7 octobre 2014
Enseignements : Grandes Questions du Droit, Semestre d'Automne 2014
Enseignement : Grandes Questions du Droit
par Marie-Anne Frison-Roche
Le juge exerce un pouvoir. On le dit dans le système de Common Law, on le murmure dans le système de Civil Law. Le pouvoir existe depuis toujours car le juge français, s'il ne peut rendre d'arrêt de règlement, doit néanmoins être "législateur particulier" pour faire usage d'une loi qui est imparfaite, l'article 4 du Code civil l'y oblige. Plus encore, son office est de répondre au justiciable qui forme devant lui une prétention, au besoin en créant une règle nouvelle pour ce faire. Les techniques d'interprétation lui permettent de satisfaire cette nécessité.
Mais le juge exerce aussi son pouvoir avec et par habileté. Il crée ainsi des pans entiers du droit, par exemple en façonnant le droit de la responsabilité, aussi bien en droit privé qu'en droit public, tandis que le juge communautaire a construit l'Union européenne aussi fortement que l'ont fait les Etats. Dès lors, le juge prend une place politique dans la société, alors même qu'il ne rend pas compte du pouvoir de choix qu'il exerce, et alors même que ses décisions imprévues ont un effet rétroactif sur la situation des personnes. C'est une des raisons de la méfiance persistante des systèmes continentaux à l'égard du juge.
Plus techniquement, le juge a pour fonction de juger. Cela peut paraître un truisme. Mais tout d'abord, l'acte de juger peut se définir de nombreuses façons. Il faut s'agir de restaurer la légalité, il peut s'agir de concrétiser les droits subjectifs ou il peut s'agir de trancher les litiges en opérant la balance des intérêts. Suivant la définition préférée, c'est le système juridique dans son entier qui se colore différemment. D'ailleurs, on attend désormais du juge qui fasse autre chose que juger, par exemple réconcilier, moraliser, ou faire oeuvre de mémoire.
Plus encore, l'acte de juger ne peut se penser sans considérer la procédure qui le précéder. La procédure a aujourd'hui une valeur en elle-même. L'opposition entre procédure accusatoire et procédure inquisitoire est dépassée par le droit processuel, qui se construit sur les droits fondamentaux. Mais le procès est-il destiné à permettre au juge de découvrir la vérité ? Est-il un contrat par lequel les parties s'accordent sur leur désaccord ? Est-ce une civilisation des oppositions ? Un processus d'efficacité, notamment pour le système économique ? Les règles techniques dépendent des préférences pour telle ou telle réponse.
En outre, l'attention devient de plus en plus forte pour le droit de la preuve, coeur de tous les procès. Il est construit sur la charge de preuve, les objets de preuve, les moyens de preuve et les recevabilités. C'est là où les procès se gagnent ou se perdent. C'est donc l'essentiel.
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Le juge est la bouche de la loi
Montesquieu
Doctrine
- Breyer, Stephen, Scalia, Antonin, Antonin Scalia and Stephen Breyer debate the Constitution, 2012
- Carbonnier, Jean, De minimis ..., 1981
- FORIERS, Paul, introduction au droit de la preuve, 1981
- Frison-Roche, Marie-Anne Avant-propos à la réimpression de la thèse d’Henri Motulsky, Principe d’une réalisation méthodique du droit privé. Eléments générateurs des droits subjectifs, 2002
- Frison-Roche, Marie-Anne, Le modèle du bon juge Magnaud, 2009
- Frison-Roche, Marie-Anne, Philosophie du procès : propos introductifs, 1994
- Frison-Roche, Marie-Anne, L’erreur du juge, 2001
- Frison-Roche, Marie-Anne, La responsabilité des magistrats comme mise à distance, 2008
- Frison-Roche, Marie-Anne, Légitimité, opportunité et efficacité de l’analyse économique du procès civil, 2010
- GOUBEAUX, Gilles, Le droit à la preuve, 1981
- Manent, Pierre : Du souverain juge au juge souverain, 2010
- Motulsky, Henri, Le droit subjectif et l’action en justice, 1973
- PONSARD, André, La vérité et le droit, 1987
- Staline, Joseph, décision du bureau politique du Parti Communiste soviétique, 5 mars 1940
Textes
Jurisprudence
- Tribunal des Conflits, 8 février 1873, Blanco
- Civ. 1ère, 17 juillet 1985 (obligation de prouver à la charge de celui qui revendique l’exception à un principe),
- Ass. Plén., 31 mai 1991, arrêts dits des mères porteuses
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- Soc., 20 nov, 1991 (exigence de loyauté de la preuve),
- Cons. const., 9 avril 1996, relative à la loi organique portant statut de la Polynésie Française
- Ass. plén., 6 novembre 1998 (principe d'impartialité personnelle objective)
- Ass. Plén., 5 février 1999, Oury (annulation d'une décision de sanction prononcée par la COB au terme d'une procédure structurellement partiale, à ce titre contraire à l'article 6 CEDH)
- Com., 22 novembre 2005 (caractère réfragable de la présomption constituée par l’absence de réaction à la réception d’un relevé de compte bancaire)
- Civ 1ière, 17 juin 2009 (recevabilité de la preuve de l’adultère par production d’un SMS)
- Cons.const., 5 juillet 2013, Numéricable (déclaration d'inconstitutionnalité des règles procédurales de l'ARCEP, contraire au principe constitutionnel d'impartialité)
- Civ. 1ière, 13 septembre 2013
- CEDH, 26 juin 2014, Mennesson c/ France, Arrêt Labassée c/ France
Figure
MOTULSKY, Henri
FARJAT, Gérard
PERELMAN, Chaïm
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Les Grandes Questions pouvant aussi être abordées non plus en synthèse mais par de multiples questions, cette leçon en ouvre un certain nombre, qu'il est loisible d'approfondir, suivant l'intérêt que l'on a pour l'une ou l'autre.
En ouvrant une question particulière par un clic sur son intitulé, on accède à un développement pour chacun d'elles, des accès à du droit positif - textes et jurisprudences, rapports administratifs, discours, ainsi qu'à des travaux de doctrine présentés.
On peut ainsi, dans le cheminement de cette leçon, se poser les question suivante :
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