Le 12 avril 2016, une émission sur France 5 animée par Marina Carrère d'Encausse, Le Monde en face propose un reportage, États-Unis : enfants jetables, expliquant un phénomène qui se répand aux États-Unis.
25.000 enfants en sont victimes chaque année. Chaque année, le nombre de victimes s'amplifie. Le documentaire est si choquant que la presse
Aux États-Unis, chaque année 25.000 enfants adoptés ne donnent pas satisfaction à leurs parents adoptifs. Que font-ils ? Au lieu de soupirer, de les punir, de dire du mal d'eux entre amis, ils passent une annonce sur un site. Ils proposent l'enfant à d'autres adultes pour que celui-ci soit adopté par des tiers. Ils en vantent les qualités, préviennent des défauts. Ils demandent parfois de l'argent, car il faut compenser l'argent déjà dépensé pour l'éducation ou proposer la cession à titre gratuit. Il peuvent, puisque la plateforme est un marché ou l'on peut être à la fois offreur et demandeur choisir à leur tour et en même temps un enfant qui correspondra mieux à leur désir, à la représentation qu'ils avaient de leur enfant lorsqu'ils ont adopté le précédent. Ou ils peuvent ne pas le faire, estimant que cette expérience leur a montré que la parentalité leur a apporté plus de soucis que de bonheur. C'est comme ils veulent. Les enfants, dont on peut voir les visages, des scénettes de la vie quotidiennes, sont attrayants, et trouveront sans doute de nouveaux parents et correspondront enfin au "projet d'enfant". Ils ont grandi par rapport à leur première expérience de lien de filiation par volonté et l'on voit dans les films de promotion qu'ils cherchent à démontrer quel "bon enfant" ils sont aptes à être.
Comment peut-on en être arrivé à cet immense marché aux esclaves, dans lequel les adultes traitent des êtres humains comme des peluches, les enfants pour survivre devant correspondre au "projet" que les parents futurs ont d'eux ?
Lire ci-dessous.
I. L'ADOPTION COMME PURE CONCRÉTISATION DU DÉSIR D'ENFANT, ALORS QUE L'ADOPTION EST L'ATTRIBUTION DE PARENTS A UN ENFANT
L'adoption est un mécanisme dont l'effet est l'établissement d'un lien de filiation entre un adultes et un enfant. Son objet est de donner ainsi un parent à un enfant qui n'en a pas.
Ainsi, le Droit établit un lien de filiation aussi puissant et contraignant que celui qu'il place entre l'adulte et l'enfant engendré biologiquement par le premier, car il est dans l'intérêt de l'enfant d'avoir un parent plutôt que de ne pas en avoir.
L’État utilise sa puissance de créer des réalités en désignant ainsi "père" ou "mère" un adulte qui pourtant "dans les faits" n'est pas le père ou la mère de l'enfant mais qui par la puissance du Droit va le devenir, car l'enfant sera ainsi plus heureux.
Ainsi, le Droit français confie à l'administration le soin de choisir l'adulte (ou le couple) qui lui paraît le plus apte pour l'enfant qui n'a pas de parent et c'est le juge qui prononce l'adoption par un jugement.
Mais aux États-Unis, la conception de l'adoption est tout à fait différente.
L'on ne part pas de l'enfant, mais de l'adulte. L'adulte a un "désir d'enfant" et un "projet d'enfant", un "projet de parentalité". Pour concrétiser ce projet de parentalité, l'adulte a plusieurs voies.
L'adulte peut avoir une relation sexuelle avec un autre être humain et avoir ainsi un enfant qu'il déclare à l'état civil. Il peut aussi externaliser la concrétisation matérielle de la réalisation de l'enfant, en demandant à des prestataires biologiques, par une maternité de substitution (GPA) et se déclarer parent de cet enfant, puisque c'est lui qui a eu "l'intention" de le faire venir au monde. Par exemple en Californie, il demandera au juge par avance, avant la naissance, que lui soit reconnu son droit à la parentalité sur l'enfant à naître.
Ou il peut adopter un enfant, dès l'instant qu'un enfant est disponible, en allant dans les services sociaux ou en trouvant un adulte qui lui propose un enfant qui correspond au "projet d'enfant" qu'il a élaboré.
Ainsi, l'adoption devient une des voies pour un adulte d'avoir un enfant, car il avait le projet d'en avoir un.
C'est la disparition de cette opposition de base entre l'adoption qui consiste à donner des parents à un enfant et l'engendrement qui consiste à permettre à des adultes de se donner un enfant, qui va engendrer ce massacre des enfants à grande échelle (25.000 par an) auquel nous sommes en train d'assister.
II. L'ADOPTION, DÉFINIE D'UNE FAÇON PERVERSE COMME UN ENGENDREMENT D'ENFANT PAR LA VOLONTÉ PRIVÉE
En Europe, l'adoption est un mécanisme de droit public, puisque c'est l’État qui établit ce lien entre l'adulte et l'enfant, d'une façon fictive mais, parce que le Droit crée du réel d'une façon définitive.
La filiation est en Europe le socle de la société, c'est ce qui place l'individu dans le groupe familial, à la fois d'une façon positive - qui lui permet de savoir où il est - et d'une façon négative : l'on ne peut pas être la sœur de sa mère, l'on ne peut pas épouser son père, etc.
La filiation est l'institution politique par excellence.
Aux États-Unis, dans la mesure où l'on considère aujourd'hui que l'enfant est engendré par l'amour du couple, l'enfant étant comme un prolongement de l'amour du couple, une sorte de preuve de l'amour du couple, la filiation devient une affaire privée. L'on quitte le Droit public pour aller dans le Droit privé.
Dès l'instant que c'est une affaire de vie privée, l'enfant et la filiation devient le prolongement non plus tant du couple mais de l'individu lui-même. Ainsi, l'arrivée d'un bébé est la preuve de la jeunesse d'un adulte vieillissant.
Les entreprises qui vendent la jeunesse vendent dans le même élan, sur le même étal, les bébés attestant de de celle-ci et la filiation qui relie l'enfant arrivé et l'adulte. Mais pour cela, il faut que la filiation soit une affaire privée.
Or, elle le devient si l'on affirme que ce qui engendre l'enfant c'est d'une façon plus générale la volonté de le faire advenir. Cela va être soutenu par les entreprises américaines : c'est la volonté d'avoir un enfant qui fait naître l'enfant.
C'est exactement ce que signifie l'expression inventée aux États-Unis, promue aux États-Unis, mis exportée dans le monde entier : "parents d'intention". Cela serait l'intention d'être parent qui instituerait le lien de filiation.
Dès lors, un marché extraordinaire va s'ouvrir : en effet, il est fréquent que la volonté d'avoir un enfant se concrétise par la venue d'un enfant. Mais l'enfant ne vient pas, parce que la personne n'a pas de relation sexuelle avec une personne adéquate à produire l'enfant voulu, alors des entreprises vont proposer des "moyens" pour concrétiser cette volonté : par exemple plateformes numériques pour trouver un enfant à adopter qui correspondra au "projet d'enfant" ou plateformes numériques pour commander un enfant à faire fabriquer par une femme (GPA) qui correspondra au "projet d'enfant".
Le marché des filiations peut s'ouvrir. Les adultes achètent des filiations en croyant disposer de leur vie privée sans avoir aucune conscience d'attaquer la structure même de la société.
Va s'en suivre le massacre des enfants.
Car ce que la volonté fait nouer, la volonté peut le dénouer
III. LA CONSÉQUENCE LOGIQUE D'UN REJET DE L'ENFANT NON-CONFORME AU "PROJET" ÉLABORÉ PAR LES "PARENTS D'INTENTION"
Parce que l'enfant a été adopté en application d'un "projet d'enfant" élaboré dans la vie privée de l'individu, seul ou en couple, l'enfant étant ainsi un prolongement de lui-même, il convient que ce projet "réussisse".
En effet, le "parent" se définit d'une façon plus générale par l'intention qu'il a d'être parent : c'est un "parent d'intention". Mais c'est une "intention continuée". L'enfant n'est lui-même que la concrétisation du projet.
Or, l'enfant se révèle être un être humain. Avec des qualités, mais aussi des défauts. Non seulement, il ne peut que décevoir, mais encore et tout simplement parce que : il existe.
C'est-à-dire qu'il n'est pas que le "prolongement" de son "parent d'intention".
L'on remarque que les parents remettent les enfants à disposition à l'âge où l'enfant, cessant d'être "mignon", commence à exister dans l'opposition, cesse d'être le "prolongement" de ses parents. Bref, où le projet échoue car l'enfant veut s'évader et que l'adulte doit admettre qu'il faut aimer l'enfant pour lui-même et non pas pour soi.
Et c'est à ce moment-là que 25.000 enfants sont remis dans la nature, car ils sont si décevants lorsqu'ils prétendent être des êtres humains et non pas des peluches ou des petits chats, lorsqu'ils prétendent n'être pas que des mini-moi.
Lorsqu'on regarde les vidéos tournées mettant en scène ces enfants, qui cherchent à trouver de nouveaux preneurs, ils cherchent surtout à montrer combien ils sont sages et propres et mignons : comme des animaux de compagnie. Surtout ne pas déranger, surtout ne pas exister. Pour n'être pas mis dehors une nouvelle fois.
IV. L' "INNOCENCE" DES PARENTS QUI MASSACRENT L'ENFANT
25.000 par an. 25.000 enfants ainsi massacrés. Car c'est bien de massacre dont il faut parler. Des êtres humains qui, rejetés pour avoir déplu, doivent se vanter dans leur aptitude à plaire de nouveau, dans leur plasticité.
Ce marché des esclaves. Que les enfants le fassent, on le comprend. L'instinct de survie est si puissant et la capacité d'adaptation en milieu hostile si remarquable.
Ce qui est étonnant, ce sont les adultes.
Si l'on imagine que ce sont des couples qui ont ce comportement ignoble, ce sont donc environ 50.000 personnes par an qui aux États-Unis massacrent ainsi des enfants.
Les mêmes qui ont pleuré au cinéma devant Il faut sauver Willy.
Comment ?
Parce que les entreprises qui construisent le marché de l'humain et vendent des enfants à adopter ou à fabriquer, les agences qui tiennent les plateformes pour les uns et les autres, ont réussi dans leur stratégie de "sophistique de l'innocence".
Les adultes sont convaincus de leur propre innocence. De la même façon que les adultes qui font fabriquer des enfants par des femmes et emportent l'enfant à la naissance le séparant de sa mère en portant ainsi une atteinte si gravement et à l'enfant et à la mère n'en ont aucune conscience, les adultes n'ont ici aucune conscience de ce qu'ils font à l'enfant.
Partant d'eux-même et revenant à eux-mêmes, ils disent que finalement, cela n'a pas bien marché entre eux et l'enfant, que celui-ci ne correspondant pas au projet d'enfant qu'ils avaient en tête, l'enfant concret s'étant révélé différent, et que très certainement cela se passera mieux chez d'autres personnes. Ils veulent bien le céder sans contrepartie financière car l'enfant a des qualités qui feront le bonheur d'un couple sans enfant et malheureux de cela ("don magnifique").
Les offres d'enfants disponibles étaient le plus souvent payantes, puisque l'enfant a été entretenu avant d'être proposé. Mais il y a tellement d'offres que les enfants sont "à céder" gracieusement car ce sont les preneurs qui rendent service en ôtant l'enfant du foyer des adultes qui n'ont plus "l'intention" d'être "parents".
L'enfant qui n'est pas conforme au projet d'enfant ne peut pas être admis : en effet, l'enfant ayant été engendré par le projet que l'adulte a eu de lui, s'il ne correspond pas à ce projet, alors il ne peut pas demeurer.
L'adulte remet donc l'enfant en circulation en disant que l'enfant rencontrera ainsi un projet auquel il sera plus adéquat et qu'ainsi un lien de bonheur sera noué entre l'enfant et ses nouveaux "parents d'intention", puisqu'il correspondra au projet que ceux-ci ont.
Dans cette façon de penser, les adultes se pensent innocents.
Ils sont aussi totalement infantiles et ne pensent pas un instant que l'enfant est une personne. Personne qui est massacrée par un tel comportement.
V. LE MASSACRE DES ENFANTS ENGENDRÉ PAR L'ADOPTION DÉVOYÉE ET PAR GPA
Il ne faut pas s'étonner que dans la pratique de marché qu'est la GPA les enfants qui naissent avec une malformation soient rejetés par les "parents d'intention", puisqu'ils ne correspondent pas au projet que ceux-ci avaient.
Il ne faut pas s'étonner que l'adoption définie d'une façon marchande comme le moyen pour des adultes de concrétiser leur "projet d'enfant" aboutisse exactement au même comportement.
On comprend mieux pourquoi les pro-GPA soutiennent qu'il faudrait admettre le principe de la GPA en la pensant sur le modèle de l'adoption, car pour eux l'adoption n'est qu'un moyen de satisfaire son désir de concrétiser son projet d'enfant
Le marché des enfants peut concrétiser tout cela. Le marché secondaire est déjà en place.
Ce sont des enfants massacrés qui sont la matière première échangés sur ce marché secondaire.
Chacun sait que sur ce marché de l'adoption, ainsi dévoyée, comme dans la pratique de la maternité de substitution, comme l'a dit le Tribunal fédéral suisse dans son arrêt du 15 septembre 2015, ce sont les droits fondamentaux de l'enfant qui sont atteints, car il a cessé d'être considéré comme une personne.
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Sur l'effet d'une "famille" fruit d'un "projet" conçu par un individu, v. Frison-Roche, M.-A., Une famille à sa main, 2014.
Sur un exemple appliqué de sophistique, v. un débat télévisé en avril 2016
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