2 juin 2017

Conférences

Les fonctions de la compliance. Un choix politique à opérer, in "La compliance : nouveaux enjeux pour les entreprises, nouveaux rôles pour les juristes ?

par Marie-Anne Frison-Roche

Pour une présentation en langue anglaise, cliquer sur le drapeau britannique

Référence complète : Frison-Roche, M.-A., Les fonctions de la Compliance, in  Borga, N. et Roda, J.-Ch. (dir.), La compliance : nouveaux enjeux pour les entreprises, nouveaux rôles pour les juristes ?, Centre du Droit de l'entreprise Louis Josserand, Université Lyon IIII Jean Moulin, Lyon, 2 juin 2017.

Lire le programme.

Consulter les slides servant de base à la conférence.

Consulter le Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance.

Cette conférence s'appuie notamment sur un working paper en préparation : Le bon usage de la compliance.

 

La Compliance est en train de se constituer en "Droit de la Compliance", branche du Droit économique, qui prolonge le Droit de la Régulation. Ses fonctions sont déterminées par les buts. Or, les buts sont "monumentaux", puisqu'il ne s'agit rien de moins que la fin de la corruption, du trafic d'influence, le trafic d'armes, le terrorisme international, la traite des êtres humains, la vente d'organes, la protection de l'environnement, la sauvegarde de la planète, l'accès de tous à la culture, la préservation de la civilisation, l'effectivité des droits humains ....

Les buts d'une entreprise ne sont à priori pas de cet ordre, même si elle comprend qu'il est malin de paraître aimable.

Par la confrontation des deux, l'on mesure une différence de nature. 

Par le Droit de la Compliance, les entreprises sont donc invitées à « sortir d’elles-mêmes.

De ce fait, les fonctions dessinant les contours du Droit de la Compliance, transforment ceux qui en sont les "sujets de droit", les entreprises : celles-ci en sont les sujets, en tant qu'elles en sont les agents de légalités. Mais cela ne saurait être le cas pour toutes les entreprises.

Si l'on devait généraliser l'effet de la Compliance à l'ensemble des entreprises, cela serait catastrophique et n'aurait pas de sens.

Or, qui a fermement et précisément dessiné le cercle des "sujets de droit éligibles à être agent de la légalité " de la compliance ? Avec les coûts et les responsabilités considérable qui vont avec ?

Si cela n'a pas été le Législateur, il faudra impérativement que ce soit le Juge. Car le juge est gardien de l'esprit des Lois et gardien des ordres juridiques. Surtout s'il s'agit d'un ordre juridique global.

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Par ailleurs, les entreprises ne sont pas seulement des sujets passifs du Droit de la Compliance - ce qui serait le cas d'un Droit de la Compliance mal compris - mais doivent aussi des sujets actifs du Droit de la Compliance. En effet,, ces "buts monumentaux" qui dessinent les fonctions de la Compliance sont exactement les mêmes que ceux de la Responsabilité sociales des Entreprises.

Ainsi, si l'on ne conçoit la Compliance que comme une soumission à la fois immense et vide de toutes les entreprises à la réglementation totale, il en résultera une opposition entre Régulation et volonté des entreprise, concrètement une opposition entre Autorités publiques et entreprises. Si au contraire l'on conçoit le Droit de la compliance comme ce par quoi les "entreprises cruciales" comme les Régulateurs cheminent vers la concrétisation de "buts monumentaux, alors le Droit de la Compliance cristallise un "Pacte de confiance" entre les deux, lequel excède les frontières et devient un mode de régulation de la globalisation. Mais la confiance ne serait être imposée.

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Il existe donc trois cercles, qui peuvent se superposer, mais qui ne sauraient se confondre sauf à engendre des catastrophes. Un premier cercle renvoyant à l'obligation générale de se conformer au Droit, cercle qui vise tout en chacun mais dans lequel la compliance ne se distingue pas du Droit lui-même. Un deuxième cercle qui ne peut viser que les "opérateurs cruciaux" dans lesquels des autorités publiques internalisent par souci d'efficacité des buts monumentaux, financiers et non financiers, ces opérateurs y étant contraints de par leur position. Un troisième cercle qui concernent des agents économiques qui décident, de par leur volonté, de sortir de leur pure logique économique pour viser des buts non-économiques et de contribuer au bien commun, parce qu'ils le veulent. Concrètement, il s'agit le plus souvent d'opérateurs cruciaux, mais ces deux cercles peuvent ne pas se recouvrir car le troisième cercle est dessiné par des actes de volonté des opérateurs - qui doit être validé et vérifié -  alors que ceux-ci sont contraints de par leur position d'opérateurs cruciaux dans le deuxième cercle.

 

Cette articulation entre ces trois cercles de la Compliance est l'avenir du Droit européen.

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