29 août 2014

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Le Conseil d'Etat, par un arrêt du 23 juillet 2014, suspend l'exécution d'un jugement du Tribunal administratif de Paris ordonnant la communication de comptes de campagne à Mediapart

par Marie-Anne Frison-Roche

Lire l'arrêt.

Les comptes de campagne politique sont examinés par un organisme ad hoc, la Commission Nationale des comptes de campagne (CNCCFP).

La presse voulant toujours en savoir plus, l'idée de Médiapart a été d'utiliser le droit d'accès aux documents administratifs, mis en place par la loi du 17 juillet 1978.

Arguant de ce droit fondamental, le journal demande à la Commission des comptes de campagne la communication des questions et des réponses entre les rapporteurs et les candidats, à propos de la campagnes présidentielles de 2007.

La Commission refuse. Le journal saisit le Tribunal administratif de Paris, qui ordonne la communication forcée.

Mais la Commission des comptes de campagne non seulement frappe d'un pourvoi au fond le jugement du 3 juin 2014, mais encore vient obtenir par l'arrêt du 23 juillet 2014 rendu par le Conseil d'Etat la suspension de l'exécution du jugement.

En effet, le Conseil d'Etat estime que la question de savoir si la loi du 17 juillet 1978, c'est-à-dire l'existence même d'un droit d'accès aux documents administratifs, aux documents concernés par un litige à propos des comptes de campagne politique, se pose.

Elle se pose juridiquement. Elle se pose politiquement.

 

Lorsque la loi du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'améliorer des relations entre l'administration et le public a été adoptée, posant le principe d'un accès aux documents, l'on ne lui prêtait un tel succès.

Aujourd'hui, elle est souvent évoquée pour obtenir de multiples renseignements.

L'on peut avoir une lecture minimale de l'arrêt.

En effet, le mémoire de l'Autorité pour obtenir la suspension du jugement visait l'article 6 de la loi du 17 juillet 1978, comprenant les exceptions à ce principe de communication, exceptions étendues récemment par une loi de 2013. Or, précisément, cet article 6 vise le cas d'un document visant une personne à propos de laquelle l'information révélée va porter préjudice. Il s'agit alors de savoir si nous sommes ici dans le champ de cette exception ou non!footnote-28.

Mais si l'on lit la réponse formulée par le Conseil d'Etat pour admettre la demande de suspension, la formulation en est plus large : elle se réfère à la question  même de l'admission de l'applicabilité au litige sur un compte de campagne de la loi sur la communication des documents administratifs.

Le sujet est beaucoup plus vaste.

Si c'est de cela dont il s'agit, alors le sujet en devient plus politique.

En effet, doit-on considérer que la question des comptes de campagne est si délicate que cela doit rester dans le secret de la procédure propre à la Commission Nationale des Comptes de Campagne ?

L'on mesure ici une nouvelle fois que la procédure est avant tout une question politique.

Et l'on attend avec grand intérêt l'arrêt du Conseil d'Etat au fond.

 

1

I.-Ne sont pas communicables :

 

1° Les avis du Conseil d'Etat et des juridictions administratives, les documents de la Cour des comptes mentionnés à l'article L. 141-10 du code des juridictions financières et les documents des chambres régionales des comptes mentionnés à l'article L. 241-6 du même code, les documents élaborés ou détenus par l'Autorité de la concurrence dans le cadre de l'exercice de ses pouvoirs d'enquête, d'instruction et de décision, les documents élaborés ou détenus par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique dans le cadre des missions prévues à l'article 20 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, les documents préalables à l'élaboration du rapport d'accréditation des établissements de santé prévu à l'article L. 6113-6 du code de la santé publique, les documents préalables à l'accréditation des personnels de santé prévue à l'article L. 1414-3-3 du code de la santé publique, les rapports d'audit des établissements de santé mentionnés à l'article 40 de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 de financement de la sécurité sociale pour 2001 et les documents réalisés en exécution d'un contrat de prestation de services exécuté pour le compte d'une ou de plusieurs personnes déterminées ;

 

2° Les autres documents administratifs dont la consultation ou la communication porterait atteinte :

 

a) Au secret des délibérations du Gouvernement et des autorités responsables relevant du pouvoir exécutif ;

 

b) Au secret de la défense nationale ;

 

c) A la conduite de la politique extérieure de la France ;

 

d) A la sûreté de l'Etat, à la sécurité publique ou à la sécurité des personnes ;

 

e) A la monnaie et au crédit public ;

 

f) Au déroulement des procédures engagées devant les juridictions ou d'opérations préliminaires à de telles procédures, sauf autorisation donnée par l'autorité compétente ;

 

g) A la recherche, par les services compétents, des infractions fiscales et douanières ;

 

h) Ou, sous réserve de l'article L. 124-4 du code de l'environnement, aux autres secrets protégés par la loi ;

 

II.-Ne sont communicables qu'à l'intéressé les documents administratifs :

 

-dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée, au secret médical et au secret en matière commerciale et industrielle ;

 

-portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable ;

 

-faisant apparaître le comportement d'une personne, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice.

 

Les informations à caractère médical sont communiquées à l'intéressé, selon son choix, directement ou par l'intermédiaire d'un médecin qu'il désigne à cet effet, dans le respect des dispositions de l'article L. 1111-7 du code de la santé publique.

 

III.-Lorsque la demande porte sur un document comportant des mentions qui ne sont pas communicables en application du présent article mais qu'il est possible d'occulter ou de disjoindre, le document est communiqué au demandeur après occultation ou disjonction de ces mentions.

 

Les documents administratifs non communicables au sens du présent chapitre deviennent consultables au terme des délais et dans les conditions fixés par les articles L. 213-1 et L. 213-2 du code du patrimoine. Avant l'expiration de ces délais et par dérogation aux dispositions du présent article, la consultation de ces documents peut être autorisée dans les conditions prévues par l'article L. 213-3 du même code.

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