêt général et une «raison d’être éthique », ce qui vaudrait pour toutes les sociétés et pas seulement pour les grandes entreprises : l’entreprise n’est pas prise pour son efficacité mais pour sa volonté propre… et c’est toutes les sociétés qui doivent pouvoir « endosser » les buts monumentaux. Ce faisant , elle pose la question de savoir si l'entreprise peut s'approprier la notion classique d' "intérêt général".
Mais l'entreprise peut adhérer aux Buts Monumentaux expressément visés par l'État et les Autorités publiques, en les empruntant en décalque dans son objet social mais elle ne peut pas se poser en législateur autonome en se fixant à elle-même des Buts monumentaux autonomes, qu'elle s'imposerait à elle-même, voire à autrui.... 👤🔴Jérôme Marilly📎 a souligné que lorsqu'une banque suspend ses services de paiement à une plateforme qui propose des services qui heurtent sa propre conception de la morale publique, la banque s'approprie un pouvoir de police sur autrui qui ne lui appartient pas.
Ainsi, l'entreprise peut-elle reprendre les mêmes buts monumentaux que ceux expressément posés par l’État, mais pas en poser elle-même ; car sinon l’entreprise ne se contente plus de mettre en œuvre des buts arrêtés par l’Autorité publique mais fixe elle-même des buts politiques, prenant alors la place des Autorités publiques, ce que l'entreprise n'est pas légitime à faire. Gunther Teubner avait protesté contre cette tendance des entreprises de se présenter ainsi comme les "néo-constituants" mondiaux, ce qu'elles ne sont pas légitimes à être.
L'un des enjeux conceptuels est donc de trouver la "juste place" de l'entreprise, ce qui revient à revenir sur la définition de celle-ci. Dans les interventions et les débats, c'est bien la conception même de l'entreprise qui a été en cause, 👤🔴Anne-Valérie Le Fur📎 affirmant que cela conduit à « repenser la place de l’entreprise », s'appuyant en cela sur le Rapport Notat-Sénard.
👤🔴Anne Le Goff📎 et 👤🔴Jean-François Vaquieri📎 ont tout à fait revendiqué le fait que "les entreprises ont une âme". On peut très bien les suivre sur ce point si ce souci d'autrui conduit les entreprises à adhérer à un but préalablement fixé par l'Autorité politique, sans leur permettre de prétendre se substituer à celle-ci.
Les entreprises sont d'autant plus légitimes à reprendre ainsi à leur compte le But Monumental de protection de la dignité humaine, posé par l'Autorité politique, que l'entreprise elle-même se définit comme un groupe d'êtres humains, selon la définition classique rappelée par Alain Supiot, auteur à qui s'est expressément référé 👤🔴Benoit Petit📎. Cela se concrétise comme l'a décrit 👤🔴Jean-François Vaquieri 📎qui rappelle à son tour que, dans une entreprise, l’adhésion à des buts monumentaux par une entreprise et à travers elle par les personnes qui travaillent pour elle « ne se décrète pas : celle passe par l’adoption au « projet industriel et social », qui traduit l’adhésion des membres de l’entreprise et de ses « parties prenantes » à un tel but.
Mais c’est une chose d’ « avoir une âme » et c’en est une autre de prendre la place de l’État de gouverner … Ainsi la place des entreprises a été rappelée par👤🔴Roch-Olivier Maistre📎. Elles ne sont ni les maîtres, ni les sujets.
L'entreprise n’est ni le maître du système de Compliance, puisqu'elle n'en dessine pas les Buts monumentaux, ni l’assujetti des règles, puisqu'elle est libre d'inventer les outils par lesquels ces buts seront atteints : l’on pourrait dire que c’est le « mécanicien » du système. Et l'on sait que dans un système, le bon fonctionnement mécanique est essentiel, pour que "cela marche", 👤🔴Anne Le Goff📎 rappelant que si les banques ont été requises dans les différentes crises, y compris sanitaire ou climatique, c'est bien parce que l'État, ayant l'apanage de fixer les buts, ne peut pas faire marcher les outils pour les atteindre.
Mais 👤🔴Roch-Olivier Maistre📎 , rappelant que chacun doit rester dans son rôle, a montré l'importance des "engagements" pris par les entreprises au regard des Buts fixés par les États. Il précise qu'au regard de ces buts, c'est un dialogue qui s'engage entre les entreprises et l'Autorité de supervision, garante de l'effectivité des buts, souligne qu'il ne faut pas confondre ce dialogue avec ce que certains appellent d'une façon inadéquate de la "corégulation". En effet les buts restent dans leur fixation l'apanage de l'Autorité politique. Les buts restent dans le contrôle de leur mise en ouvre l'apanage de l'Autorité de régulation. Mais puisque ce contrôle prend la forme d'une surveillance directe des entreprises qui choisissent librement les moyens par lesquels elles vont atteindre ses buts, les Autorités de Régulation deviennent nécessairement des Autorités de Supervision. Pour continuer dans le vocabulaire bien choisi d'👤🔴Anne-Valérie Le Fur📎, il faut donner aux notions et aux acteurs à chacun "sa bonne place" : une entreprise qui reste une entreprise, pouvant reprendre un But Monumental fixé par l'État et non en créer un, tandis que le Régulateur devient le Superviseur, puisque le Droit de la Compliance prolonge et démultiplie le Droit de la Régulation. :
S'il est vrai qu’il est essentiel de distinguer la définition des buts monumentaux, établie par les Autorités publiques et à laquelle les entreprises peuvent adhérer, et la liberté de mise en place des moyens de les concrétiser dont disposent les entreprises, il est parfois difficile de distinguer la conception des buts et la conception des moyens. C'était l'un des aspects dont 👤🔴Emma Guernaoui avait la charge.
On le mesure particulièrement à propos de l'obligation de vigilance. En effet la notion de "vigilance" est encore assez peu conçue et, comme pour l'ensemble de la Compliance, l'on en met en place les outils avant d'avoir mis en place le concept même. Or, la "vigilance" c'est sans doute ce qui est le plus commun à toutes les branches du Droit et comme l'a posé le Conseil constitutionnel dans sa décision sur la loi française dite "Vigilance" de 2017, qui sert de modèle pour le dispositif européen qui est en train de se déployer et va donc revenir sous forme de directive, elle n'engendre pas une responsabilité du fait d'autrui mais bien une responsabilité personnelle des entreprises.
Ainsi dans le Droit de la distribution, analysé par 👤🔴Dominique Heintz📎, il faut désigner les opérateurs les plus aptes à "être vigilant" : ce sont les "grands distributeurs", car il faut être puissant et aller du début de l'amont jusqu'à la fin de l'aval pour être "vigilant", sans que cela ne produise de l'appropriation du pouvoir normatif. Là où le droit des pratiques restrictives n'a pas réussi, lui qui a voulu "à la française" traiter le pouvoir en le régulant par la transparence, il pourrait y avoir, grâce à l'association du fait de "filière" et du concept de "vigilance" une demande d'accroissement du pouvoir des opérateurs cruciaux afin qu'ils exercent mieux en Ex Ante leurs responsabilités personnelles.
L'entreprise trouve ainsi sa juste place, désignée par 👤🔴Anne-Valérie Le Fur📎, qui s'appuie sur le couple familier au Droit financier "Exogène / Endogène" pour poser que la normativité est extérieure à l'entreprise, normativité des buts demeurant entre les mains du Législateur mais reprises à l'entreprise, analyse partagée par 👤🔴Jérôme Marilly📎.
Par la reprise qu'elle en fait, l'entreprise change son rapport à la justice, puisque par cette reprise à son compte, elle cesse d'être assujettie et, comme cela fut montré par 👤🔴Jérôme Marilly📎, le mécanisme de la Convention judiciaire d'intérêt public montre que, par la reprise de ces buts, l'entreprise peut donc entamer à l'égard de la justice, incarnée par le ministère public, une démarche volontaire.
Cette CJIP n'est pourtant pas régie par le seul échange des consentements, elle demeure régie par la Loi et les conditions que celle-ci a posées, notamment dans le Code de procédure pénale. Cette présence de la Loi permet d'imposer aux Buts monumentaux du Droit de la Compliance une conception humaniste.
3. CONCEPTION HUMANISTE DES BUTS MONUMENTAUX ET UNIFICATION AUTOUR DE LA PRÉTENTION À INSTITUER LA DIGNITÉ DE LA PERSONNE HUMAINE
Il s'est dégagé au cours du colloque une définition conceptuelle des Buts Monumentaux du Droit de la Compliance autour de l'ambition de rendre effective la dignité de la personne, laquelle suppose le maintien des systèmes financiers et économiques et donc la gestion du risque . En effet, la nécessité de gérer les risques est un but média, dont l'importance a été soulignée par 👤🔴Anne Gavanon📎, mais l'on ne met la gestion des risques comme une nécessité du Droit de la Compliance, bien connue en droit bancaire, financier ou en droit des données, parce qu'il s'agit in fine de protéger les êtres humains. Cela est particulièrement clair, par exemple, dans l'exercice de cartographie des risque. Ainsi la gestion des risques n'est elle-même qu'un moyen, un "but-média" et non pas le But Monumental ; au contraire et pour parler d'une façon plus générale la protection des systèmes, qui renvoie à une conception plus américaine de la Compliance, n'est elle-même requise parce qu'elle est nécessaire pour protéger les êtres humains.
L'on ne peut pas concevoir la protection des systèmes, y compris climatiques, sans l'articuler, voire la subordonner, à la protection des êtres humains. Comme l'a dit 👤🔴Christian Huglo📎, il ne faut pas penser la protection d'un système dans l'indifférence de la dignité de l'être humain puisqu'on ne se soucie de la perdurance du système que pour l'effectivité de la dignité humaine, et c'est en ces termes qu'il a présenté le Green Deal élaboré par l'Union européenne.
C'est bien en termes d'Humanisme que 👤🔴Marie Malaurie📎 a repris ses réflexions téléologiques sur les marchés, 👤🔴Anne Le Goff📎 affirmant expressément que ces " termes "ne sont pas que des mots, mais sont des actes dans l'entreprise et à l'égard des parties prenantes", ces mots prenant corps à travers notamment le Code de conduite, tandis que 👤🔴Jean-François Vaquieri📎 a expliqué qu'ils peuvent prendre vie dans le "cahier des charges".
Cette conception humaniste des Buts Monumentaux de la Compliance qui prend vie dans les actes des entreprises qui les décalquent ainsi de ce que vise l'Autorité publique, a pour conséquence d'ouvrir aux êtres humains qu'il s'agit concrètement de protéger des recours pour obtenir cette effectivité. C'est peut-être cela le point de contact entre "l'intérêt général", expressément visé par l'acte de mission que le ministre de l'Économie avait donné à Nicole Notat et à Jean-Dominique Sénard et "l'intérêt collectif" sur lequel leur rapport s'est centré, sur la base duquel la loi dite "Pacte" a pris naissance, ce même intérêt collectif qui est la base des actions collectives en justice, dont l'avenir est grand en matière de Droit de la Compliance.
L'un des enjeux d'une conceptualisation réussie est l'émergence d'une « culture de compliance », expression utilisée par👤🔴Anne Le Goff📎 et par 👤🔴Jean-François Vaquieri📎 et c'est bien alors sur les entreprises qu'il faudrait prendre modèle pour acquérir l'aptitude à faire adhérer les autres au But Monumental de rendre effectif la dignité de chaque être humain.
Les conséquences pratiques en seraient notamment que les institutions en charge de la gestion des risques soient donc aussi, voire d'une façon première, en charge de la dignité de la personne. L'exemple de la Banque centrale européenne est crucial. Ainsi lorsque la BCE affirme que la priorité de son action est le climat, la question est de savoir si elle excède son mandat et doit répondre de cela ou si au contraire elle utilise ses pouvoirs dans le but pour lequel ils lui ont été conférés. Si l'on conçoit le Droit de la Compliance en mettant en son cœur le But Monumental de protection de la dignité humaine, laquelle est intime de la durabilité des systèmes, dont l'avenir climatique est indissociable, alors le reproche se transforme en satisfecit.
Ce cas si important pour notre avenir, qui peut être concrètement discuté devant les Parlements, les Cours constitutionnelles et la Cour de justice de l'Union européenne, montre que pour juger des pouvoirs normatifs des Autorités publiques de régulation et de supervision, et des pouvoirs de mise en œuvre des entreprises, il faut avoir une conception commune de ce pour quoi est fait un instrument juridique, conception qui n'est pas extérieure au Droit mais au contraire au centre de celui-ci : la concrétisation de la dignité de l’être humain pourrait être conçue comme ce qui est commun à tous. Cela permettra non seulement de trouver les points de contact entre le Droit de la compliance et les règles qui, à l'intérieur de toutes les branches classiques du Droit, relèvent de ce souci de rendre en Ex Ante effective cette dignité.
Cette conception peut construire l'Europe souveraine en ce qu'elle est partagée par l'Europe des droits humains, défendue par la Cour européenne des droits de l'Homme et l'Union européenne. Cette conception permet encore de distinguer des textes dont la lettre est techniquement identique, par exemple en Europe et en Chine, mais que l'interprète peut distinguer, parce que les mêmes techniques de Droit des données, visent en Europe à protéger la dignité humaine (le Règlement de 2016 dit "RGPD") alors qu'un texte chinois techniquement analogue de 2021 en est distinct parce qu'il ne sert pas le même But Monumental, visant sans doute un but autre, voire inverse, de soumission de l'individu à l'État, ce qui semble être le But Monumental servi par les mêmes techniques de compliance, notamment dans la captation et le cloisonnement des données, en Chine.
Cette actualité montre à quel point cette réflexion commune conceptuelle est requise.
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