3 octobre 2016

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La GPA, ou comment rendre juridiquement disponibles les corps des êtres humains par l’élimination de la question

par Marie-Anne Frison-Roche

Ce working paper sert de support à un article publié dans l'ouvrage La réalité de la non patrimonialité du corps humain. Approche internationale, paru en janvier 2017 aux Éditions Bruylant.

Le système juridique a posé sur le principe premier de la dignité de la personne humaine le principe secondaire de l'indisponibilité du corps de celle-ci, puisque disposer du corps humain permet d'une façon transitive de disposer de la personne comme l'on ferait d'une chose. Dans la mesure où le Droit a posé la summa divisio entre la "personne" et les choses comme première protection des personnes, il s'oppose ainsi à la cession des personnes à travers ce qui serait la disponibilité de fait ou de droit de leur corps.

L'engendrement par des femmes fertiles d'un enfant à seule fin de le délivrer à des personnes qui ont conçu le projet de devenir les parents de celui-ci (Gestation pour autrui -GPA) bute sur les deux principes articulés de la dignité des deux personnes que sont la mère et l'enfant et de l'indisponibilité des corps de la femme et de l'enfant!footnote-653. C'est pourquoi les entreprises qui organisent cette industrie qui alimente ce commerce mondial développent un discours juridique visant à désincarner cette pratique non pas tant pour justifier cette mise à disposition des corps des femmes afin de livrer les bébés à ceux qui versent les honoraires aux intermédiaires afin de devenir parents mais plus radicalement pour que la question même de la disponibilité ou de l'indisponibilité des corps impliqués par la pratique de la GPA soit une question qui ne se pose pas.

Il est pourtant nécessaire de rappeler qu'il n'y a GPA qu'appuyée sur une réalité corporelle, celle de la grossesse (I). Pour passer sous silence cet usage du corps de la femme, la GPA est présentée par ceux à qui cela rapporte comme un "don", cette qualification non-patrimoniale de ce qui est cédé, don pur de bonheur, permettant de rendre juridiquement licite l'usage du corps et la cession de l'enfant (II).  La filiation est alors promue comme issue de la seule volonté et de la seule affection, qui fait naître l'enfant!footnote-654, l'effacement des corps permettant de mieux en disposer dans un marché mondial hautement profitable. Un Droit qui se scinde ainsi de la réalité corporelle devient proprement délirant.

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Ne sera pas abordée ici le discours plus franc d'entreprises qui offre la prestation d'engendrement d'un enfant, dont celui-ci n'est plus la finalité mais dont il est lui-même un moyen pour obtenir par exemple l'accès à la nationalité ou un moyen de placer ses biens. La presse économique et financière a fait état de l'usage de la GPA comme technique financière (2016). La femme est un moyen et non une fin ; l'enfant le devient également. La GPA étant souvent présentée comme la concrétisation du "droit d'être parents", les sites affirmant expressément que chacun "a droit à l'amour d'un enfant", l'on peut se demander si l'enfant n'est pas effectivement un pur moyen, comme l'est sa mère.

I. LA RÉALITÉ PHYSIQUE DE LA GROSSESSE AU BÉNÉFICE D'AUTRUI AVEC REMISE DE L'ENFANT A SA NAISSANCE

La GPA permet à des personnes qui en ont le désir d'avoir un enfant correspondant à celui-ci. L'accord suppose donc d'une façon consubstantielle une grossesse. Sans grossesse, pas de nouveau-né remis. De l'usage du corps de la mère-porteuse, vient au monde un enfant, lui-même indissociable de son corps, qui sera remis à ceux qui ont voulu sa naissance.

Le phénomène de grossesse est créatrice de liens entre cette femme et cet enfant. Ce sont des liens physiques, qui affectent d'une façon définitive et elle et lui. Ce lien de communication définitive entre deux corps, entre la femme qui porte et l'enfant porté, a pour nom la maternité (A). La question majeure aujourd'hui posée est de savoir si le Droit serait à ce point tout puissant par rapport au réel pour en disposer. La première façon dont les instruments juridiques ont été utilisés pour asseoir juridiquement la pratique de la GPA est l'engagement contractuel (B). Par celui-ci, la femme dispose de son corps, puisqu'elle l'efface d'un rapport de maternité dont elle disparait par une clause ad hoc.

 

A. LA CENTRALITÉ DE LA GROSSESSE, CRÉATRICE DE LIENS PHYSIQUES DÉFINITIFS ENTRE LA MÈRE ET L'ENFANT

La grossesse est un fait qui crée un lien physique, définitif entre le corps de la femme et le corps de l'enfant, appelé "maternité". Le Droit a jusqu'ici repris ce fait dans son Ordre normatif (1), en posant que la mère est la femme du ventre duquel l'enfant sort. Ainsi la femme ne dispose pas de son corps puisque l'enfant qui en sort lui est rattaché, qu'elle le veuille ou non!footnote-643. De la même façon, le principe de non-disponibilité du corps humain implique que les corps des personnes en vie ne peuvent être cédés, la cause finale de la GPA étant la cession de l'enfant engendré à seule fin d'être délivré à ceux qui ont désiré sa venue, ce à quoi s'oppose la distinction entre les personnes et les choses (2). Mais plutôt que de se battre sur ce terrain de l'indisponibilité des personnes, qui ramène toujours vers le fait de la grossesse et de la maternité et de proposer le renversement du principe en allant vers la licéité de la GPA au nom de la liberté des femmes à disposer totalement de leur corps y compris comme fabrique à enfants pour autrui, certains affirment que la GPA, qui suppose encore le recours à une femme, n'est qu'un pis-aller d'une société insuffisamment technologique, l'avenir s'annonçant meilleur et plus libre puisque l'utérus artificiel libérerait enfin la satisfaction du désir d'enfant de ces tracas de l'indisponibilité du corps, et plus particulièrement de cette dépendance à l'égard d'une femme-tierce  (3).

 

1. Le fait de grossesse, créateur d'un lien définitif physique et juridique entre corps de la femme et corps de l'enfant : la maternité

Les personnes favorables à la pratique de la GPA et souhaitant que celle-ci soit reconnue comme licite par le Droit affirment que le temps des "arrangements" dans lesquelles la femme qui porte l'enfant promis était également ceux dont l'ovocyte utilisé pour engendrer l'enfant était aussi selon de la mère portant l'enfant, est presque révolu. Il est désormais courant d'implanter dans le corps de la femme un ovocyte d'une femme tierce, ovocyte déjà fécondé. Ainsi, au sens dit "biologique", elle ne serait plus "mère-porteuse", mais simplement "porteuse". Ainsi, elle ne "remettrait" pas l'enfant à la naissance, elle le "rendrait" aux véritables parents de celui-ci, la donneuse d'ovocyte et le donneur de sperme, les "parents biologiques" ; elle serait un tiers par rapport à un lien de maternité dans lequel elle n'a jamais eu part.

La "porteuse", portant l'enfant comme l'on portait l'eau ou le pain, aurait donc un corps demeurant toujours intact, l'enfant n'ayant fait qu'"habiter" en son sein, la femme étant une sorte de "nourrice pré-natale", à laquelle il convient que l'enfant demeure attaché par la suite, dans une GPA qui deviendrait "éthique" par ce souci. Cette présentation d'une sorte de garderie pré-natale où la femme serait tierce et n'est donc jamais la mère, le Droit n'ayant ainsi pas à prétendre  la définir comme telle, le Droit présenté comme retardant, par ignorance ou par esprit "naturaliste" ou réactionnaire par rapport aux progrès techniques d'implantation des ovocytes, alors qu'il devrait pragmatiquement reconnaitre le fait que les promoteurs de la GPA appellent "de porter l'enfant d'une autre".

C'est méconnaître à dessein les faits corporels. Les biologistes soulignent qu'indépendamment des gamètes la femme et l'enfant développent notamment par épigénétique des liens, la femme transmettant à l'enfant des cellules et des informations, tandis que l'enfant le lui transmet de la même façon des cellules et des informations.

Ainsi, comme l'avait souligné l'arrêt d'Assemblée plénière du 31 mai 1991 qui considéra l'accord de mère-porteuse comme atteint de nullité absolue le corps de la femme est définitivement affecté par la grossesse. Le corps est mis en danger, ce qui fait dire à un auteur que l'on passe d'un "corps-marché" à un "corps-zone de guerre". Mais les observateurs libéraux estiment que cela vaut pour bien des activités humains licites, le Droit n'y mettant pas obstacle dès l'instant que celui dont le corps est affecté y consent. Le parallèle est alors fait entre la femme qui "loue son ventre" et l'ouvrier qui "loue ses bras", la permission juridique pour le second devant valoir pour la première, comme l'affirma à plusieurs reprise d'une façon marquante Pierre Bergé., les deux devant être rattachés au même principe de liberté.

Mais ce n'est pas du seul corps de la femme dont il s'agit ici. Le corps de la femme développe avec l'enfant un lien physique de maternité, même si l'ovocyte a été prélevé sur une autre, lien autonome d'une éventuelle implantation d'ovocyte. Or, l'ouvrier dont le corps est affecté par le travail n'est pas nié dans son existence de travail et ne développe pas un lien définitif avec un autre être humain. Dans la GPA, pour que la pratique soit juridiquement tolérable, la qualité de mère de la femme doit être niée par les promoteurs. Ils s'y emploient.

 

2. La cause substantielle de l'accord : la cession de l'enfant, engendré à cette fin, à ceux qui ont désiré sa venue

L'accord de GPA a pour cause la remise de l'enfant à ceux qui ont désiré sa venue. Quelle que soit la forme que prend l'accord, la cause finale en est toujours cette remise. Or, la cession d'une personne est impossible en Droit. Même si le détachement d'un produit ou d'un organe d'un corps humain a rendu plus difficile la question de l'indisponibilité du corps par rapport au principe de l'indisponibilité de la personne, il demeure qu'en droit la personne demeure indissociable de son corps et que, la personne ne pouvant être cédée, même à titre gracieux, un enfant ne peut être engendré à seule fin d'être cédé. Cela a été posé par les juges, non seulement l'arrêt précité de la Cour de cassation du 31 mars 1991, mais encore l'arrêt du Tribunal fédéral suisse du 14 septembre 2015 affirmant que l'enfant ne peut juridiquement être traité comme une "matière première", c'est-à-dire sa personne réduite à son corps.Le premier droit fondamental de l'enfant, c'est de n'être pas réduit à cela.

Pour que l'organisation internationale des cessions ne bute pas sur cette règle constitutionnelle, il a été alors affirmé que la technique juridique de la GPA devait se concevoir sur le modèle du "don d'organe". La question est alors déplacée, l'essentiel devenant de veiller à la gratuité du geste, cette gratuité - gage de l'altruisme de la cession - suffisant à garantir la licéité, voire l'opportunité du mécanisme même (apporter la vie et le bonheur au couple recevoir). Mais prétendre appliquer à l'enfant le régime juridique propre aux organes revient à dégrader l'enfant à n'être qu'un organe. Cette analogie technique et conceptuelle a été dénoncée par l'arrêt précité du Tribunal fédéral suisse du 14 septembre 2015. 

On mesure que la GPA tant qu'elle dépend du fait corporel de la grossesse ne peut être conçue par le Droit comme licite tant que celui-ci accorde de la valeur au principe d'indisponibilité du corps de la mère et de l'enfant. C'est pourquoi l'idée est née de supprimer ce fait-là. 

 

3. La GPA, présentation comme une solution artisanale, palier vers un engendrement mécanique expression de la volonté pure de "naître parent"

En effet, il devient fréquent de lire que la GPA avec recours à une femme qui porte l'enfant n'est qu'une étape et que les difficultés éthiques inhérentes s'effaceront lorsque la technologie aura apporté la solution : l'utérus artificiel. Nouvelle application de la pensée de Jean Bernard selon lequel les problèmes éthiques posés par des nouveautés techniques sont résolus ultérieurement par un progrès lui-même technique, le droit n'ayant qu'à faire endurer l'avènement de ce second temps. 

Il est certain que l'élimination de la question de l'indisponibilité du corps de la femme est opérée par l'élimination du corps de la femme dans le processus d'engendrement. L'enfant serait donc engendré par un pur rapport de "désir" et de "projet", le matériel génétique étant placé dans une machine, un environnement favorable et personnalisé permettant de produire l'enfant concret correspondant au projet que l'on a eu de lui. Le corps de l'enfant est d'abord conçu par design, voire augmenté, avant d'être engendré, son temps d'incubation s'opérant au mieux ses parents lui parlant, tandis que des machines l'environnent de sons et de parfums qui l'éduquent dans ce qui est déjà sa famille. 

Sans s'attarder sur les difficultés techniques d'un tel projet, arrêtons-nous un instant sur sa correspondante avec le monde post-industriel décrit par Günther Anders par le terme de "machines désirantes" et sur le fait que l'engendrement sans corps aboutit à un premier temps à un monde sans mère - la "parentalité" étant un terme abstrait et neutre pour nier la spécificité corporelle de la femme quand elle est maternante - , pouvant aller vers un possible monde sans femme. 

Ce monde de l'engendrement sans le corps des femmes - nous conduisant donc à penser l'engendrement et la filiation sans avoir à penser la question de la disponibilité ou de l'indisponibilité du corps de la femme - sera ainsi un monde du pur désir de l'enfant, ce pur désir d'enfant devenu apte à faire advenir l'enfant.

L'espace du pur désir, dès l'instant que la technologie le sert et que des machines le concrétisent sans heurter des personnes, c'est le modèle du marché, espace du "pur désir" sur lequel des adultes ayant un désir d'enfant en formulent le projet, des constructeurs de machines les fournissant contre de l'argent pour que l'objet du projet conçu prenne forme : le bébé qui sort de l'incubateur au terme de 9 mois. Aucune personne n'est contrariée, l'enfant à naître, dessiné selon le projet, aimé selon les contours de celui-ci, croissant dans la machine qui l'alimente des soins des adultes qui projettent sur lui leur coparentalité, leur rapport bilatéral (par exemple leur nombre, ou leur rapport hétérosexuel ou homosexuel) étant indifférent à ce projet. Ce projet particulier d'une famille sur-mesure, le marché lui donne vie, contre les honoraires négociés au bénéfice des entreprises ayant créé le marché par l'offre.

Il est vrai que pour poser la question de l'indisponibilité du corps de la mère, encore faut-il que le corps d'une femme soit encore requis dans la pratique. S'il ne l'est plus, si l'industrie de l'humain fait croitre des enfants sur le modèle de Matrix, il faudra concevoir soit une impossibilité juridique de cette pratique en tant qu'elle constitue en outre une atteinte plus abstraite, comme une atteinte à l'Humanité ou à l'espèce humaine, perspectives tangibles mais qui nous fait sortir du seul sujet de l'atteinte à l'indisponibilité des corps des êtres humains, ou aller du côté du corps de l'enfant qui ne peut être une personne sans un rapport à sa mère, qu'une machine ne peut remplacer par mime via des algorithme et des données.

Sans évoquer davantage ces enfants qui ne sortiraient plus du corps d'une femme, hypothèse aujourd'hui favorisée comme solution pour se débarrasser de la question même de l'indisponibilité du corps des femmes, la solution jurdique actuelle, effectivement "artisanale", à laquelle on a recours est de nature contractuelle. 

 

B. LA LIBERTÉ CONTRACTUELLE A DISPOSER DE SOI

Le thème de la liberté de la personne à disposer de son corps a été repris en matière de GPA, expliquant que cette pratique trouve des partisans, notamment chez des féministes qui y voient une expression de la libération des femmes, si la défense collective ou le juge veille à l'équilibre des intérêts (1), tandis qu'une conception plus radicale pose que les personnes ne sont pas propriétaires de leurs corps et encore du corps de ce tiers qu'est l'enfant, l'ordre public se définissant comme ce qui met le holà à la puissance contractuelle des individus (2). 

 

1. L'engagement contractuel à disparaître

La pratique juridique de la  GPA prend la forme de contrats, dont des modèles-standards rédigés par des avocats d'affaires sont disponibles sur Internet. Pour que l'enfant soit juridiquement remis d'une façon sûre à ceux qui ont eu pour projet de le faire venir au monde, le contrat en premier lieu les désigne comme ses parents et en second lieu d'une façon corrélative mentionne de la part de la femme qui le porte qu'elle se désiste à son égard de tout lien de maternité. Son conjoint, qui est juridiquement le père de l'enfant, se désiste symétriquement de ses droits. La place est ainsi disponible dès la conception de l'enfant pour que les adultes cocontractants s'imposent de plano comme parents, et ce dès la grossesse, appelée le plus souvent gestation. 

Ce faisant la femme dispose par la force du contrat de son corps d'une façon totale puisqu'à la fois elle disparait comme mère, permettant à une autre personne de prendre cette place à l'égard de l'enfant. Cela peut être indispensable si par exemple cette première femme est la mère ou la sœur du père biologique de l'enfant car sinon le lien entre les deux se heurterait à la prohibition fondamentale de l'inceste. Cet interdit fondamental, qui ne consiste pas dans la prohibition de relations sexuelles mais dans la prohibition d'engendrement perturbant l'organisation sociétale des lignées!footnote-645, ne peut être surmonté que si la femme efface contractuellement le fait du lien de sa maternité, ce que sa volonté contractuelle qui vaut loi particulière opère.

Elle le fait d'autant plus efficacement que, les parties étant les maîtres du contrat, ils peuvent prendre distance par rapport au fait, et notamment par rapport au corps de la femme!footnote-646. C'est ce qui fût fait par l'usage du terme même de "gestation". La "gestation" est un terme non pas nouveau mais déplacé!footnote-647. La gestation est le mot utilisé pour les animaux, tandis que les femmes vivent une grossesse. L'idée véhiculée par l'usage de ce vocable est que les animaux ne développent pas d'affection pour le petit pendant la gestation et que l'affection de la mère pour l'enfant pendant ce temps de la grossesse n'est pas d'origine biologique mais "sociale". Dès lors, seule le "parent social" serait le "vrai parent".

Dès lors, puisque l'amour maternel avant l'accouchement n'existerait  pour les femmes que d'une façon sociale, il serait possible de dissocier la fonction mécanique de "gestation", la porteuse étant comme un animal indifférent à l'être qui se développe dans son organe qu'est l'utérus,tandis qu'en tant qu'elle est une personne, elle aimerait d'une "façon plénière" les enfants dont elle a déjà accouché car elle les a "investis" de son amour maternel, lequel n'existerait que socialement. Ainsi, son corps ne créerait, ne secréterait, que de la gestation, tandis que son être social créerait de l'amour maternel lequel élèverait la gestation au rang de grossesse.  L'on comprend mieux qu’Élisabeth Badinter affirme dans le même temps que l'amour maternel n'existe pas et que la GPA est une innovation à promouvoir...

La femme est alors réduite à un corps reproducteur, désinvestissant et produisant contractuellement un "déni de grossesse", phénomène physique constaté dans la pratique de la GPA. Il y aurait d'une côté la "mère sociale" qui n'a pas de corps reproducteur - et joue un rôle plénier puisque c'est l'amour qui fait l'enfant -, tandis que la femme dont le corps porte l'enfant est dissociée de son corps, ce qui le rend disponible, puisqu'elle ne le porte plus comme être social mais comme "gestatrice". 

Pour faire admettre cela par le contrat au nom de la libre disponibilité que la femme a de son corps, il faut d'abord avoir dégradé celui-ci à sa seule fonction d'engendrement et dissocié la maternité entre le lien d'amour - qui serait la maternité véritable, en cela identique à la paternité, les deux devenant dissolubles  dans une parentalité dont maternité et paternité ne sont que les deux faces - et l'engendrement mécanique de l'enfant par une femme en distance par rapport à son propre corps. 

Mais l'engendrement n'est pas qu'une affaire de vie privée et le Droit n'a pas la puissance de dissocier les êtres humains de leurs corps, conception délirante de la libre disposition de son corps. Le droit de la filiation est une institution publique, qui stabilise le groupe social dans ses liens verticaux. Et ce que le droit américain a admis, la Cour européenne des Droits de l'Homme l'a récusé.

 

2. L'ordre public, obstacle à la puissance totale de la personne à disposer de son propre corps en s'en dissociant, et à disposer du corps de l'enfant, en le cédant

Tout d'abord, une personne ne peut disposer de son corps pour produire une filiation entre un enfant et une femme qui n'a pas accouché de celui-ci. La CEDH maintien la liberté des États de prohiber cette attitude. En effet, la GPA consiste non seulement à délivrer l'enfant à la naissance mais encore un lien de filiation entre celui-ci et ceux qui ont voulu sa venue au monde.

Dans des systèmes juridiques marchands, ce lien de filiation ne pose pas de difficulté et peut même être attribué par avance par une juridiction, comme en Californie, mais en France ou en Allemagne, la filiation étant considérée non comme une affaire de vie privée mais comme une institution publique, l'établissement d'un tel lien de filiation entre l'enfant et ses commanditaires est prohibé. 

La prohibition de la GPA demeure dans les pays de droit continentaux, tandis qu'elle a été levée dans des systèmes où l'on considère que la loi du désir et le consentement doivent être les principes, y compris lorsque la femme qui accouche est la mère ou la sœur du père biologique. 

Si la CEDH dans deux arrêts de section a condamné la France par deux arrêts de section du 26 juin 2014, dans les cas Mennesson et Labassée, la même question devant être tranchée en Grande Chambre dans le cas Paradiso c/ Italie, c'est pour n'avoir pas transcrit à l'état civil national un lien de filiation entre l'enfant et son père biologique.  Cette hypothèse a été reprise à l'identique par les deux arrêts rendus par l'Assemblée plénière le 3 juillet 2015.

C'est donc le lien entre les corps qui fait la preuve de la filiation, preuve dont les mentions reproduites sur l'état civil font foi. Ni la CEDH ni la Cour de cassation ne se détachent du substrat corporel de la filiation, rejetant une filiation par pure  volonté, affection ou désir, filiation désincarnée telle que le droit américain la conçoit.

Dès l'instant que cette sécession entre le corps et la filiation ne s'opère pas, parce que la personne ne peut disposer de son corps en effaçant contractuellement le lien physique de maternité qui est noué par la grossesse, les difficultés juridiques commencent pour les professionnels de la GPA. C'est pourquoi, pour se débarrasser des corps des femmes, des affirmations juridiques ont été forgées pour atteindre une qualification non-patrimoniale et que plus aucune reddition des comptes ne soit attachée à cette industrie et ce commerce mondiaux de la fabrication des enfants par des femmes de fait disponibles.

 

II. FAIRE EN SORTE QUE LA QUESTION MÊME DU CORPS DE LA FEMME NE SE POSE PLUS : LA QUALIFICATION NON-PATRIMONIALE DE LA CESSION AFIN LA RENDRE JURIDIQUEMENT LICITE

A cette désincarnation de la grossesse précédemment décrite, qui élimine la question de la patrimonialité ou non-patrimonialité du corps, puisque le corps de la femme n'est plus présent dans la situation juridique, s'articule en second rang l'argumentation du don.

En effet et comme il est très difficile de soutenir que l'enfant vient par magie, - ce qui est pourtant souvent affirmé par ceux qui le reçoivent, racontant par exemple que l enfant a été apporté par "dame nature" ou une "fée bleue"-, la façon de lever l'obstacle de la non-patrimonialité du corps de la femme et de l'enfant est d'y superposer la notion de "don" : don de "gestation", don de "féminité", don de "bonheur" (A). L'argent qui circule entre les uns et les autres n'affecterait pas la générosité de principe (B).

 

A. L'AFFIRMATION D'UN "DON" DÉSINCARNÉ, ÔTANT LE VENIN DE L'ARGENT ET LE VENIN DU CORPOREL

La GPA est présentée comme licite en soi, mais donnant lieu à des dérives, la solution étant de la garder dans son nature, à savoir un "don", la GPA étant d'une façon consubstantielle "altruiste" (1).

 

1. La GPA, présentée comme un "don", consubstantiellement "altruiste"

Pour être admissible en droit et ne pas venir buter sur le corps comme objet du commerce juridique, ce qui constituerait une atteinte à la dignité de la personne, les entreprises présentent la GPA comme un "don", un élan qui vient des femmes elles-mêmes. C'est pour cela que les agences britanniques ou américaines insistent sur le fait que leurs porteuses choisissent elles-mêmes les bénéficiaires de leur geste d'offrande : le don devant toujours venir de celui qui se dépouille. Les intermédiaires prennent soin d'imputer ainsi le dépouillement à la mère-porteuse, qui serait à l'origine de la pratique, les clients de l'agence n'en étant plus que les heureux bénéficiaires, les intermédiaires n'apparaissant pas dans le "don magnifique" qui s'opère à l'initiative de la femme, qui le raconte ensuite dans les médias.

Par cette  rhétorique du "don", la question même de la patrimonialité ou non-patrimonialité est évacuée, façon radicale de la résoudre. La femme a fait un don, et reçoit en cela la reconnaissance de tous. Voilà sa récompense. Les entreprise de la GPA insistent sur cette reconnaissance que les clients expriment, mais plus encore le quartier admiratif, ou la communauté religieuse à laquelle la femme appartient, y voyant par exemple une nouvelle expression de la Vierge Marie, rendue apte à engendrer sans relation sexuelle et offrant l'enfant pour le bonheur des autres. Esprit de don et esprit de sacrifice font bien ensemble, présentés comme le propre de la femme, tout en douceur et en désintéressement, les références religieuses souvent faites étant un autre façon d'éloigner le Droit, rappelé dans son ordre laïque à ne pas interférer à des sources si anciennes, respectables, privées et profondes.

La GPA est donc présentée comme un "don magnifique", intrinsèquement altruiste, dont l'initiative revient à une femme qui, ayant connu les joies de la maternité et découvrant que d'autres n'y ont pas accès, décide par elle-même d'en faire profiter autrui car cela ne lui coute pas - on ajoute même parfois que l'état de grossesse lui cause un grand plaisir alors que l'enfant qui en résulte ne l'intéresse pas, dissociation que lui permet la GPA, argument avancé par Élisabeth Badinter -. La relation est donc privée, comme l'on fait l’aumône à des pauvres, la femme riche de sa fertilité et émue du malheur d'autrui offre sa fertilité à des pauvres qu'elle choisit. Et de s'étonner que les religions n'accueillent pas l'arrangement, puisque c'est un comportement si classique chez les dames patronnesses...

 

2. La GPA, présentée comme un "don" dont l'objet n'est pas corporel mais immatériel et essentiellement affectif

Plus encore, ce qu'offre la femme, il faut que cela ne soit pas son corps. Car le temps des sacrifices humains est passé, même si c'est à initiative de la victime sacrificielle. En outre le Droit pénal rappelle que le consentement de la victime n'est pas un fait justificatif et qu'on ne peut offrir son corps, en détacher les ovocytes, s'exposer aux risques d'une grossesse, pour faire le bonheur d'autrui. Le Droit pénal n'a jamais intégré le consentement comme justification ; c'est le droit du marché concurrentiel qui fait du consentement son principe de fonctionnement!footnote-638.

Dès l'instant que le corps de la femme apparaît, le Droit qui protège la femme apparait en obstacle. Il faut donc faire disparaître le corps. Pour y parvenir, les entreprises ont développé une rhétorique consistant à masquer celui-ci par la transparence du sentiment!footnote-651. Jean-Pierre Baud montra que le Droit romain, puis le Droit romaniste l'avaient fait par détestation du corps!footnote-639, les entreprises utilisent aujourd'hui l'approche de Common Law, notamment la casuistique et la balance des intérêts dans un but autre, voire inverse, à savoir masquer le corps non plus pour le tenir à distance mais pour mieux s'en emparer.

Ainsi, le prélèvement, parfois massif, des ovocytes, est appelée "don de féminité" et présenté comme appartenant à la même catégorie des "dons de matériel génétique" auxquels appartiennent les dons de sperme, gamètes des uns et gamètes des autres. Or, les ovocytes des femmes, dont les transferts procurent des chiffres d'affaires très important pour les entreprises qui prélèvent et offrent aux personnes qui en ont un "besoin", ne sont pas des "produits" du corps humain, et leur prélèvement est une opération chirurgicale.

La construction d'un vocabulaire juridique englobant et abstrait, la "féminité" étant une construction, vocabulaire qui masque ces réalités physiques distinctes voire opposées empêchent les juges et les Parlements d'attacher par la suite des régimes juridiques différents, par exemple sur le don de sperme (renouvelable dont l'obtention ne met pas en danger le donneur) et le don d'ovocyte (non-renouvelable dont l'obtention est une opération qui peut mettre en danger la donneuse).

Plus encore, ce qui est "donné" dans la GPA  serait le "bonheur". La sagesse du Droit est de rester à distance des reins et des cœurs, de ne pas les "connaître"!footnote-652 : le Droit se garde de se saisir du "bonheur"!footnote-640. Les sentiments, surtout les "bons sentiments" sont des masques dont le Droit ne veut pas se parer, posant ainsi que le mariage est une institution à laquelle les individus par l'expression de leurs volontés qui s'échangent et non pas la consécration d'un lien d'amour.

Pour que la question de la disponibilité des corps de la femme et de l'enfant ne se pose pas, il est affirmé que ce que donne la femme, ce n'est ni son corps ni celui de l'enfant mais le bonheur d'être parent. Les entreprises insistent sur le lien affectif existant entre la "porteuse" et les "parents", lien existant avant et après la naissance, faisant des parties comme des frères et sœurs. Comme le dit un père dont la sœur a porté l'enfant, "voilà une GPA vraiment altruiste", c'est-à-dire construite sur une affection véritable. Ainsi le don est immatériel : le bonheur serait l'objet du don.

On mesure à quel point ce discours qui permet de présenter l'inceste comme la GPA la plus altruiste est une façon de recouvrer par l'immatérialité le corps tout entier. Il va en être de même pour l'argent.

 

B. LE "DON", DEMEURANT INTACT MALGRÉ LES CONTREPARTIES  ET LES PARTIES PRENANTES

Si la GPA s'est tant développée, c'est qu'elle engendre un chiffre d'affaires considérable et en explosion, les milliards de dollars, de livres sterling et d'euros s'accumulant. L'avenir serait radieux puisque la matière première est illimitée. Seul le Droit bloque, il est donc l'obstacle à détruire. S'il est détruit, la voie sera libre, et les enfants seront fabriqués sans entrave pour satisfaire une demande que les entreprises ont elles-mêmes construite, le "désir d'enfant" étant transformé en "besoin d'enfant" puis en "droit à l'enfant". La matière première est donc fabriquée au fur et à mesure que s'élabore un marché construit par l'offre.  Pour asseoir celui-ci, il est impératif de disqualifier par la technique juridique cet argent qui est si visible. Cela fût opéré de deux façons, en premier lieu en disqualifiant le prix en "compensation financière" en ce qui concerne la mère (1), en second lieu en disqualifiant les honoraires des intermédiaires en paiements de droits d'entrée dans des associations (2).

 

1. La disqualification de l'argent de "prix" en  "compensation financière", voire en "preuve de reconnaissance"

Comment éliminer la question de la disponibilité des corps de la mère et de l'enfant grâce à la qualification du "don", alors qu'il y a de l'argent versé à la mère ? Cela devient assez acrobatique et a été opéré de deux façons, qui sont toutes deux "régressives".

En premier lieu, la "GPA éthique" n'admet pas un "prix" qui révèlerait la vente d'enfant et une marchandisation du corps de la femme, ce sur quoi les entreprises affirment être tout à fait opposées. Mais, ne pouvant nier toute réalité, les promoteurs de la GPA admettent pourtant que "toute peine justifie une compensation". Puis considèrent qu'une "gestation" est une période qui entrave la femme, la prive de certaines facultés, la fait un peu souffrir, et qu'il faut donc qu'elle soit "compensée". Qu'elle soit compensée par de l'argent. La différence entre cette "compensation financière" et un prix est qu'un tiers veillerait à ce que le montant versé n'excède pas un certain plafond , afin que la "porteuse" ne fasse pas de profit au-delà de la compensation de la peine qu'elle a prise d'engendrer l'enfant pour apporter le bonheur de la parentalité à ceux dont elle a souci. C'est le juge qui veille à cette différence imposée entre la compensation financière et le prix, la première étant d'un montant moins élevé que le second.

Sans même aller dans les réalités des cas britanniques, les économistes savent qu'une telle différentes n'existe pas. Le "don" entraîne donc un "contre-don", caché ou non, qu'est l'argent donné par ceux qui souhaitent l'engendrement d'un enfant qui leur sera rattaché comme étant le leur. Le don et le contre-don, chacun sait qu'il s'agit de la définition archaïque de l'échange marchand.

Cette présentation archaïque est aujourd'hui utilisé puisqu'il est affirmé que l'argent est donné à la "porteuse" et en abondance comme signe de "reconnaissance" pour tout le bonheur qu'elle procure ainsi à cette nouvelle famille qui s'est constituée grâce à elle. L'argent ne dénaturerait pas l'altruisme, au contraire elle validerait cette relation désintéressée et altruiste, l'argent n'étant là que pour "renforcer l'amitié".

Alain Supiot a montré que la violence économique prend aujourd'hui la forme de reféodalisation des rapports économiques et sociaux!footnote-641.L'exemple est ici particulièrement net, puisque l'argent versé n'accède même plus au statut moderne de "prix", rétrogradé à celui de "cadeau de reconnaissance", ce qui exclut tout contrôle juridique. Des associations féministes et des économistes ont protesté en affirmant que, tant qu'à avoir des corps à vendre, il convient qu'ils le soient au "juste prix" pour leur titulaire, ici les femmes utilisées pour faire naître les enfants convoités. Pour elles, " l''altruisme serait le "dernier stade de l'exploitation économique des femmes".

 

2. La disqualification de l'argent via le droit des associations

Mais l'argent n'arrive pas principalement au bénéfice des mères, ce qui déclenche des protestations de la part des associations féministes, celles-ci se partageant entre celles qui récusent radicalement la mise en esclavage des femmes et celles qui demandent à ce que les femmes soient mieux rémunérés dans ce nouveau commerce (thème de la "justice reproductive"!footnote-642).  L'argent afflue sur ceux qui ont construit l'industrie et le commerce de l'humain : les entreprises.

Se déployant dans le numérique, elles prennent la part du lion. Pour échapper au contrôle juridique, elles adoptent le plus souvent la forme d'association à but non-lucratif, ayant pour objet la lutte contre l'infertilité et la mise en contact des personnes qui peuvent grâce à elles simplement s'échanger des informations. Tout vocabulaire marchand est banni. Des rencontres sont organisées dans des grands hôtels, à Londres, à Bruxelles, à Paris, etc. Pour pouvoir y accéder, les personnes qui souffrent de n'avoir pas d'enfant, victimes en second niveau de ces entreprises, doivent payer un "droit d'entrée", leur permettant d'entrer dans ces cercles d'échanges et de discussions. Se prévalant à la fois de la liberté d'expression et du caractère caritatif de leur objet et de leur forme, les entreprises en question prétendent n'avoir aucun contact avec l'argent, n'ayant en souci que le bonheur de l'humanité. 

L'usage du droit des associations a montré ses limites dans bien des domaines, par exemple le sport, dans lequel le droit de l'Union européenne a dû rappeler que les sportifs ne sont pas des actifs cessibles mais des personnes. Là encore, des requalifications sur la véritable organisation économique est requise, Londres étant la première place mondiale d'un commerce global de type triangulaire entre la population des pays pauvres (matière première) et la population des pays moins pauvres (consommateur). Les parlementaires britanniques, choqués de constater que les britanniques sont les premiers à recourir à la GPA à l'étranger alors qu'ils disposent de la GPA éthique à domicile, ont proposé de modifier la loi anglaise pour y intégrer la "GPA commerciale", afin que les femmes qui mettent à disposition leur corps y soient mieux payées et que l'offre s'ajuste à la demande.

Rien ne serait plus juste que le Marché.

 

 

Conclusion. LA DÉSARTICULATION ENTRE L'INCARNATION RÉELLE ET UN DROIT PUR DISCOURS DÉLIRANT

La sagesse du Droit est de poser sa limite dans la prise en considération de la réalité physique du monde. C'est ce qu'Antigone rappelle à Créon, en affirmant que les cadavres doivent être enterrés. Les intérêts économiques de la GPA sont si considérables que cette sagesse du Droit dans son lien avec la réalité physique pourrait être submergé par tant de contournements mis en place afin que les corps deviennent de la matière première, machines à produire de la richesse à l'infini.

Pour cela, les entreprises font passer un discours qui détache complètement la maternité, l'engendrement et la filiation des corps. En effet, maternité, engendrement et filiation n'auraient plus aucun rapport avec les corps : l'enfant aurait pour seule origine l'amour que l'on a par avance pour lui, enfant né du seul projet que l'on a de lui.

Le corps duquel il sort pourrait n'être plus rien, dès l'instant que la femme n'engagerait contractuellement à n'avoir pas d'amour pour lui, renoncement atroce qui justifie une compensation financière. Il aurait alors toujours été le seul enfant de ceux qui l'ont désiré : ses "parents d'intention". Si l'on admet cela, la femme dont il est né n'est plus rien, simple "incubateur".

Si les entreprises parviennent à convaincre les juridictions ou les Parlements de cela, alors les femmes vont leur être entièrement disponibles, machines à produire ce nouvel or noir qu'est l'enfant, .

Pour cela, il faut mais il suffit que la question de la disponibilité ou de la non-disponibilité du corps de la mère et de l'enfant non pas soit résolue (car alors le Droit les protégera toujours), mais ne se pose plus : or, par la sophistique décrite, le corps de la mère a disparu, le lien de maternité a disparu et l'enfant est rétroactivement noué à ceux qui ont payé les entreprises pour l'obtenir.

Dans un Droit qui n'aurait alors plus aucun rapport à la réalité, c'est-à-dire littéralement un droit délirant et inhumain, le nouveau marché servi par une réglementation propice à son développement sécurisé : le marché de l'humain.

 

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1

Par exemple si l'enfant est déclaré "né de mère inconnue".

2

Anders, G., Wir Eichmannsöhne, Beck'sche Verlagsbuchandhlung, 1998 ; trad. franç. Nous, fils d'Eichmann, trad. et préf. de S. Cornille et Ph. Ivernel. Éd. Payot-Rivages, 2003, p.53 et s.

3

Segalen, M.

4

Sur la GPA comme exemple le plus net de la distance entre le fait et le droit, v. Frison-Roche, M.-A., Face au fait des maternités de substitution, que peut faire le juge ?, 2016.

5

Abécassis, E. et Frison-Roche, M.-A., Les mots pour ne pas le dire, 2016.

6

Emission de France Culture, 2016.

7

Sur l'altruisme, comme preuve de l'esprit de bonté naturel de la femme,dévouée au bonheur des autres, v. la critique qu'en font les féministes, notamment l'Université des Femmes : Mères porteuses et GPA, Chronique Féministe, Janvier/Juin 2016.

8

Le "précédent" dans l'Ancien Testament visant HAgar, choisie comme "mère-porteuse" par  Esther et Abraham. Cela permet de se prévaloir à la fois de l'autorité des personnes dans ce cas et du fait que cela été déjà très "courant" il y a bien longtemps. L'association qui demande la légalisation de la pratique de la GPA en conclut qu'il est illégitime de la part du législateur français de le refuser, face à un tel précédent - dont on ne sait rien - et à un phénomène très courant - ce que l'on ne sait pas davantage.

10

Sur l'opacité de la transparence, ici celle du sentiment, v. Carbonnier, La transparence, 1993.

11

Les deux ouvrages fondamentaux de Jean-Pierre Baud sont L'histoire de la main volée. Histoire juridique du corps humain, 1993 ; Le droit de vie et de mort. Histoire de la bioéthique , 2001.

12

Le Droit ne connait pas les reins et les coeurs.

13

Frison-Roche, M.-A., Droit et Bonheur, 2010.

15

Ségalen, M., ....

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