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âș RĂ©fĂ©rence complĂšte : M.-A. Frison-Roche, "Comment articuler Compliance et droits de la dĂ©fense ?", Newsletter MAFR Law, Compliance, Regulation, 10 dĂ©cembre 2023
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đ§±ReconnaĂźtre leurs spĂ©cificitĂ©s pour mieux articuler Compliance et droits de la dĂ©fense
L'ouvrage qui finit d'ĂȘtre imprimĂ© et sera bientĂŽt disponible en librairie, Compliance et droits de la dĂ©fense, co-Ă©ditĂ© par le Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et Dalloz, traitant de leur rapport en soi, rapport illustrĂ© par l'enquĂȘte interne, la CJIP et la CRPC, a pour objet d'expliciter ce qu'est le Droit de la Compliance et ce que sont les droits de la dĂ©fense, pour mieux trouver les moyens de les articuler : parfois pour les hiĂ©rarchiser, le plus souvent pour trouver leurs points de contact et accroĂźtre ceux-ci. C'est avant tout de la pratique qu'il faut partir.
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đ§lire l'article publiĂ© le 10 dĂ©cembre 2023 Ă ce sujet dans la Newsletter MAFR - Law, Compliance, Regulation —ïž
Est bientĂŽt disponible en libraire l'ouvrage Compliance et droits de la dĂ©fense. EnquĂȘte interne - CJIP - CRPC.
Comme il est difficile dâavoir une vision dâensemble, non nĂ©cessairement guerriĂšre mais pourtant rĂ©aliste de ce sujet Compliance et droits de la dĂ©fense ! Le choix du titre de lâouvrage exprime pourtant par lui-mĂȘme cette ambition : nouer les mĂ©canismes de compliance, outils systĂ©miques performants oĂč lâon a lâimpression quâil y a si peu de Droit et si peu de droits, et les droits de la dĂ©fense, qui sont tout Ă la fois et avant tout des prĂ©rogatives dont des personnes sont titulaires, des droits subjectifs constituant lâindice par excellence dâune sociĂ©tĂ© construite sur lâĂtat de Droit, des droits subjectifs fondamentaux pour lesquels un compromis serait dĂ©jĂ mauvais signe pour le groupe social dans lequel nous vivons, qui serait comme dĂ©vorĂ© par lâhubris dâefficacitĂ© de la compliance.
La tĂąche est donc bien ardue et jalonnĂ©e de piĂšges. PiĂšges parce quâon sây perd dans les process qui se dĂ©roulent tout dâabord dans les entreprises Ă travers des enquĂȘtes internes, puis dans les bureaux des procureurs recevant les conseils des entreprises pour rĂ©diger les conventions judiciaires dâintĂ©rĂȘt public (CJIP), puis dans la salle dâaudience pour une comparution immĂ©diate sur reconnaissance prĂ©alable de culpabilitĂ© (CRPC) oĂč les personnes physiques rĂ©apparaissent tandis que le juge prend sa place. PiĂšges parce que pour parvenir Ă les apprĂ©hender dâun seul regard, en les unifiant dans leurs pratiques diverses par des principes, comment le faire sans prendre totalement parti, soit en faveur de la compliance, soit en faveur des droits de la dĂ©fenseâŠ. Câest dâautant plus difficile lorsquâun des acteurs qui paraĂźt perdre ou concĂ©der dans lâune des phases de la CJIP ou de la CRPC ne semble le faire que pour prĂ©parer son prochain avantage dans le mĂ©canisme qui sâouvrira bientĂŽt, et pas forcĂ©ment avec les mĂȘmes interlocuteurs. Il faut donc bien porter un regard global si lâon veut livrer une apprĂ©ciation globale afin dâarrimer ces façons de faire sur quelques principes.
En effet, parce que ce sont les ĂȘtres humains qui sont au cĆur des systĂšmes gardĂ©s par les mĂ©canismes toujours plus puissants de la compliance, ce sont des façons de faire que le Droit doit fonder dans les principes essentiels de la vie en sociĂ©tĂ©. Le premier objet de lâouvrage est donc de mieux faire apparaĂźtre les pratiques dans les enquĂȘtes internes, les CJIP et les CRPC, ce qui se passe bien et ce qui se passe moins bien ou mal, les distances dans ce qui sây passe et la description usuelle qui en est souvent faite. Or, la distance est souvent grande, Ă supposer mĂȘme quâon en parle, car lâon trouve beaucoup dâĂ©tudes sur la CJIP alors que peu sont menĂ©es, lâon en trouve peu sur lâenquĂȘte interne, alors quâelles sont lĂ©gion, tandis que lâon trouve moins encore de travaux qui articulent ce qui pourtant est pensĂ© dâun seul tenant en pratique : enquĂȘte interne, CJIP et CRPC.
Tant que lâon nâa pas une vision dâensemble de cela, lâon ne peut remĂ©dier aux dĂ©fauts qui pourraient exister, soit parce quâon ne sait pas ce qui se passe, soit parce quâon nâa pas mesurĂ© Ă quel point les enquĂȘtes internes, les CJIP et les CRPC ne se dĂ©roulent en pratique que les unes par rapport aux autres, alors que les textes de droit dur ou de droit souple, les dĂ©cisions et les analyses les segmentent. La premiĂšre ambition de lâouvrage est donc de restaurer une vision dâensemble, parce quâelle est celle de la pratique elle-mĂȘme. Sâil sâavĂšre que des dĂ©faillances existent, alors celles-ci peuvent ĂȘtre dĂ©noncĂ©es.
Mais lâon observe que certaines situations dĂ©crites peuvent ĂȘtre qualifiĂ©es par certains de dĂ©faillantes, voire de dramatiques, tandis que, visĂ©es par dâautres, elles seraient au contraire Ă approuver en lâĂ©tat. Il en est ainsi de la question du secret ou non du rapport dâenquĂȘte Ă lâĂ©gard de lâautoritĂ© de poursuite qui a vocation Ă proposer une CJIP, de lâextension ou non de celle-ci aux personnes physiques, de la prĂ©sence ou non dâun avocat dĂšs le stade de lâenquĂȘte interne, de lâadhĂ©sion ou non de lâavocat aux intĂ©rĂȘts de lâentreprise au sein de laquelle il enquĂȘte, etc., Ă la dĂ©lĂ©gation ou non de lâenquĂȘte de lâautoritĂ© publique entre les mains de lâentreprise, sur le cumul ou non de la qualitĂ© de lâavocat-enquĂȘteur puis de lâavocat-dĂ©fenseur, de la prĂ©sence ou non des victimes dans la CJIP, etc.
Suivant ce que lâon pense devoir ĂȘtre, lâon porte un jugement plus ou moins approbateur ou sĂ©vĂšre sur lâĂ©tat des textes, la nature de Soft Law de la plupart rendant lâexercice compliquĂ©. Puis sâil y a distance entre ceux-ci et ce que lâon pense devoir ĂȘtre la bonne norme, on affirme quâen pratique cela se passe autrement que ce quâen disent les textes ou bien lâon considĂšre quâil faudrait changer les textes. Point par point, câest ainsi un vĂ©ritable kalĂ©idoscope qui se dresse.
Il en rĂ©sulte un ouvrage dont contributions se heurtent parfois les unes les autres, le principe du contradictoire se glissant dans la structure mĂȘme de lâouvrage, instituant ainsi le lecteur lui-mĂȘme en tant que juge, ce personnage si absent. Le lecteur pourra Ă©laborer sa propre opinion, puisque lâouvrage rĂ©pertorie des textes, dĂ©crit les pratiques, donne une illustration de tout ce que lâon peut en penser, dans des visions parfois analytiques et parfois globales, Ă©nonçant diverses propositions.
Oui, lâobjet du livre est de mettre celui qui le lit en mesure de se faire sa propre conception et de participer Ă ce qui fait aujourdâhui assurĂ©ment dĂ©bat : la confrontation entre Compliance et droits de la dĂ©fense.
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Puisquâen pratique les stratĂ©gies de tous interfĂšrent, chacun anticipant, chacun se souvenant, car au stade de lâenquĂȘte lâon pense dĂ©jĂ Ă la suite que sont non seulement la CJIP et la CRPC mais peut-ĂȘtre aussi aux condamnations qui viendront, tandis que plus tard dans ces procĂ©dures lâon cherche Ă retrouver ce passĂ© oĂč des investigations apportaient tant de prĂ©cieuses informations, il faut Circuler dans le temps pour mettre en phase Compliance et droits de la dĂ©fense.
Et pour commencer, il faut admettre la confrontation initiale entre Compliance et droits de la dĂ©fense. Il faut admettre cet affrontement initial, cela Ă©tant dâautant plus nĂ©cessaire que lâenjeu est dâĂ©viter quâil ne devienne dĂ©finitif. Mais dans un Ătat de Droit, les droits de la dĂ©fense sont au cĆur et la hiĂ©rarchie des normes, qui impose quâils demeurent le privilĂšge de tous ceux qui risquent dans le futur dâĂȘtre punis. Certes, si lâon regarde le dĂ©roulement des Ă©vĂ©nements dâune façon linĂ©aire, les mĂ©canismes de compliance relevant de lâex ante, les droits de la dĂ©fense ne sâanimeraient que lorsque les procĂ©dures rĂ©pressives se dresseraient ultĂ©rieurement face Ă la personne, morale ou physique. La question ne se poserait donc mĂȘme pas, ou dâune façon non centrale. Il sâagit pourtant lĂ dâune compatibilitĂ© fallacieuse entre Compliance et droits de la dĂ©fense.
En effet, câest la perspective de la possible punition future qui fonde lâattribution des droits de de la dĂ©fense. Cette considĂ©ration de lâavenir non seulement permet mais oblige ainsi le Droit à « circuler dans le temps », Ă toujours penser par avance ce qui peut arriver demain : câest ainsi quâil faut penser et lâenquĂȘte interne, la CJIP et la CRPC. DĂšs lâinstant que dans la pratique mĂȘme de ces outils de compliance, au moment oĂč ils se dĂ©roulent, lâon pense dĂ©jĂ Ă lâusage quâon pourra en faire, ce pour quoi ils ont souvent Ă©tĂ© utilisĂ©s car lâenquĂȘte interne est une preuve formidable pour obtenir par la suite condamnation et/ou CJIP et/ou CRPC, la part des droits de la dĂ©fense se dĂ©place dans le temps.
Apparaissent alors plus clairement deux ambiguĂŻtĂ©s qui affectent le Droit de la Compliance lui-mĂȘme et que les droits de la dĂ©fense permettent dâĂ©clairer. La premiĂšre vise la place quâoccupe le consentement de la personne qui aurait pu ĂȘtre protĂ©gĂ©e par les droits de la dĂ©fense et qui exerce sa volontĂ© pour y renoncer. En effet, le consentement, en lien avec la volontĂ© dont il serait lâexpression, vise lui aussi lâavenir et permet de nouveau Ă la Compliance de prendre le pas sur les prĂ©rogatives de lâindividu, qui de lui-mĂȘme choisit de ne pas en bĂ©nĂ©ficier. LâomniprĂ©sence du « consentement » dans la Compliance est ici Ă©clairante. Pour protĂ©ger le lien qui doit demeurer entre le consentement et la libre volontĂ© des personnes concernĂ©es, il faut nĂ©anmoins que la figure du tiers soit rĂ©introduite dans lâenquĂȘte interne et la CJIP, les prĂ©tendants Ă incarner ce tiers impartial Ă©tant nombreux mais lâorganisation demeurant encore faible, notamment du fait de lâabsence singuliĂšre du juge.
De la mĂȘme façon quâun consentement mieux protĂ©gĂ© peut servir de lien entre Compliance et droits de la dĂ©fense, la garde des secrets pourrait les rĂ©concilier, dâune part si lâon cerne plus prĂ©cisĂ©ment la potentialitĂ© de sanction future au moment oĂč lâenquĂȘte se dĂ©roule, oĂč la CJIP se nĂ©gocie, si dâautre part lâon mesure mieux lâaptitude du secret Ă favoriser la transmission de lâinformation.
Au moment oĂč le Droit français peine Ă reconnaĂźtre la nĂ©cessitĂ© du secret des avis juridiques, cette constante est Ă garder Ă l'esprit, si l'on est attachĂ© et au Droit de la compliance et aux droits de la dĂ©fense.
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