participation à une table ronde
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► Référence complète : M.-A. Frison-Roche, "Qu'est-ce que le "Gouvernement des juges" dans un office renouvelé par le Droit de la compliance, in table-ronde "faut-il craindre le gouvernement des juges ?", Fondation Colbert, Le droit et son impact sur l’économie. Comment en faire un atout pour la France , France-Amérique, 9 avenue Franklin-Roosevelt, 75008 Paris, 23 septembre 2025.
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Cette intervention s'insère dans une des deux tables-rondes de la manifestation.
► Consulter le programme général de la manifestation
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► Résumé de l'intervention : Pour se poser l'alternative de la "crainte", soit celle de l'absence de régles de droit, soit celle de l'omnipotence des juges, il convient d'une façon plus calme de rappeler ce qu'il appelle si souvent "le gouvernement des juges". L'expression n'est pas technique, elle exprime souvent en elle-même la crainte, voire la détestation des juges. C'est l'épouvantail par excellence. Comme d'ailleurs la "dérégulation", qui sans doute est confondue avec la simplification des réglementations.
Toujours est-il puisqu'on nous le demande, empruntons les voies des expressions convenues, ce que l'on appelle hors des textes de droit, le "gouvernement des juges". Cela serait donc des "juges". Et qui "gouverneraient".
I. Les "juges".
Lesquels ?
Les personnes qui parlent du "gouvernement des juges" visent les juges judiciaires. Car les juges administratifs, comme le Conseil d'Etat, dans son fonction juridictionnelle qui touche l'ensemble de l'action économique de l'Etat français, semble moins être la cible. Moins lorsqu'il s'agit des tribunaux administratifs, lorsqu'ils répondent aux questions posées par les ONG sur les engagements climatiques des personnes publiques. De même que les juges européens, comme la Cour de justice de l'Union européennes lorsqu'elle bloque le transfert des données personnelles de l'Europe vers les Etats-Unis, semblent moins visés.
Non, c'est avant tout le juge judiciaire : le juge pénal (abus de biens sociaux), le juge civil (contentieux de la vigilance), le juge social).
Et c'est avant tout le juge français. Le juge américain semble moins critiqué. Notamment en ce moment. Pour deux raisons. D'abord, parce que le système constitutionnel n'est pas le même (check and balance) et ici, cela est rappelé à chaque fois, le juge en France est une autorité dont le Président, qui lui est un pouvoir, a la garde. Mais à la fin, l'on regarde que la différence entre un pouvoir et une autorité peut être fine (en Droit économique, empli de droit souple, on le sait bien).
Voilà pour le Juge.
Que faudrait-il craindre d'eux ?
II. qui "gouvernent"
Qu'est-ce que gouverner.
L'office du juge est rappelé dans l'article 12 du Code de procédure civile, dont la portée est générale.
Il dispose :"Le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêt à la dénomination que les partis en auraient proposées".
L'idée française est effectivement que le juge civil est là pour trancher une dispute entre deux litigants particuliers sur un différent singulier. Cela est vrai quelque soit l'ampleur du différent, notamment le montant financier en jeu, quelque soit le sujet dont il s'agit. Cela est vrai aussi pour le juge administratif et pour le juge pénal, qui restaure la légalité, qui a été objectivement froissée par l'infraction (pénal) ou par l'adoption d'un texte non-conforme à une norme supérieur (contrôle de légalité ou de constitutionnalité).
La "dispute" cesse alors d'être purement "subjective", entre deux parties qui se disputent, elle devient plus "objective", soit entre une personne et une loi (droit pénal, le délinquant ayant comme abimé la loi), soit entre deux textes (la loi inconstitutionnelle détériorant la Constitution).
Cela ne remet pas en cause l'office que l'on dit "neutre" du juge, qui est au service des parties, puisqu'il met fin à leur dispute, la loi n'ayant que son instrument pour ce faire, et au service de la loi elle-même, puisqu'il est le gardien neutre de la hiérarchie des normes et de l'Etat de Droit.
L'idée de "gouvernement" renvoie à tout autre chose : l'idée de faire des choix pour le futur d'un groupe social. C'est en cela que le "gouvernement" est indissociable du pouvoir et de l'emprise sur le futur.
La résolution des disputes particulières de droit économique, la restauration de la légalité des textes à portée économique a toujours eu un effet économique majeure. La considération par les juges qui résolvent les disputes et restaurent la légalité a toujours existé, que l'on soit en systèmes de Civil Law ou en systèmes de Common Law (distinction professorale que l'on a toujours exagérée).
Le juge ne peut pas refuser de statuer et de répondre à la question que les parties lui posent. L'article 5 du Code civil interdit les "arrêts de réglement" en ces termes : "Il est défendu aux juges de prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises"
Mais il est précédé par l'article 4 du Code civil, l'ordre des 2 articles montrant que c'est celui-ci qui est le plus important : " Le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l'obscurité ou de l'insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice".
Le "gouvernement des juges ne vise donc pas le fait de prendre des décisions à très grand impact économique, même à effet "systémique", si les parties le demandent, le juge étant toujours obligé d'interpréter la loi. Il s'agit plutôt de faire à cette occasion des choix pour l'avenir économique et social d'un groupe social, d'une Nation.
Le juge a-t-il (ou doit-il) en matière économique faire des choix pour le futur du groupe social via les questions de dimensions économiques qui lui sont posées ?
C'est aujourd'hui la question qui est posées à travers le monde, que l'on soit en Europe (Contentieux systémique émergent), en Chine (A.I.) et aux Etats-Unis.
III. Le bouversement de ce que font les juges du fait du Droit de la Compliance
Mais ces éléments classiques de la question posée sont renouvelés du fait de l'émergence d'une nouvelle branche du Droit : le Droit de la compliance
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mafr, Vers un gouvernement économique des juges, 2005
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