Un débat sur la GPA s'est déroulé le 14 décembre 2016 à la Chambre des Lords.
Y ont pris la parole des membres de cette institution pour que le Gouvernement anglais modifie la loi britannique, afin que les dernières limites à un marché prospère des femmes et des enfants sur le sol anglais disparaissent.
La loi britannique de 1985 est pourtant très favorable à la GPA. Mais cela ne semble pas suffire. Des membres de la Chambre des Lord, institution qui a aujourd'hui peu de pouvoirs et qui s'adresse ici au Gouvernement britannique, "pressent" celui-ci de changer le dispositif.
Contrairement à la loi française qui pose que la GPA est atteinte de nullité absolue parce que le corps des femmes est hors commerce et que l'on ne saurait faire naître un enfant à seule fin de le céder, même gratuitement, la loi britannique admet le principe de la GPA au bénéfice des couples dès l'instant qu'il s'agit d'une "GPA éthique", qualité qui serait obtenue du seul fait que la mère-porteuse reçoit une somme d'argent dont le montant est limité par la loi.
Les pairs de la Chambre des Lords, institution dont le rôle législatif est modeste par rapport à la Chambre des Communes mais qui ont une influence importante, ont eu un débat, dont la teneur est reproduite par la BBC.
Voilà les modifications demandées. Elles sont très importantes, puisqu'il s'agit de modifier la loi britannique pour que la mère n'ait plus aucun droit et, rétrogradée à être "porteuse", ne puisse plus prétendre qu'à de l'argent (I).
Plus précisément, la première modification du droit demandée concerne l'anéantissement du droit de la mère de garder son enfant à la naissance, en ne donnant pas son consentement au parental order . Il s'agit d'accroitre l'efficacité de celui-ci en insérant dans le droit britannique un parental order avant la naissance rattachant définitivement l'enfant à naître aux commanditaires, afin de parfaire l'élimination de la mère (A). La deuxième modification du droit consiste à ouvrir l'accès à la GPA à un ou une célibataire, en admettant donc qu'un enfant puisse naître d'une pure manifestation de volonté. Le parallèle est fait entre adoption et GPA, alors que les deux mécanismes sont inverses. (B).
Pour justifier un tel effacement de la mère, il faut une très forte raison : elle tient dans l'affirmation d'une sorte de "droit absolu à l'enfant" (II). S'il existe un droit de toute personne à devenir parent, alors effectivement une personne seule doit pouvoir utiliser une femme comme moyen pour obtenir l'enfant désiré. S'il n'y a pas assez de femmes disponibles, effectivement il faut accroître l'offre pour que celle-ci rencontre cette demande d'enfant. Des femmes, les lords n'en parlent pas. De l'insuffisance de l'offre domestique et du recours massif aux marchés étrangers, les lords n'en parlent pas. (A). Pour admettre cela, encore faut-il transformer la demande d'enfant en droit à l'enfant. C'est admettre que l'enfant est une chose. (B).
Lire ci-joint l'analyse détaillée.
I. MODIFIER LA LOI BRITANNIQUE POUR QUE LA MÈRE N'AIT PLUS AUCUN DROIT ET, RÉTROGRADÉE A ÊTRE "PORTEUSE", NE PUISSE PLUS PRÉTENDRE QU'A DE L'ARGENT
La première modification du droit demandée concernant l'anéantissement du droit de la mère de garder son enfant à la naissance. Il s'agit d'accroitre l'efficacité du dispositif légal du parental order, afin de parfaire l'élimination de la mère (A).
La deuxième modification du droit consiste à modifier une loi de 2008 qui réserve la GPA à des couples, puisque la GPA est qualifié de procréation médicalement assistée, ce qui est récusé par l'idée qu'un ou une célibataire a le droit de fonder une famille "comme tout le monde", actant ainsi qu'un enfant peut naître d'une pure manifestation de volonté (B).
A. La première modification du droit demandée concernant l'anéantissement du droit de la mère de garder son enfant à la naissance. Il s'agit d'accroitre l'efficacité du dispositif légal du parental order, afin de parfaire l'élimination de la mère.
Même si les contrats stipulent que la femme qui porte l'enfant n'est que la "porteuse", il demeure qu'elle est sa mère. C'est pourquoi si elle remet l'enfant à ceux qui l'ont commandé, tout va bien. L'enfant est alors déclaré par ceux-ci comme étant le leur. Mais si à la naissance la mère garde l'enfant, la force exécutoire du contrat ne peut contraindre la mère à abandonner son enfant, si elle ne veut pas le faire.
Cette force du lien entre la mère et l'enfant, que seul le "consentement" renouvelé de la mère à la naissance peut dénouer, est bien sûr une faiblesse pour tous les intermédiaires qui ont vendu très cher aux personnes qui veulent un enfant la perspective d'une filiation assurée. En effet, le consentement de la mère-porteuse doit encore être réitéré dans la procédure de parental order.
En effet, si à la naissance, la "porteuse" veut garder l'enfant, le Droit la reconnaît comme "mère" de l'enfant. Car l'enfant a pour mère la femme du ventre de laquelle il sort. C'est la définition juridique de la mère aussi bien en Grande-Bretagne qu'en France.
C'est pourquoi cette perspective d'une non-livraison d'enfant est présentée par des membres de la Chambre des Lords comme une "insécurité" dans le dispositif. La solution pour y remédier est toute trouvée : il faut mais il suffit d'emprunter au droit californien, c'est-à-dire de permettre l'établissement d'un lien de filiation entre les commanditaires de l'enfant. En effet, dans ce droit du tout-marché, les personnes qui ont commandé l'enfant peuvent se voir reconnaître un lien de filiation avant même la naissance par un acte judiciaire. La même chose est demandée ici, à savoir un parental order qui pourrait être délivré avant la naissance.
L'effet d'une telle attribution serait de briser par ricochet tout lien de filiation avec la mère-porteuse, qui ne serait donc plus mère, qui ne serait plus que "porteuse" et ne pourrait plus rien dire à la naissance, devrait laisser partir cet étranger qu'est son enfant.
C'est justement ce qui est demandé à une loi nouvelle : demander à ce que par avance et de par un acte judiciaire - le contrat ne le pouvant pas - tout lien soit brisé entre la mère et l'enfant.
Cela est présenté de nouveau sous la rhétorique de "l'enfant dans les limbes", puisque l'enfant est pris par les commanditaires alors que la mère revendique le lien de filiation qui l'unit à l'enfant. Voilà comment cela est présenté :
"Baroness Butler was among a number of peers who asked whether the government would review parental orders, which have caused controversy in recent years. During the debate, Lord Faulks drew attention to a case heard in the Family Division of the High Court last year, in which a surrogate refused to allow the biological parents to obtain a parental order... As a result, Lord Faulks said the children were left in 'legal limbo', with the surrogate still legally responsible despite the children now living with and being cared for by the biological parents.
As Lord Brown explained, the law governing surrogacy only allows for parental orders to be made after birth, and the surrogate must give their consent. As a consequence, he noted, this can cause difficulties if the surrogate refuses consent.
Some peers asked the government to investigate the possibility of legislating for pre-birth parental orders, which would be designed to give biological parents better rights when entering into a surrogacy agreement.".
C'est donc au nom de la sécurité juridique ("better rights") de ceux qui ont apporté le matériel biologique (comme si la mère qui porte l'enfant n'avait pas d'échange biologique avec celui-ci, comme si la grossesse n'existait pas), alors qu'en l'espèce c'est à sa mère qu'il convient de le rendre, l'enfant n'étant que de fait chez les commanditaires.
La contradiction avec le Droit est encore plus nette à propos du second point.
B. La seconde modification du droit demandé au Gouvernement britannique consiste à briser la disposition légale n'ouvrant la GPA qu'à des couples
La GPA est souvent présenté comme un mode de procréation médicalement assistée (on passe sous silence la femme qui est utilisée comme moyen ...), et l'on associa alors dans une sorte de séquence figée "PMA - GPA".
Dans ces conditions, l'on estime que c'est un couple qui demande l'accès à la GPA et la législation britannique a prévu dans une loi de 2008 qu'il faut un couple marié ou non qui demande à bénéficier de la GPA.
Les Lords ne présentent pas les choses ainsi.
En s'appuyant sur une décision de la Haute Cour du 27 mai 2016, il estiment que l'obtention du bénéfice de la GPA est un droit : qu'une personne seule est discriminée par rapport à un couple et que non seulement cela est injuste mais que cela est contraire au principe d'égalité et contraire à la Convention européenne des droits de l'homme.
Vue de cette façon-là, l'on ne comprend pourquoi effectivement il faudrait être deux pour avoir un "projet d'enfant". Et c'est sans doute pour cela qu'il a été d'ores et déjà indiqué que la loi serait modifiée pour permettre l'accès des célibataires à la GPA :
"Peers also pressed the government for a response to a High Court decision in May in relation to single parents seeking parental orders. The High Court declared that the Human Fertilisation and Embryology (HFE) Act was incompatible with human rights, in that it unfairly discriminated against single parents seeking parent orders.
Government spokesman Baroness Chisholm, responding to the debate, informed parliament that the Department of Health would produce guidance on surrogacy, and would consult with relevant stakeholders soon. The HFE Act would also be amended to grant single parents the same rights as couples when applying for parental orders.".
Cela rejoint la nouvelle définition de "l'infertilité" donnée en octobre 2016 par l'Organisation Mondiale de la Santé qui cesse de correspondre à un état physique de la personne pour correspondre à une situation sociale ou comportementale. En effet, la GPA devient le moyen d'avoir un enfant quand on n'en a pas - parce qu'on est seul, par exemple, alors même qu'on est physiquement fertile.
Cette façon de raisonner révèle que la GPA n'est pas qualifiée juridiquement comme un mode de procréation médicalement assistée pour pallier une stérilité physique médicalement constatée.
L'enfant vient donc par le seul fait qu'une personne a la volonté qu'il vienne au monde. La GPA est tout simplement la concrétisation d'un nouveau droit : le droit d'avoir un enfant.
II. LA RAISON : UN DROIT ABSOLU A AVOIR UN ENFANT
Chacun des propos tenus par les lords s'explique par l'idée que chacun désormais à un droit d'avoir un enfant, quelle que soit sa situation. De la mère de l'enfant, les lords n'en parlent qu'à peine, pour juste dire qu'elles sont satisfaites de l'argent qu'elles reçoivent et qu'en raison du faible montant qu'elles reçoivent, cela montre bien qu'elles sont animées par l'altruisme (A). Les autres affirmations montrent bien que s'il faut éliminer les deux limites (exclusion des célibataires et exigence d'un consentement de la mère-porteuse après la naissance) c'est pour que toutes les demandes soient satisfaites, les lords n'hésitaient pas à parler de "droits" des parents qui ont contracté. Le droit à l'enfant fait de celui-ci une chose (B).
A. UN DROIT ABSOLU A AVOIR UN ENFANT, EN TRANSPARENCE DE SA MÈRE
Il est remarquable de noter la façon dont les lords parlent des mères.
1. Ceux qui les défendent, notamment dans des reportages dans les médias montrent des conditions d'esclavages, sont dès le départ, présentés comme de la "presse à sensation", tandis que ceux qui payent pour avoir les enfants sont présentés comme des victimes (des survivants d'un cancer ou des couples gays - et donc victimes d'homophobie) :
'Surrogacy is a subject that suffers greatly from sensationalist journalism and broadcasting,' said Baroness Barker, who set up the debate. '[But it] has an important role to play in our society, helping to create much-wanted families where that might otherwise not be possible.'
She argued that the composition of modern families and the practice of surrogacy merited further consideration by the government, citing research from Surrogacy UK that points to the growth of altruistic surrogacy in the UK over the past five years, particularly among gay couples and cancer survivors.
2. Les mères, toujours rétrogradées par le langage de "porteuses", sont présentes implicitement comme contentes. Comme cela est difficile à soutenir, il est affirmé que l'argent qu'elles reçoivent, 15.000£ (environ 20.000 euros, et beaucoup de témoignages parlent d'argent supplémentaire donné) ne peut expliquer leur geste. C'est donc implicitement la théorie du "don magnifique" qui conduit ces femmes, affirmation qui vient juste après la phrase qui nous dit que les multiples récits de plaintes de mères-porteuses, notamment britanniques, dans la presse, après de très multiples grossesses, ne sont que de la presse à scandale .... :
This research also showed that most surrogates received less than £15,000 compensation – a meagre amount, Baroness Barker argued, which underlines how financial motive was rarely the dominant factor in surrogacy.
Arrêtons-nous un instant sur cette affirmation : voilà une baronne qui considèrent que les femmes du peuple qui enfantent pour d'autre pour 20.000 euros reçoivent un "maigre montant" et qu'elles ne font donc pas pour de l'argent : c'est exactement comme cela que les aristocrates ou les bourgeois voyaient leurs domestiques, si "attachées" à eux et à leur bonheur et si peu soucieux de leur "maigres gages".
3. Les britanniques constituent la population qui recoure le plus massivement à des mères-porteuses à l'étranger. Les parental orders étant donnés sans considération du caractère "éthique" ou non de la GPA qui y est pratiquée. Du sort des mères et de l'activation de la demande britannique, qui conduit à ouvrir de plus en plus le marché domestique, les lords n'en parlent pas.
Pourtant des députés britanniques avaient conclu que pour "protéger" les mères il convenait d'augmenter les prix, ce qui permettrait aussi d'augmenter l'offre pour satisfaire une telle demande, et passer à la GPA commerciale, ce qui permettrait aux agences britannique basées à Londres de cesser d'exercer sous forme d'association à but non lucratif organisant leur activité en partenariat avec des cliniques situées dans des pays pratiquant la GPA commerciale.
B. LE DROIT A L'ENFANT CONSTITUE CELUI-CI EN CHOSE
Ce qui ressort sans ambiguïté est l'existence d'un "droit à l'enfant".
Si l'on commence à penser les systèmes en ces termes, parce que toute personne ayant un désir d'enfant, une envie d'enfant, un projet d'enfant, une demande d'enfant, doit le concrétiser, avec l'aide d'une femme (la femme étant réduite au statut de moyen, étant donc destituée de son statut de "personne"), voire avec l'aide de l’État (idée d'un service public de la GPA), l'enfant lui-même n'est plus une fin en soi.
L'enfant est une chose. Il doit alors correspondre au projet que l'intéressé a de lui. Il sera d'accord projeté, puis réalisé suivant le design qui aura été préalablement établi. Cela est fait dans le quotidien de la GPA.
C'est en cela que la GPA engage l'avenir des enfants, des femmes et de l'humanité toute entière.
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