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Ce document de travail sert de base à une conférence faite à Nice le 4 février 2020.
Se reporter à la présentation de la conférence, notamment aux slides qui sont le support de sa présentation.
Le document de travail est aussi le sous-jacent de l'article à paraître dans l'ouvrage Les outils de la Compliance.
Résumé du document de travail. L'on souligne si souvent le lien entre le Droit et l'Histoire, entre le Droit et la Société, mais assez peu entre le Droit et la Géographie. Braudel n'a pas assez d'émule en la matière. Pourtant Pascal affirmait comme un constat que les règles de droit ne sont pas les mêmes en-deça et au-delà des pyrénées. Montesquieu dans la nouvelle formulation qu'il propose de la Théorie des climats, donne à l'observation des variété des systèmes et leur corrélation avec la géographie un tour plus normatif. Les êtres humains seraient différents suivant les régions et par l'effet du temps une différence de nature apparaît qui implique qu'on ne doive pas concevoir la même règle suivant les zones du monde. L'on évoque souvent Montesquieu et la bonne idée de revenir à ces conseils en matière d'art de concevoir les lois. Pourquoi ne pas le reprendre celui-là en matière de Droit de la Compliance, puisque les climats y sont si différents ? D'autant plus si l'on reprend plus littéralement la référence au "climat", aux différents climats et on a en tête le lien désormais très fort entre le Droit et les politiques de l'Environnement d'une part et les outils du Droit de la Compliance d'autre part (comme ladite "finance verte").
Si on doit le faire avec précaution, on peut déjà le faire comme exercice, ne serait-ce que pour éprouver la façon dont on conçoit et applique les outils de la Compliance sans jamais penser aux différences de latitude, qui ne font ni chaud ni froid aux intelligences artificielles.
C'est certainement avec grande prudence qu'il convient d'avancer mais en exprimanplus de considération pour les rapports essentiels entre Droit, Compliance et Géographie, et non pas seulement un simple indicateur qui vient in fine dans la cartographie des risques et dans les programmes de compliance, Si l'on y prête attention, alors cela permet d'éviter deux écueils (I). Le premier est celui d'éviter de donne toute la place à des outils qui n'intègrent en rien cette dimension géographique, par la réduction de ce qu'est la Compliance elle-même. Ce risque de donner trop peu d'importance à la dimension géographique dans la conception et l'usagedes outils de la Compliance (A) peut prendre trois formes. En effet si l'on réduit la Compliance à n'être qu'une "procédure" visant à s'assurer mécaniquement de sa "conformité" à la "réglementation" (1), alors cette définition littéralement vide de sens peut s'appliquer partout et à tout le monde. Mais le Droit de la Compliance n'est-il que cela ? C'est notamment méconnaitre son caractère normativement téléologique. La deuxième exclusion de la pertinence géographique, qui signe pareillement une vision pauvre de la Compliance, consiste à confier toute la mécanique de la Compliance à des plateformes et des algorithmes, par lesquelles des machines se "parlent" et "élaborent des normes (2). Si la Compliance n'est que captation, stockage et corrélation de données, cela est concevable. Mais le "terrain" où les signaux faibles sont perçus, mémorisés, où les normes sont "intériorisés, montrent que cela varie selon les zones. A ce titre, l'idée de "régulation par les data", promue par de nombreux régulations mérite plus de prudence car l'information ne fait pas la décision à elle-seule, le Droit de la Compliance demeurant de l'Ex Ante avec des organismes qui décident pour le futur. De la même façon, le Droit de la Compliance se concrétise dans des entreprises, soit toutes (corruption, sécurité des travailleurs), soit celles de certains secteurs (banques pour le blanchiment d'argent) ou d'une certaine taille (vigilance). Lorsqu'il est posé que les normes de Compliance, concrétisé par les contrôles internes, sont les mêmes pour l'ensemble des implantations de l'entreprise dite "globale" (3), n'est-ce pas une vision un peu passée de l'entreprise ? Alors qu'on remet en cause l'Etat, parce que trop hiérarchique, voilà le board de l'entreprise qui impose parfois via son pouvoir réglementaire privé la même norme, fixée sur l'Occident..... Mais une fois alerté sur ce premier type d'écueils, c'est pour mieux se garder d'un autre type d'écueils. Il est l'inverse. En effet, il faut se garder de donner trop d'importance à la dimension géographique dans la conception et l'usage que l'on a des outils de la Compliance (B). Il ne convient pas en effet de dresser des frontières entre les systèmes de Compliance, puisque la Compliance a donné lieu à un Droit nouveau, lié fortement au phénomène dit de la "mondialisation" (1). Or, non seulement l'on observe la permanence de ces frontières, sur lesquels les systèmes internationaux de règlement buttent, mais l'on constate que le Droit de la Compliance permet la construction de nouveaux murs, contre lesquels l'on ne pourrait rien. Tandis qu'il y a une guerre entre des Compliances locales exportées, dont celle des Etats-Unis est la plus voyante parce que sa voix porte le plus, mais c'est avant tout une défaite du Droit, à propos de laquelle l'on a tendance à confondre la partie et le tout (2).
Une fois que l'on a tenté de retrouver un peu ses esprits, il convient de classer car les techniques de Compliance, dès l'instant qu'on les veut substantielles, c'est-à-dire construites sur les buts que leur puissance peuvent effectivement atteindre, ont un champ d'action immense ce qui fait qu'on doit à la fois en dégager des règles générales mais concrètes. Pour trouver le juste rapport entre Droit de la Compliance et Géographie (II), l'on peut proposer un tryptique. En premier lieu, il existe sans doute ce qui relève de l'information technique et des méthodes de conservation, là où l'on peut accéler en passant des stades de développement et passer directement vers des techniques de détection, sans se soucier de conserver dans le local qui y figurer car cela n'est pas utile (A). Puis en s'attachant à la normativité de la Compliance, c'est-à-dire aux différents buts poursuivis, il s'avère que certains sont certes objectivement ancrés dans la géographie d'une zone, laquelle trouve particulièrement sa pertinence en matière d'environnement, mais ont des effets qui passent les pyrénées chères à Pascal, ce qui justifie des exigences de Compliance, comme le montra le cas de l'Amazonie (B). Plus encore, si l'on met quelque espoir dans le Droit de la Compliance et que le but monumental poursuivi par celui-ci est de nature politique et non pas seulement technique, la Compliance étant ce qui soutient et non ce qui se substitue au Politique, il faut alors assumer la Responsabilité Ex Ante portée par la Compliance à travers la notion de Vigilance. Cela est en train de prendre place. Ce qui est encore à concevoir est d'améliorier la définition même de ce que sont les outils de Compliance, trop abrupts, trop violents. En cela, ils doivent être conçus non comme une violence - si légitime soit-elle, mais comme un "chemin", ce que les textes de "transition" énergétique nous montrent. L'entreprise devient alors le superviseur des autres pour les amener d'un état à un autre (C). Le Droit comme "chemin" et non comme prescription, c'est le Droit kanak qui nous en montre l'exemple.
I. LES DEUX ECUEILS A EVITER DANS LES RAPPORTS ENTRE DROIT DE LA COMPLIANCE ET LA GÉOGRAPHIE
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A. LE RISQUE DE DONNER TROP PEU D'IMPORTANCE A LA DIMENSION GÉOGRAPHIQUE DANS LA CONCEPTION ET L'USAGE DES OUTILS DE LA COMPLIANCE
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1. Une pensée procédurale vide de substance applicable à toute "conformité"
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2. L'application de ladite "intelligence artificielle", dans laquelle les machines se parlent et élaborent les normes
Compliance ; "régulation drivée par les datas" ; êtres humains mécanisés ; purs
Compliance à la chinoise.
3. Le lien avec l'organisation managériale et sociétaire de l'entreprise elle-même
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B. LE RISQUE DE DONNER TROP D'IMPORTANCE A LA DIMENSION GÉOGRAPHIQUE DANS LA CONCEPTION ET L'USAGE DES OUTILS DE LA COMPLIANCE
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1. Dresser des frontières entre les systèmes de compliance
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2. La guerre observées des compliances locales exportées
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II. ORGANISER LE TRYPTIQUE D'INFORMATIONS TECHNIQUES, LA PART DE PRÉTENTION UNIVERSELLE DE BUT MONUMENTAUX ET L'ACCULTURATION COMME PARTIE INTÉGRANTE DE LA DÉFINITION DU DROIT DE LA COMPLIANCE
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A. CE QUI RELÈVE DE L'INFORMATION TECHNIQUE
1. Les risques techniquement mesurable
2.
B. REPÉRER DES BUTS OBJECTIVEMENT MONUMENTAUX : LE DROIT SYSTÉMIQUE DE LA COMPLIANCE
1. Les risques localement situés à effets excédant les frontières
2. Le Droit environnemental de la Compliance et
C. ASSUMER DES BUTS POLITIQUEMENT MONUMENTAUX : LE SOUCI DE L'AUTRE
1. Distinguer les mécanismes de Compliance appliqués au blanchiment d'argent et appliqués à la corruption
2. L'avenir de l'intégration du souci de l'autre dans les mécanismes de Compliance
III. LA TRANSFORMATION DE LA CONCEPTION DE LA COMPLIANCE PAR LE RESPECT DE SA DIMENSION GÉOGRAPHIQUE
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A. CE QUI SE PASSE D'UN COTE DES PYRÉNÉES NE SAURAIT LAISSER INDIFFÉRENT DE L'AUTRE COTE
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B. DÉFINIR LA COMPLIANCE NON COMME UNE VIOLENCE MAIS COMME UN "CHEMIN"
1. L'exemple des coups d'arrêts d'investissements
2. L'exemple des "transitions" énergétiques
3. Les dispositifs d'implications des investisseurs dans les opérations financées, en négatif et en positif
4. Le déplacement de la fonction pédagogique vers le centre du Droit de la Compliance
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V. par exemple pour affirmer que le Droit est une instrument politique de domination pour détruire les "territoires" et les minorités qui y vivent, Pasky, M. Droit et géographie. La question de l'interdépendance épistémologique, in de l’(inter)dépendance épistémologique, in Penser l'espace, Géographie et Culture, 2016, p.113-136.
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