Colloque organisé par l'Association Droit et Réseau
Le colloque s'est déroulé à la Maison du Barreau, à Paris.
Il résulte des contributions que l’art législatif est mis à rude épreuve par les échecs précédents des lois successives en la matière. En décidant de réinsérer l’urbanisme commercial dans le droit de l’urbanisme, la proposition de loi "Ollier" pose que le marché n’est qu’une composante de la ville, ce qui donne pouvoir premier aux maires et aux intercommunalités. Dans le silence de la loi, c’est pourtant des critères économiques que les maires manient et il n’est pas sûr que la Commission européenne approuve un tel dispositif. En outre, parce qu’il faut réguler la distribution, c’est peut-être le juge administratif qui le fera ex post.
Lire le rapport de synthèse ci-dessous.
Cette intervention servira de base à la rédaction d'un article, qui sera publié avec les autres contributions du colloque, dans un numéro spécial des Petites Affiches , en septembre 2011.
L'on pourrait placer ce rapport de synthèse sous la recherche si difficile en la matière d'un équilibre à la recherche duquel bute tout l'art législatif déployé depuis des décennies et à propos duquel le terme d'échec a été utilité par chacun.
Après avoir écouté les différents intervenants, il apparait que le changement de perspective de la proposition de loi Ollier , actuellement âprement discutée, relève de la "poupée". En effet, on change de contenant par rapport à ce qui était contenu. Dans la précédente perspective, le droit de l'urbanisme commercial d'une part, et le droit du marché d'autre part, étaient deux objets autonomes l'un de l'autre ; désormais, le législateur veut faire rentrer l'un dans l'autre et choisit politiquement celui qui sera le contenant, donc implique celui qui sera le maître, à savoir la ville, qui conduit le marché, ce qui conduit naturellement à la concentration des pouvoirs entre les mains des maires ou des intercommunalités. C'est revenir à la conception si traditionnelle comme quoi les marchés concrètes sont des places de villes, une part d'urbanisme, une part de la politique de la ville. Jean Carbonnier, voire Fernand Braudel, n'auraient pas dit autrement. Il n'est pas acquis que la Commission européenne conçoive le marché de cette façon-là.
Les orateurs ont bien montré que la conception assez abstraite d'un marché, voire une vision où se scindent les centres-villes et les périphéries, alors que la population désormais demeure là et que les centres sont constitués de bureaux, doivent être révisées pour partir d'une réalité fondamentalement internationale dans laquelle les choix d'investissement se font aussi en comparant les législations, leur caractère stable et compréhensible.
Un autre point saillant, qui est ressorti de l'ensemble des interventions, est l'art de l'ellipse.L'hypocrisie, l'art de masquer, furent évoqués, pour signifier que cette proposition de loi qui feint de ne plus se référer à des critères économiques pour satisfaire la Commission européenne, se contente simplement de les passer sous silence ou de les désigner d'une autre façon. Cet art de glisser sous le tapis ce qui mécontente le gardien de la concurrence est sans doute ce qui reste au législateur national.
Dans cet art de la feinte et de l'esquisse, c'est non seulement en réalité une considération directe de l'économie, mais plus encore un interventionnisme local qui se met techniquement en place. Tous les qualificatifs sont venus à la bouche des orateurs : planification, dirigisme, interventionnisme. Il n'est pas acquis que la Commission européenne laisse passer une telle écriture.
Nous retrouvons encore dans le commentaire entendu du texte proposé l'art du législateur de bien choisir des mots. Ils ne sont certes pas toujours très harmonieux, la "centralité urbaine" fait son apparition et les sigles sont légions. On ne peut guère les définir, mais c'est donc encore donner davantage de pouvoir à ce personnage central qu'est désormais le maire, puisque l'urbanisme commercial n'est plus, fondu dans l'urbanisme dont il est maître. Se pose alors la question du contrôle normatif d'un tel pouvoir, et c'est la figure du juge qui apparaît.
Enfin, dernier art et non des moindres dont on entendit les éclats dans l'ensemble des contributions : l'art de la guerre. Chacun sait que la distribution est un espace guerrier. Elle appartient à cette atmosphère là ex ante , sous la seule emprise de la loi, les consommateurs contre les distributeurs, les distributeurs contre les producteurs, les petits contre les gros, le centre contre la périphérie. Existe-t-il un maître de cette guère, maintenant que le législateur renonce à être le champion de l'un ou de l'autre, comme le fût par exemple la loi Royer, la loi Galland , voirer la loi Raffarin ? Cela semble être dans cette proposition de loi le maire, ce qui a la charge politique de construire le lien social qui se délite.
Mais ex post , comme cela fût montré, le juge intervient et, si le Conseil d'État le voulait, son contrôle pourrait être puissant à travers le droit de la concurrence, à travers une politique jurisprudentielle. Voudra-t-il entrer dans l'arène ? Le ferait-il directement ou en distribuant largement des droits d'action ?
Cela nous amène à une question ouverte : qui fait les équilibres en matière d'urbanisme commercial ? Est-ce l'affrontement des intérêts, selon le modèle concurrentiel, alors qu'on a vu les effets de capture et les défaillances de marché ? Est-ce le législateur, alors qu'on a constaté les effets pervers des lois successives et le jeu d'agents économiques très stratégiques ? Ne serait-ce pas le juge administratif, ce d'autant plus qu'il participe au processus de rédaction des décrets d'application, qui seront ici déterminants, la proposition de loi étant très brève ?
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