15 octobre 2022

Publications

🚧Le juge, tiers régulateur des obligations contractuelles de compliance

par Marie-Anne Frison-Roche

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 Référence complète : M.-A. Frison-Roche, Le juge, tiers régulateur des obligations contractuelles de compliancedocument de travail, octobre 2022.

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🎤 ce document de travail a été élaboré pour servir de base à une conférence, prononcée le 18 novembre 2022 à l'Université de Nîmes.

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📝Il sert aussi de base pour un article qui sera publié dans un ouvrage, publié dans sa version française dans l'ouvrage 📕L'obligation de Compliance, dans la collection 📚Régulations & Compliance et dans sa version anglaise dans l'ouvrage 📘Compliance Obligation, dans la collection 📚Compliance & Regulation

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 Résumé du document de travail  : 

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🔓Lire les développements ci-dessous ⤵️

 

Si l'on veut traiter de ce que peut et doit faire le juge, en se demandant s'il peut et doit être un "régulateur" des obligations contractuelles de compliance, le risque est de se perdre en chemin, car c'est un chemin où les mots sont autant de pièges.

 

PRÉALABLE : CERNER LES MOTS 

Etre invitée à analyser la "figure du juge, tiers régulateur des acteurs des contrats de compliance et de leurs stratégies", c'est être destiné au destin du Petit Poucet. En effet, l'on se perd vite dans des termes aussi vastes et malléables que le sont le "juge", le "contrat", le "régulateur" et la "compliance", conduisant de chemin en contre-allée, par traiter de chose et d'autre.

Le terme de "figure" permet certes toutes les libertés pour sortir d'une telle forêt où l'on a rassemblé tant de grands mots qui renvoient à des notions si fortes en Droit mais si disparates entre elles. 

Prenons tout d'abord, à tout seigneur tout honneur, le mot "compliance". En effet, ce risque est d'ailleurs imputable à la "compliance" elle-même dont la définition n'est pas encore stabilisée!footnote-2731. Ainsi, si l'on définit la Compliance comme "l'obligation pour des entreprises de respecter la réglementation qui leur est applicable", définition certes étrange car l'on mesure mal la spécificité de ce qui fait de chaque sujet de droit un assujetti mais définition pourtant souvent proposée, l'on passe rapidement de cette obligation📎 !footnote-2730 aux textes qui édictent les prescriptions que l'opérateur doit suivre. C'est alors tout le droit positif que l'on peut visiter à ce titre, repartant si l'on en a envie dans le sentier tant de fois arpenté des relations entre la législation, le juge et les personnes qui agissent, embrassant alors tous les contrats dans lesquelles les parties affirment qu'elles respecteront la réglementation qui leur est applicable, mise en jambe que l'on retrouve souvent dans les préambules des contrats-cadre par exemple.

Mais l'on se souvient peut-être de Carbonnier qui, lorsqu'il exposait le "contrat" comme pilier du Droit posait aussi que l'Etat était toujours assis à la table de l'élaboration de celui-ci. Prenons un cas. Dans le cas du Droit de la compliance, lorsque les parties écrivent dans la clause n°17 : "le fournisseur détectera au sein de son entreprise et de ceux qui en dépendent les comportements de corruption", n'est-ce pas la loi dite "Sapin 2" que l'on lit ? Dès lors, lorsqu'y est associée comme sanction dans une clause n°18 la résiliation immédiate du contrat, voire une pénalité, et que le juge en est saisi, s'il déclenche au détriment du fournisseur une obligation de payer, est-ce en application de la loi en application du contrat ? Compliquons un peu le cas. Si le fournisseur se prévoit du Droit de la concurrence qui interdit la rupture brutale des relations contractuelles de distribution et demande au juge de ne pas faire cesser pour l'avenir la relation contractuelle en application de cette disposition légale d'ordre public, face à une stipulation contractuelle, que doit faire le juge ? Applique-t-il un contrat ou applique-t-il Sapin 2 ? Compliquons un peu le cas ? Imaginons que le cocontractant n'a fait qu'un renvoi général à sa "charte éthique" à laquelle le fournisseur a dit qu'il adhérait en tous points (car il est lui-même empli du sens moral des affaires) et que dans cette charte disponible sur le site, figure la même disposition et qu'au nom de celle-ci il y ait résiliation du contrat, face à une législation d'ordre public qui interdit les ruptures brutales des relations contractuelles que doit faire le juge ? 

L'on va devoir revenir sur le caractère inextrictable entre la loi et le contrat, lorsque la Compliance se glisse entre les deux : car le Juge dans sa conception traditionnelle doit servir la volonté des parties au contrat (cette "petite loi" des volontés des "personnes", ces personnes qui est l'objet de cette journée), conception qui demeure très forte non seulement en droit anglais mais encore par exemple dans l'arbitrage, espace dans lequel le Droit de la Compliance est en train de pénétrer, alors que le Juge aura sans doute plus de liberté dans l'obligation qu'il fait de la Loi ....

 

Cela dépend s'il est "régulateur" ou non ... Mais ici apparaît le deuxième piège : en quoi un juge serait-il un "régulateur" ? 

 

Au sens technique et non pas au sens métaphorique, métaphore que pour ma part je ne maîtrise pas ....

Quand le Vice-Président du Conseil d'Etat dit que le Juge administratif est le Régulateur des Régulateurs, il veut dire d'une part que le juge peut être "régulateur" parce qu'il contrôle une entité qui est elle-même expressément du fait de la loi qui l'a créée "Autorité de Régulation". Or une Autorité de Régulation 

Pour tenter de mettre un enclos autour du sujet, l'on prendra non pas cette définition procédurale de la Compliance comme obligation de respecter la réglementation applicable mais une définition substantielle du Droit de la Compliance, appréhendé téléologiquement qui limite le champ de cette nouvelle branche du Droit à des Buts Monumentaux, ce qui est à la fois plus restreint et plus ambitieux que l'ensemble de la réglementation applicable!footnote-2732.

Pour un peu qu'au passage l'on se mette prendre au sens large le terme de "juge", pour y inclure les Autorités de régulation et de supervision, parce que dans certaines de leurs fonctions elles ont été qualifiées ainsi par la méthode fonctionnelle, voire les entreprises elles-mêmes, parce que le Droit de la compliance les contraint à s'instituer comme juge d'elles-mêmes et des autres, et c'est un océan qui s'ouvre.

L'on est d'autant plus menacé par la confusion si 

I. LE JUGE FACE A UN "CONTRAT DE COMPLIANCE"

II. LE JUGE FACE A UN CONTRAT COMPRENANT DES CLAUSES MODIFIANT  LA FORCE DE LA NORME DE COMPLIANCE

A. LE JUGE FACE A UN CONTRAT ACCROISSANT LA NORME DE COMPLIANCE

B. LE JUGE FACE A UN CONTRAT DIMINUANT LA NORME DE COMPLIANCE

 

III. LE JUGE SPECIALEMENT CHARGE D'UNE FONCTION PAR LE DROIT DE LA COMPLIANCE

Préalable : le Droit de la Compliance, en ce qu'il est ex ante exclut le juge. Notamment c'est l'espace de la Compliance by design. Ivo Voman (DG Connect smart contract, automated compliance Mais nul ne peut jamais exclure un juge ; le contrat appelle le juge  ; 

A. LE JUGE ET L'EFFECTIVITE DES INTERDICTIONS CONTRACTUALISEES

B. LE JUGE ET LES DEVOIRS CONTRACTUALISES:  LA VIGILANCE

1. La régulation des chaînes de valeur

2. La répartition politique des obligations de résultat et des obligations de moyens

1

M.-A. Frison-Roche, Le droit de la compliance, 2016.

2

par rapport à l'ordre religieux, moral, esthétique, scientifique, etc., conduisant d'ailleurs le plus souvent ceux qui proposent une telle définition à associer à la compliance l'éthique, comme pour lui ajouter un supplément d'âme. 

3

Sur l'ensemble de cela, M.-A. Frison-Roche (dir.), Les buts monumentaux de la compliance, 2022. 

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